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Le décryptage éco. Revenu universel, ce qu’en disent les économistes

Le revenu universel a occupé le premier temps du débat de la primaire mercredi soir, entre Benoît Hamon et Manuel Valls. Le débat s'est installé chez les économistes.

Article rédigé par franceinfo, Vincent Giret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Benoît Hamon au débat de l'entre deux tours de la primaire de la gauche, à l'initiative du revenu universel, le 25 juillet 2017, à Paris. (BERTRAND GUAY / POOL)

Le revenu universel, il en a été question lors du débat des deux finalistes à la primaire de la gauche mercredi 25 janvier. Un sujet qui fait réagir des économistes. L’économie peut énoncer des vérités, bien sûr, des lois et des théories générales tout à fait pertinentes, mais elle n’est pas une science dure. Disons qu’elle est plutôt une très belle science du débat où les convictions ne disparaissent pas derrière les raisonnements. Et la proposition phare de Benoît Hamon, le revenu universel, a suscité ces derniers jours des prises de positions multiples des économistes.

Pour les libéraux, ce revenu renvoie tout le monde à ses responsabilités

Certains sont restés dubitatifs, mais au moins deux groupes très opposés, dans notre représentation idéologique, se sont passionnés pour le sujet. Et le premier paradoxe, c’est ce que ce sont d’abord les plus libéraux qui sont montés au créneau. Gaspard Koening, du think tank libéral Génération libre, ou Guy Sorman, par exemple, ont multiplié les tribunes dans la presse ces derniers jours pour dire tout le bien qu’ils pensent du revenu universel. Dans leur esprit, la collectivité nationale devrait donc garantir à chacun et en tout temps, qu’il soit riche ou pauvre, actif ou chômeur, un revenu qui lui permette de vivre décemment.

Il est donc universel, pour tous et sans conditions. Mais d’un même élan, les libéraux ajoutent que ce revenu, dans sa philosophie, mais aussi très prosaïquement, renvoie chacun à sa responsabilité individuelle, personnelle. En clair, ce revenu se substituerait à la plupart des aides sociales existantes aujourd’hui, allocations familiales, allocations chômages, aides diverses. Ce serait donc un changement complet de modèle d’Etat providence, une révolution culturelle et politique. Ces économistes affirment d’ailleurs que cette substitution serait la seule manière de rendre compatible le revenu universel et un équilibre des dépenses publiques. 

A gauche, un levier pour refonder le modèle social

Des économistes de gauche défendent  cette même idée du revenu universel. Le plus emblématique d’entre eux, c’est Thomas Piketty, un économiste mondialement connu et reconnu pour son travail sur les inégalités et, avec d’autres, il reconnaît que le revenu universel pose de nombreuses questions. D’abord, celle de son financement. Mais il croit possible d’y répondre de manière concrète. Pour ces économistes de gauche, le revenu universel est innovant et il peut constituer un élément structurant de la refondation de notre modèle social. C’est leur expression.

Et ils fixent trois objectifs : éradiquer la pauvreté, aider les jeunes à démarrer dans la vie active, en les aidant à financer des formations qualifiantes, et inciter au travail en soutenant les catégories les plus modestes. En clair, ce revenu n’est plus tout à fait universel, voire plus du tout, mais il serait ciblé sur plusieurs populations, mis sous conditions de ressources et donc différencié selon les profils et les situations, et il nécessiterait même des contreparties en termes d’études et de projet d’insertion.

Bien évidemment, cela change beaucoup de choses. Ce revenu qui n’aurait plus d’universel que le nom, continuerait à coûter assez cher, mais beaucoup moins que dans une version intégrale, totalement irréaliste. Et il présiderait à une grande réforme fiscale. Et, là aussi, à une forme de refondation de notre Etat providence. Piketty et ses amis jettent sur la table quelques idées et des pistes concrètes, mais ils reconnaissent volontiers que le projet, très ambitieux, doit être travaillé sérieusement.

Le rôle de l'Etat en question dans un monde en mutation

Le revenu universel pose la question centrale du rôle de l’Etat. Bien au-delà du simple revenu universel, c’est la question du rôle de l’Etat dans les moments de mutations, de transformations technologiques, qui est désormais interrogé. Comment l’Etat peut-il à la fois stimuler, encourager l’innovation et ces transformations – et surtout pas les freiner – et en même temps, aider au mieux chacun à s’équiper, à se former, à trouver sa place dans ce monde qui vient ?

Même si les réponses sont opposées, chacun sent bien que notre modèle social prend l’eau et qu’il ne répond plus aux défis, aux peurs et aux urgences de ce début de siècle. C’est pourquoi le revenu universel, même s’il est  sans doute une réponse partielle, discutable, contestable même, met aussi le doigt sur un problème beaucoup plus vaste pour l’avenir de nos sociétés. Et c’est donc un débat passionnant. 


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