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Retraites : les fonctionnaires sont-ils vraiment avantagés ?

La réforme des retraites qui se profile pourrait s'attaquer au régime des fonctionnaires, qui bénéficient d'un mode de calcul plus favorable.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Dans une manifestation de la fonction publique, le 31 janvier 2013, à Paris. (VINCENT WARTNER / 20 MINUTES / SIPA)

Le rapport Moreau sur l'avenir des retraites ne sera rendu au gouvernement que vendredi 14 juin, mais déjà, les spéculations vont bon train sur le contenu de la réforme qui sera présentée à la fin de l'été. Parmi les pistes évoquées, la question de la retraite des fonctionnaires promet d'être au centre des débats. Dans un communiqué commun, six organisations syndicales de la fonction publique menacent déjà d'organiser des journées d'action à la rentrée.

Sur le papier, les agents de la fonction publique bénéficient d'un système de retraite plus favorable que les salariés du privé. Mais sont-ils vraiment si privilégiés ?

Un mode de calcul des pensions plutôt avantageux

La règle des "six derniers mois". C'est la principale différence entre le système de retraite du privé et du public. La pension d'un fonctionnaire est calculée à partir du salaire touché six mois avant le départ en retraite. Le fonctionnaire touchera alors 75% de son ancien salaire. Tandis que la retraite d'un salarié du privé est déterminée sur la base des salaires touchés pendant les vingt-cinq meilleures années de sa carrière, ce qui est bien moins favorable. Ce salarié touchera 50% de son salaire moyen, ainsi que sa retraite complémentaire.

"Les régimes de retraite publics sont les plus coûteux, ce sont aussi ceux qui ont repoussé les réformes indispensables", critique le think tank libéral Ifrap, cité par Les Echos, dans un rapport qui préconise l'alignement par étapes du mode de calcul du public sur celui du privé.

Sans aller jusqu'à vingt-cinq ans, le rapport Moreau évoque la prise en compte d'une période de trois à dix ans. Ce qui se traduirait par une baisse plus ou moins importante des pensions de retraite, comme l'a calculé la CGT. Un fonctionnaire de catégorie B rémunéré 2 273 euros brut en fin de carrière qui partirait demain à la retraite toucherait une pension de 1 705 euros par mois. Si la période de référence passe de six mois à dix ans, sa pension ne serait plus que de 1 568 euros, selon le syndicat, soit un manque à gagner de 8%.

Plusieurs raisons expliquent toutefois cette différence d'approche entre "derniers mois" et "meilleures années". Les primes touchées par les fonctionnaires, qui peuvent représenter une part non négligeable de leurs rémunérations (surtout pour ceux de la catégorie A, la plus élevée) ne sont pas prises en compte pour le calcul des droits à la retraite, alors qu'elles le sont dans le privé. Autre explication avancée : les carrières de fonctionnaires sont souvent très linéaires et les évolutions salariales sont modestes. Les salariés du privé, eux, peuvent connaître au cours de leur carrière des variations de revenus (à la hausse ou à la baisse) plus importantes, voire des périodes de chômage, y compris chez les seniors.

Les familles nombreuses légèrement mieux loties. Les retraités qui ont eu trois enfants bénéficient d'une majoration de 10% de leur retraite, qu'ils aient travaillé dans le public ou dans le privé. En revanche, les fonctionnaires sont les seuls à avoir droit à une majoration supplémentaire de 5% par enfant à partir du quatrième enfant.

Un traitement particulier pour les policiers, pompiers, surveillants de prison, éboueurs... On les appelle les "catégories actives" de la fonction publique car leurs professions présentent "un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles". Certaines de ces professions ouvrent un droit à la retraite dès 57 ans, d'autres dès 52 ans (mais pas forcément avec une pension à taux plein).

Les avantages des fonctionnaires s'amenuisent

Des avantages régulièrement grignotés. Les avantages de la fonction publique en ce qui concerne la retraite ne sont plus aussi importants qu'autrefois. En effet, plusieurs réformes sont déjà passées par là. Celle de 2003 a par exemple aligné la durée de cotisation du secteur public sur celle du privé (40 ans contre 37,5 ans auparavant, puis 42 ans pour tout le monde après la réforme de 2010). La réforme de 2010 a, quant à elle, mis fin à un dispositif qui permettait aux fonctionnaires parents de trois enfants de partir à la retraite après quinze ans de service.

Des trimestres plus difficiles à valider que dans le privé. Pour valider un trimestre dans le public, c'est la durée effective du travail qui est prise en compte : un fonctionnaire doit ainsi travailler au moins 45 jours sur 90. Dans le privé, il est plus aisé de valider un trimestre : pour ce faire, il suffit d'avoir touché 200 fois le smic horaire. Soit 1 886 euros bruts, même si le salarié n'a travaillé qu'un mois au lieu de trois.

Les fonctionnaires pas tous logés à la même enseigne. Pour justifier la fin du système dérogatoire en vigueur dans le public, le niveau des salaires, légèrement plus élevé que dans le privé, est souvent mis en avant. En effet, en 2010, un fonctionnaire d'Etat gagnait en moyenne 2 459 euros par mois, contre 2 082 euros pour un salarié du privé (voir page 167 du rapport annuel 2012 sur l'état de la fonction publique). Mais un agent de la fonction publique hospitalière ne gagnait que 2 205 euros. Enfin, pour les agents de la fonction publique territoriale, les plus mal lotis, le salaire moyen n'était que de 1 800 euros, soit moins que dans le privé.

Un point d'indice gelé depuis 2010. Aux disparités de rémunérations est venu s'ajouter, depuis le 1er juillet 2010, le gel du point d'indice des fonctionnaires, décidé par le gouvernement Fillon et confirmé par l'équipe Ayrault. Résultat : les salaires stagnent alors que l'inflation progresse.

Dans les faits, les pensions de retraite sont comparables

Entre public et privé, les modalités pour calculer les droits à la retraite sont complètement différents. Mais si l'on observe les pensions effectivement versées aux anciens salariés du public et du privé, force est de constater que leur niveau respectif est tout à fait comparable. Selon une étude du Conseil d'orientation des retraites (COR), relayée par Les Echos, le niveau de la pension n'est pas tant déterminé par le statut que par le montant du revenu du salarié partant à la retraite.

Ainsi, un cadre du secteur privé touchant 7 400 euros brut par mois en fin de carrière aura droit à une retraite équivalant à 56% de son salaire. A revenu équivalent, le taux de remplacement d'un haut-fonctionnaire sera très proche (54%). L'observation vaut aussi pour les non-cadres : un salarié du privé gagnant 2 500 euros en fin de carrière touchera 75% de son salaire. Un policier ou un enseignant bénéficiera du même taux de remplacement.

L'argument est repris par les syndicats. "L'étude du COR montre bien que cette question est un faux débat qui va servir une fois de plus à opposer les salariés du public et du privé", s'insurge Christian Grolier, secrétaire général FO-Fonctionnaires, interrogé par francetv info. La prochaine conférence sociale, organisée par le gouvernement les 20 et 21 juin, s'annonce mouvementée.

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