Procès Typhaine : la mère et le beau-père condamnés à 30 ans de prison ferme
Anne-Sophie Faucheur, 26 ans, et son compagnon Nicolas Willot, 27 ans, étaient jugés depuis lundi pour le meurtre de la fillette de 5 ans.
La Cour d'assises de Douai (Nord), a tranché. Vendredi 25 janvier, elle a condamné Anne-Sophie Faucheur, 26 ans, à trente ans de prison ferme, assortie d'une période de sûreté de vingt ans, pour avoir tué sa fille Typhaine, 5 ans, en juin 2009. Son compagnon, Nicolas Willot, 27 ans, a écopé de la même peine.
le verdict a été accueilli dans le silence à la fois par les accusés et par les membres de la famille du père de Typhaine, parties civiles, qui avaient tous revêtu un tee-shirt blanc à l'effigie de la fillette.
Le couple s'était en outre rendu coupable de dénonciation mensongère, en faisant croire à la disparition de l'enfant. Francetv info déroule le fil des six mois de calvaire de l’enfant.
>> Retrouvez le suivi en direct et le dossier de nos confrères de France 3 Nord consacré au procès.
L’enlèvement à la sortie de l’école
Typhaine naît le 6 avril 2004. Anne-Sophie Faucheur, déjà mère d'une petite Caroline depuis un an, est alors âgée de 18 ans. Ce deuxième enfant arrive trop vite, trop tôt. "C'est difficile dès la maternité, je la rejette un peu", confie la jeune femme à la barre, le premier jour de son procès. Le couple explose, se sépare en décembre 2005. François Taton, le père, garde Typhaine avec lui, et vit chez sa mère. Anne-Sophie Faucheur prend Caroline. Un accord à l'amiable, sans passer devant le juge.
A part de rares visites, à son anniversaire et à Noël, le lien entre la mère et sa cadette est quasi inexistant. Mais le 22 janvier 2009, elle vient enlever sa fille à l'école, prétextant un accident du père. Elle l'emmène à Aulnoye-Aymeries (Nord), où elle vit avec son nouveau compagnon, Nicolas Willot. Typhaine lui manquait, s'est-elle justifiée devant la cour.
François Taton entame des démarches pour récupérer sa fille. "Je suis allé au commissariat central de Lille et ils n’ont pas pris ma plainte, étant donné qu’il n’y avait pas de jugement" pour la garde des enfants, explique-t-il à l'audience, selon des propos rapportés par nos confrères de France 3. "J’ai fait appel à deux avocats pour récupérer Typhaine. Mais ça allait être long, parce qu’il fallait faire appel à un huissier pour trouver son adresse. A partir du moment où je l'ai eue, j’y suis allé tous les week-ends, mais ils avaient déménagé, et je n’ai jamais revu Typhaine. Le jour où elle l’a pris, ni moi ni personne de ma famille n’avons pu lui dire au revoir."
De l'enfant "heureuse" à l'enfant "fantôme"
L'arrivée de Typhaine chez sa mère se passe mal. "J'avais idéalisé nos retrouvailles, je ne me suis pas dit qu'elle pouvait être perturbée. Je pense que j'attendais beaucoup de choses, je perdais pied. A partir de février, je commence à être autoritaire, dure", lâche l'accusée à la barre. "Pourquoi tu es venue la chercher ?", lui lance la grand-mère de Typhaine. Elle était heureuse, elle avait un toit, un papa, ses tantes, ses cousines, un cocon, elle vivait et elle était heureuse chez nous."
Les coups commencent rapidement à tomber, raconte son compagnon. "La situation s'est vite aggravée. Typhaine était une enfant timide et renfermée, jamais heureuse quoi qu'on fasse. Cette attitude a agacé Anne-Sophie, raconte-t-il. Elle la frappait quand elle était en colère, tout était prétexte." Il reconnaît lui-même avoir commencé à battre l'enfant en mai.
Fessées, coups de ceinture, coups de pieds et de poing, douche froide… Les sévices se multiplient, rappelant à maints égards les souffrances endurées par Marina, une autre enfant victime de maltraitances mortelles, dont les parents ont été condamnés en juin à trente ans de prison. Comme elle, Typhaine est régulièrement enfermée à la cave, dans le noir, attachée. Comme elle, on la prive régulièrement de nourriture. Comme elle, elle est déscolarisée. Personne ne la voit.
"Typhaine était une enfant fantôme", a estimé un policier lillois à la barre. "J'ai dû (la) voir dans le jardin deux ou trois fois de Pâques à mai. Quand on m'a dit son âge, 5 ans, j'étais étonnée, elle était très menue", a témoigné une voisine, la dernière à avoir vu la fillette vivante, le 20 mai. Lors de sa plaidoirie, l'avocat de l'association Enfance et partage a pointé du doigt la responsabilité de l'Education nationale dans cette affaire : "Les directeurs d’école n’ont pas fait grand-chose pendant 6 mois. Il faudra attendre le 11 juin 2009 pour que l’inspection académique veuille alerter le parquet ! Il sera trop tard."
