Esclavage moderne : des membres de la famille la plus riche du Royaume-Uni sont jugés pour avoir exploité leur personnel de maison

Le procès, qui s'achève vendredi, a lieu en Suisse car il concerne des faits qui se sont déroulés au sein de la résidence de la famille Hinduja à Cologny, près de Genève. À peine arrivé, le personnel de maison était privé de passeport et devait composer avec des journées de travail de 15 à 18 heures.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Les membres de la famille milliardaire indo-suisse Namrata Hinduja (à gauche) et Ajay Hinduja (2e à droite) arrivent au palais de justice de Genève le jour de l'ouverture de leur procès pour traite d'êtres humains, le 15 janvier 2024. (GABRIEL MONNET / AFP)

La famille la plus riche du Royaume-Uni est jugée, en Suisse, jusqu'à vendredi 21 juin. Multi-milliardaires d'origine indienne, les Hinduja dirigent un conglomérat qui emploie 200 000 personnes à travers le monde, dans l'industrie, la finance, les services informatiques, la santé et l'immobilier. Au début des années 2000 leur nom a été mêlé à un premier scandale lorsqu'un des membres de la famille tente de corrompre un ministre pour obtenir la citoyenneté britannique. Cette fois deux parents, leur fils et leur belle-fille sont accusés d'avoir, pendant plus de 10 ans, exploité leur personnel de maison dans leur résidence de Cologny près de Genève. La procédure est ouverte depuis 2018. Leurs avocats ont multiplié les recours pour retarder la tenue du procès. 

On leur reproche précisément d'avoir abusé de la vulnérabilité de ceux qu'ils recrutaient dans les classes les plus pauvres de la société indienne. À peine arrivés en Suisse, ces femmes et ces hommes à tout faire étaient privés de passeport. Le rythme de travail est également pointé du doigt avec des journées de 15 à 18 heures, tous les jours, pour s'occuper des enfants et faire le ménage, dans une villa dont ils ne pouvaient pas sortir sans autorisation... sauf pour retourner chez eux en Inde une fois par an. Le tout pour moins de 250 euros par mois. Comme l'a dit le procureur au début du procès, chez les Hinduja, on dépensait plus d'argent pour le chien que pour les domestiques.

Un accord financier conclu avec leurs accusateurs

La famille Hinduja nie en bloc la pratique d'esclavage moderne et ses avocats relativisent : "regarder un film avec les enfants", ce n'est pas vraiment du travail. Les parents âgés de 75 et 78 ans sont restés dans leur propriété de Monaco pour raison de santé. Mais à la barre, d'anciens domestiques convoqués comme témoins ne disent que du bien de ces employeurs richissimes et puissants certes mais aussi philanthropes et respectueux, pour qui le personnel, c'est un peu la famille. La semaine dernière les Hindujas ont conclu un accord financier avec leurs accusateurs, protégé par une clause de confidentialité, mais cela n'empêche pas le procès de continuer. Leurs représentants accusent la justice de transformer une simple affaire de droit du travail en croisade contre les très riches.


Ce n'est pas la première fois que Genève est le théâtre de ce genre d'affaire. L'esclavage moderne est présent dans presque tous les pays du monde mais dans cette ville qui héberge une quantité phénoménale de milliardaires et d'organisations internationales, les procès pour mauvais traitements ou travail forcé ne sont pas rares. Plus les crises dans le monde se multiplient, plus le phénomène s'étend. En 2023, quatre philippines ont intenté une action contre une mission diplomatique auprès des Nations unies, pendant des années elles n'avaient pas été payées. Dans le cas de Hinduja, le procureur a requis cinq ans et demi de prison ferme contre les parents, quatre ans et demi contre le fils et son épouse. Verdict vendredi.

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