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Le décryptage éco. Faut-il vraiment croire à la "raréfaction" du travail ?

Benoît Hamon parle de "raréfaction" du travail. Les économistes réagissent à la présentation de cette thèse défendue par le candidat à la primaire de la gauche.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Benoît Hamon, finaliste à la primaire de la gauche lors d'un meeting à Paris, le 26 janvier 2017? (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Benoît Hamon a fondé une partie de son programme sur le diagnostic de la "raréfaction" du travail. Il s'agit d’abord de préciser la thèse que défend le candidat à la primaire de la gauche. Pour lui, nous vivons aujourd’hui une accélération de la transformation, de la mutation même de l’économie. Ainsi, l’arrivée à maturité prochaine de nouvelles technologies venues du numérique, de la robotisation et de l’intelligence artificielle, va détruire le travail, ou une partie du travail et le rendre ainsi plus rare.

Les doutes des économistes

Benoît Hamon parle bien de la "raréfaction" du travail et c’est un diagnostic qu’il répète dans presque chacune de ses interventions. Pour discuter notamment de cette thèse, Le Monde et le Cercle des économistes avaient réuni la semaine passée une douzaine de think tanks, dans un éventail le plus pluraliste possible. Il y avait donc là des économistes du mouvement Attac, les plus à gauche, jusqu’aux libéraux de l’Institut de l’entreprise ou de la fondation Concorde, en passant  les économistes de la Fondation Jean-Jaurès.

Ce qui a été le plus spectaculaire, c’est que cette idée de la "raréfaction" du travail a laissé tout le monde dubitatif. Aucun des économistes présents n’a défendu cette thèse. Non, le travail ne va ni disparaître, ni devenir plus rare. Certains ont même rappelé que cette peur de la disparition du travail était aussi vieille que le capitalisme, aussi vieille que la première révolution industrielle, qu’elle avait agité les plus beaux esprits depuis, mais que jamais, ô grand jamais, elle ne s’était concrétisée. 

Pourtant des emplois disparaissent

On parle d’emplois, mais pas du travail. Et c’est toute la différence et c'est d’ailleurs le premier argument des économistes : les politiques confondent trop souvent le travail et l’emploi. Et ce n’est pas du tout la même chose. Il est vrai que chaque vague puissante d’innovation détruit bien des emplois et parfois par milliers, ou des dizaines de milliers, elle peut même faire disparaître totalement des métiers, comme autrefois celui de maréchal-ferrant. Mais l’économie a toujours été engagée dans un mouvement continu que le génial économiste Joseph Schumpeter avait appelé, au début du siècle dernier, "La destruction créatrice". Oui, il y a bien un début de cycle qui se répète, qui détruit des emplois à court terme, mais il en recrée d’autres, et même souvent beaucoup plus à moyen terme. Et s’il y a bien eu un économiste prophète, Jérémy Rifkin, pour annoncer, il y a plus de vingt ans dans un best-seller mondial, La fin du travail, avec lui celle du capitalisme, cette thèse ultra minoritaire a été, depuis, battu en brèche, par toutes les familles d’économistes.  

Pour Benoit Hamon, 9% au moins des emplois pourraient être détruits

C'est possible, sinon probable. Même si ce genre d’études est à prendre avec des pincettes, certaines vont jusqu’à affirmer que 40% des emplois seront automatisés et donc détruits dans les deux prochaines décennies, mais ces estimations relèvent du doigt mouillé et sont totalement farfelues. Ces études oublient que quand des métiers et des emplois disparaissent, d’autres se créent. Si depuis les années 90, par exemple, quelques 200 000 postes de secrétaires ont bien disparu, 250 000 postes d’ingénieurs, de cadres dans l’informatique et les télécoms sont apparus depuis. C’est donc, non pas à la raréfaction du travail qu’il faut se préparer mais à la grande transformation des emplois et des types de contrats de travail. C’est un chantier urgent, immense, considérable, pour l’éducation, la formation, le droit du travail, et même pour notre protection sociale. Et c’est un sacré défi collectif qui est devant nous tous.


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