Pourquoi la France est-elle aussi nulle à l'Eurovision ?
Amandine Bourgeois est arrivée 23e sur 26, hier en Suède. La France n'a pas gagné cette compétition depuis 1977.
Il y a bien L'Express pour rappeler que la France a remporté cinq fois l'Eurovision, "ce qui lui vaut historiquement la deuxième place, derrière l'Irlande et ses sept victoires" mais les faits sont là. Avec la 23e place sur 26 prestations pour la chanson d'Amandine Bourgeois, l'édition 2013 signe le 35e échec consécutif de la France à remporter la compétition. Changements de style, participation de stars comme Patricia Kaas en 2009, rien y fait. Même Amaury Vassili, parmi grands les favoris en 2011, termine 15e. "Un résultat de merde" selon ses propres mots. Pourquoi la France rame-t-elle tant à sortir du lot dans ce concours de chant ? Explications.
Parce que ses chansons ne sont pas adaptées
"Peut-être que ma chanson n'était pas assez formatée Eurovision", s'est excusée la représentante de la France, "désolée", au micro de RTL. Mais un formatage Eurovision, qu'est-ce que cela peut bien être ? France Soir apporte un début de réponse. "Consensuel : une chanson rythmée, un style qui correspond à ce qu'on entend en général sur les radios de musique pop et surtout, aucune originalité particulière." Et de souligner que les toutes dernières éditions ont consacré des titres chantés en anglais ou dont le nom était, au moins, traduit dans la langue de Shakespeare.
Pas vraiment le genre de styles, pourtant très variés, que la France a envoyés sur scène... D'Amandine Bourgeois, donc, gagnante de la sixième saison de la Nouvelle Star, à Amaury Vassili (2011), très jeune ténor en passant par la chanteuse marocaine Sofia Mestari (2000), le breton Dan Ar Braz et ses deux interprètes galloises (1996) ou encore les improbables Fatals Picards (2007), impossible d'atteindre le podium. Avec l'indéfinissable Où aller en 1998, Marie Line réussit même à s'enterrer à l'avant-dernière place avec ce score record de ... trois points.
Parce que la géopolitique entre en jeu
Russie, Norvège, Allemagne, Azerbaidjian, Suède, Danemark : les cinq dernières éditions ont profité aux pays de l'Est ou du Nord de l'Europe, au détriment des historiques de la compétition. "C'est bien la première chose qui saute aux yeux quand vient l'heure de l'annonce des résultats", note Charts in France, "de nombreux pays, et en particulier les pays de l'Est, semblent plus enclins à voter pour leurs voisins."
C'est que le système d’attribution des points de l'Eurovision laisse toute latitude à la subjectivité, notamment géographique. Depuis 2009 et l'abandon du télévote au profit d'un système mixte, chaque pays participant affecte un contingent de points, entre 0 et 12, aux dix pays dont il a préféré les chansons. Le nombre de points alloués sont le résultat d'un calcul comprenant le vote ainsi que celui d'un jury composé de cinq personnalités du monde de la musique.
Il n'empêche, en 2012, Jean-François Gleyze, chercheur en géographie, a fait une enquête statistique pour Le Plus du Nouvel Obs. "Sur la période 1993-2008, mon étude a permis de dégager des groupes cohésifs, soudés, qui ont une tendance significative à échanger des votes anormalement élevés", pointe-t-il. Parmi eux : les pays scandinaves ; les Balkans divisés en deux groupes : les pays de l’ex-Yougoslavie, associés à la Turquie d'un côté et l’Europe orientale (Grèce, Chypre, la Roumanie, la Moldavie et parfois l'Ukraine et la Russie) de l'autre. "Depuis de nombreuses années, la France ne bénéficie pas de ce genre de réseau", assène le chercheur.
Parce qu'elle s'en fiche
"La sélection de l’artiste semble relever du plus grand des mystères : un beau jour, on apprend à la radio que tel chanteur représentera la France, sans que l’on sache vraiment comment il a été choisi", note Challenges. L'hebdomadaire économique a interviewé le chef de la délégation française de l’Eurovision, Frédéric Walenka, selon qui "cette année, par exemple, l’Unité Divertissement de France 3 a reçu 150 chansons, qui ont été écoutées et évaluées par 5 personnes", puis 18 titres ont été notés "à l'aveugle" par un Comité de sélection de 14 personnes. Peu importe, les Français découvrent souvent le candidat qu'ils sont censés soutenir à la dernière minute. Pas de quoi transporter les foules qui ne connaissent qu'un début de refrain la veille de la compétition.
De plus, "en France, on adore rire d’être le dernier", explique Antoine Gouiffe, directeur marketing de Warner Music. La compétition est loin d'emporter dans l'Hexagone la ferveur qu'elle déclenche dans d'autres pays européens comme à Malte ou en Suède, qui en font une vraie fête, suivie par un habitant sur deux. "Les chanteurs de qualité hésitent à participer car ils craignent que cela ne nuise à leur carrière et redoutent les journalistes souvent très, très méchants", ajoute Planet.fr qui déplore un manque de promotion de l'évènement.
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