La soirée fatale du 10 juin 2009
Le soir du drame, Typhaine "n'arrivait pas à dormir et marchait dans la chambre", ce qui a "exaspéré" sa mère. "La série de coups" commence : fessées, gifles, coups de poing, de pieds. "Ça a été très fort", admet l'accusée. "Puis j'ai été mettre une paire de baskets et je l'ai frappée au niveau du ventre. Elle est au sol, elle a du mal à marcher. Je ne me souviens plus, mais elle doit pleurer", poursuit-elle. Nicolas Willot explique clairement, presque froidement, l'avoir "maintenue par les aisselles pendant qu'Anne-Sophie lui porte des coups pour pas qu'elle tombe par terre". Les coups sont suivis d'une "longue douche froide" pour "calmer" Typhaine.
Le couple retourne s'asseoir devant la télé, devant le film Rasta Rocket. La fillette finit par émettre "un râle" avant de s'effondrer dans la douche. "J'ai essayé de la ranimer, j'ai pas su", lâche Nicolas Willot, pompier volontaire.
Le couple a-t-il voulu tuer Typhaine ? C'est l'une des questions, centrales, de ce procès. Tous deux répondent par la négative. Selon l'expert psychiatre Roland Coutanceau, il n'y a pas eu "une volonté d'homicide consciente, claire, affirmée chez la mère". Le docteur Ameziane Ait-Menguellet évoque au contraire "un acharnement qui ne peut s'expliquer que par une volonté d'en finir".
La mise en scène de la disparition
Selon la version des deux accusés, Anne-Sophie Faucheur a voulu se dénoncer une fois la mort de l'enfant constatée. Mais son compagnon, par "peur de la prison" et de "perdre les autres enfants" (Caroline et Apolline, leur fille), dissimule le corps nu de Typhaine à la cave, sur un sac plastique. Le cadavre y restera pendant huit jours, "jusqu'après le baptême" d'Apolline, avant d'être enterré par Nicolas Willot dans une forêt dans la banlieue de Charleroi (Belgique).
Là encore, comme dans l'affaire Marina, un stratagème est monté pour faire croire à un enlèvement. La mère de Typhaine signale la disparition de sa fille le 18 juin 2009. Elle affirme l'avoir perdue dans la rue, dans le centre de Maubeuge (Nord). Le couple va même jusqu'à donner une conférence de presse fin juin, lançant un appel à la France entière pour retrouver Typhaine.
"Ce qui m'a vraiment marqué, c'est l'émotion de Nicolas Willot, qui s'est effondré en larmes. (…) J'avais l'impression que (la mère) tenait le coup, le choc. Sur son maillot bleu, il y avait un morceau de feutre noir, comme quelqu'un qui porte un deuil", a noté Géraldine Beys, journaliste à La Voix du Nord, appelée à témoigner lors du procès.
"Elle ne se comportait pas comme une mère qui venait de perdre un enfant"
Malgré cette mise en scène, les doutes des policiers se portent rapidement sur le couple. Dès la première audition d'Anne-Sophie Faucheur, "on sentait le mensonge dans ses allégations. Elle ne se comportait pas comme une mère qui venait de perdre un enfant de 5 ans dans les rues de Maubeuge", rapporte l'un d'eux à la barre.
"Faire des blagues salaces sur la juge d’instruction, se masturber le soir en webcam sur des sites porno, aller sur des sites de rencontre, danser à un baptême, à un mariage, faire la fête, faire des dîners, faire des projets de mariage… Tout ce qu’on voyait en sous-marin était loin, très loin de l’image du couple dévasté qu’ils avaient voulu donner en conférence de presse", dit un autre, cité par Libération.
Des "incohérences" sautent aux yeux des enquêteurs : l'absence de Typhaine au baptême de sa petite soeur Apolline le 13 juin, ou encore la demande de Nicolas Willot par téléphone à son père de fournir un faux témoignage. Le 22 septembre, un texto d'Anne-Sophie Faucheur, après son audition par un juge d'instruction, dans lequel elle détaille à son compagnon le dernier repas de Typhaine le jour de sa supposée disparition, achève de convaincre les enquêteurs.
Les aveux et la découverte du corps
Lors d'une nouvelle garde à vue, la mère craque au bout de douze heures. Elle avoue avoir vu mourir Typhaine mais évoque un accident. Son compagnon se livre à son tour. La thèse d'une punition qui a mal tourné prend forme jusqu'au récit précis des faits.
La fillette, enterrée nue, face contre terre, est retrouvée le 9 décembre 2009, sur les indications du beau-père.
L'autopsie du corps, en "état de décomposition avancé", n'a pas permis d'établir une "cause du décès identifiable". Mais le cadavre gardait "des stigmates de violences corporelles", a expliqué un légiste belge, François Beauthier. Et de lister l'horreur : des "lésions traumatiques récentes, une fracture à l'orbite gauche, une entorse au poignet gauche, une fracture par torsion du coude gauche, une fracture du pubis et un hématome sur la fesse gauche". Des "fractures récentes" qui correspondent à des "coups violents, nécessairement douloureux".
"Pourquoi l'avoir tuée ?" La grand-mère de Typhaine insiste. "Parfois, elle avait le regard dur, j'étais persuadée qu'elle me regardait méchamment (…) Je n'avais pas l'impression d'être sa mère, il n'y a pas le lien", a tenté Anne-Sophie Faucheur.
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