Le vrai du faux. Les casseroles ont-elles vraiment été interdites par arrêté préfectoral lors du déplacement d'Emmanuel Macron dans l'Hérault ?
Ce sont des images qui ont fait le tour du web : des manifestants n'ont pas pu entrer dans le centre-ville de Ganges, où se trouvait Emmanuel Macron, avec des casseroles. Les forces de l'ordre les en ont empêché au moment de fouiller leurs sacs. LCI a capté cet échange entre une femme et un gendarme.
Casseroles interdites par la gendarmerie à l’entrée du village de #Ganges que visite Emmanuel Macron. La preuve en images.
— Paul Larrouturou (@PaulLarrouturou) April 20, 2023
Depuis, l’Elysee assure que les gendarmes « ont fait du zèle et que le préfet a bien passé la consigne de laisser entrer les casseroles ». pic.twitter.com/iY2XfJG0jh
Est-ce qu'un arrêté préfectoral dit vraiment que les casseroles sont interdites ? Non, ce n'est pas vraiment écrit comme ça. On a consulté l'arrêté préfectoral en question. Il instaurait un périmètre de protection pour la visite du président de la République. Et dans ce périmètre, les casseroles ne sont pas directement mentionnées. En revanche, il était interdit d'utiliser "des dispositifs sonores portatifs".
La préfecture de l'Hérault, que l'on a contactée, assure que cela concerne des appareils qui amplifient le son, comme des mégaphones ou des enceintes. Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, affirme, vendredi 21 avril, sur franceinfo, qu'il n'y avait pas "d'arrêté anti-casseroles". Cependant, selon des spécialistes en droit public, cette formulation assez vague peut aussi viser n'importe quel objet qui fait du bruit, ce qui peut être le cas d'une casserole, comme on l'a vu ces derniers jours. D'ailleurs, selon Serge Slama, professeur de droit public à l'université de Grenoble-Alpes, cette "interdiction ne vise qu'à empêcher des casserolades".
Un recours déposé
Selon eux, tout dépend de la manière dont les forces de l'ordre sur le terrain interprètent la signification précise d'un "dispositif sonore portatif". Ce qui est certain, c'est que jeudi matin, à Ganges, des casseroles ont bien été saisies, mais à cause d' "une mauvaise interprétation des gendarmes", selon Gérald Darmanin.
Est-ce que cet arête était légal ? Peut-être pas selon Serge Slama : "Pour être légales, les mesures de police administrative doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées. Dans certaines circonstances, une interdiction des dispositifs sonores peut être justifiée au motif du trouble à l'ordre public, explique-t-il à franceinfo. Cela s'appliquerait à des événements comme un concert ou une cérémonie funéraire. Mais une telle interdiction n'est pas adaptée aux circonstances de la visite d'Emmanuel Macron. Il y a vraiment un détournement du dispositif légal visant à protéger le chef de l'État de protestations symboliques et sonores de type politique", selon Serge Slama.
Cependant, seul le tribunal administratif peut dire si c'est légal ou non. Un recours a été déposé jeudi par deux associations (dont la Ligue des droits de l'Homme) contre cet arrêté. Le tribunal a 48 heures pour rendre sa décision, mais ce sera quoiqu'il arrive trop tard. D'ailleurs, les spécialistes avec qui franceinfo a échangé regrettent tous la publication souvent tardive des arrêtés préfectoraux. Ils sont publiés à quelques heures seulement d'une visite présidentielle ou d'une manifestation, ce qui est souvent trop court pour les contester : le temps que le tribunal tranche, l'événement est, la plupart du temps, en train de se terminer ou déjà fini. Cependant, ça n'a pas empêché jeudi Emmanuel Macron d'entendre des casseroles lors de son déplacement parce que certains manifestants ont finalement pu passer et faire du bruit.
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