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Pour ou contre le cumul des mandats ? Quatre députés refont le match

FTVi a interrogé des parlementaires – cumulards et non cumulards – sur cette question qui dépasse le traditionnel clivage gauche-droite. 

Article rédigé par Ilan Caro, Salomé Legrand
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
De g. à dr., Philippe Plisson (PS), Dominique Bussereau (UMP), Jean-Jacques Urvoas (PS) et Christian Kert (UMP). (AFP / MAXPPP / FTVI)

Les parlementaires vont-ils devoir, à terme, abandonner toute responsabilité dans un exécutif local ? Selon notre décompte exclusif publié mardi 26 juin, 338 députés sur 577 seront concernés par cette mesure, qui figurait dans le programme de campagne de François Hollande. Or, elle doit, pour aboutir, passer l'obstacle du Parlement. FTVi a sollicité l'avis de quatre députés – cumulards et non cumulards – sur cette question qui dépasse le traditionnel clivage gauche-droite.

POUR. Philippe Plisson (PS, Gironde) : "On risque de couper l'élu de sa base"

"C'est vrai que je suis un gros cumulard et je n'ai aucun état d'âme ! D'ailleurs, j'ai été réélu avec plus de 64 % des suffrages aux dernières législatives, et dès le premier tour au conseil général l'an dernier, donc visiblement ça ne gêne pas non plus les électeurs. J'ai été élu en 1983 maire du village dans lequel je suis né, Saint-Caprais-de-Blaye (Gironde), puis j'ai créé l'intercommunalité, dont j'ai été élu président. Ensuite, j'ai été élu le même jour en 1998 au conseil régional et au conseil général, dont je suis aujourd'hui vice-président. Il faut aimer la chose publique, et savoir s'entourer. J'ai quatre collaborateurs parlementaires, deux permanences dans ma circonscription avec une attachée parlementaire à plein temps dans chacune. Je ne thésaurise pas mon indemnité !

C'est important de voter les lois à Paris, mais il faut aussi s'occuper des territoires en déshérence. Je suis sur le terrain tout le temps, y compris le week-end. On risque de couper l'élu de sa base, surtout si on glisse vers la proportionnelle, qui favorise les apparatchiks, ceux qui s'investissent dans le parti plutôt que sur le terrain. On peut dire ce qu'on veut, je suis dans le premier tiers du classement de Nos Députés.fr en termes de présence et d'activité. Mais je suis un bon soldat. Je voterai évidemment la loi si elle est présentée."

POUR. Dominique Bussereau (UMP, Charente-Maritime) : "Un contre-pouvoir face aux technocrates"

"On pourrait éventuellement ajouter aux règles actuelles la prise en compte des mandats détenus au sein des grandes intercommunalités (communautés urbaines). Mais pour le reste, je ne suis pas favorable à un strict non-cumul des responsabilités. Dans un pays centralisé comme la France, il est indispensable que des élus s'appuient sur un mandat local pour exercer un contre-pouvoir face aux technocrates. Ceux qui n'ont que leur mandat de député ont une parole moins forte à l'Assemblée. Non qu'ils soient moins intelligents, mais peut-être sont-ils un peu déconnectés de la réalité...

Rappelons que François Hollande, avant d'être élu président, cumulait, comme moi, les fonctions de député et de président de conseil général. Et cela ne semblait pas lui poser de problème existentiel. C'est un choix de vie : il faut beaucoup travailler, renoncer aux vacances ou aux week-ends, mais il est tout à fait possible d'assumer les deux fonctions. Moi, les 35 heures, je les fais avant le mercredi matin !"

CONTRE. Jean-Jacques Urvoas (PS, Finistère) : "On ne peut pas bien faire son travail" avec deux mandats

"J’étais partisan du non-cumul des mandats par conviction en 2007, lorsque, élu député, j’ai démissionné de mon poste de conseiller régional. Je suis maintenant partisan du mandat unique par expérience. Honnêtement, la charge de travail est telle qu’on ne peut pas bien faire son travail de député et avoir une autre fonction importante.

Un mandat local permet certes d’avoir une réflexion plus pratique, mais je ne pense pas qu’un maire ait le temps d’être pleinement député. On peut être un excellent député de 25 façons différentes, mais être un bon législateur nécessite une présence intensive à l’Assemblée. On ne peut pas faire la loi entre le mardi 10 heures et le mercredi 16 heures. En ce qui me concerne, j’arrive le lundi soir et je repars le jeudi en fin d’après-midi. Il faut pouvoir aller constater comment la loi est appliquée localement, se donner le temps de réunir tous les publics concernés par un texte..."

CONTRE. Christian Kert (UMP, Bouches-du-Rhône) : "On doit réserver du temps au rôle de médiateur dans sa circonscription" 

"Il faut tirer sagesse de ses échecs ! C'est en n’étant pas élu lors des municipales de 2001 que je me suis aperçu qu’on pouvait, effectivement, consacrer beaucoup plus de temps à la fonction de parlementaire. Je m’en suis fait une religion et je pense que c’est la bonne formule. C’est dans cette période que j’ai pu conduire des commissions d’enquête, produire nombre de rapports et même être classé parmi les députés les plus actifs.

C’est mon sixième mandat consécutif, cela prouve que j’ai un vrai lien avec ma circonscription ! Il est peut-être possible de cumuler avec un mandat de maire d'une petite commune, ou d'une commune de taille moyenne. Mais c’est vraiment très difficile avec la présidence d’un conseil régional ou général. D’ailleurs, si une proposition de loi en ce sens est faite, je la voterai même si je fais partie de l’opposition. Il y a trois fonctions dans le mandat de député : celles de législateur et de contrôle du gouvernement nécessitent d’être à Paris. La troisième, c’est un rôle de médiateur dans sa circonscription, ce à quoi il faut aussi réserver du temps."

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