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Anorexie, boulimie... CIpB, la protéine qui pourrait guérir les troubles alimentaires

Une équipe de l'Inserm a montré les liens entre une protéine présente dans notre organisme et les troubles alimentaires, dans une étude publiée mardi 7 octobre.

Article rédigé par Carole Bélingard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une protéine, présente dans notre corps, provoque des troubles alimentaires, selon une étude publiée par une équipe de chercheurs de l'Inserm de Rouen (Seine-Maritime), mardi 7 octobre 2014.  ( GETTY IMAGES )

"C'est fascinant comme une petite protéine peut influencer notre fonctionnement cérébral", s'exclame Pierre Déchelotte, directeur d'une unité de l'Inserm à Rouen (Seine-Maritime), contacté par francetv info. Dans une étude publiée mardi 7 octobre, son équipe a montré qu'une protéine, produite par une bactérie dans notre corps, envoie de mauvaises informations à notre cerveau. Cette protéine, appelée CIpB, renforce le phénomène de faim ou au contraire de satiété.

Ces recherches ouvrent des perspectives complémentaires pour traiter les troubles alimentaires. Vingt pour cent des jeunes femmes, et 15% des jeunes hommes, âgés de 18 à 25 ans, souffrent de troubles alimentaires en France. La grande majorité d'entre eux sont atteints d'hyperphagie (une prise compulsive de nourriture sans vomissements). Trente pour cent de ces personnes sont boulimiques et 10 à 15% sont anorexiques

1 Quelle est cette protéine ?

Notre flore intestinale contient naturellement des bactéries. Nous vivons en harmonie avec elles et notre organisme est habitué à les tolérer. C'est le cas de l'Escherichia coli, qui produit la protéine CIpB à laquelle s'est intéressée l'unité mixte de recherche 1073 "Nutrition, inflammation et dysfonction de l’axe intestin-cerveau" de l'Inserm au sein de l'université de Rouen (Seine-Maritime).

Les chercheurs se sont aperçus que cette protéine était le "sosie moléculaire de l'hormone de la satiété", appelée mélanotropine et qui indique à notre cerveau si nous avons faim ou pas. Lorsque le corps est soumis à un stress important, la bactérie Escherichia coli prolifère. Les protéines qu'elle produit s'activent et traversent notre paroi intestinale.

2 Que provoque-t-elle ?

"Cette protéine trompe notre systéme immunitaire", explique le professeur Pierre Déchelotte. A son contact, notre organisme développe des anticorps. Des informations erronées sont alors envoyées au cerveau. "Cela renforce le sentiment de satiété dans le cas de l'anorexie ou de faim dans le cas de la boulimie", poursuit-il. 

Pour mener leurs expérimentations, les chercheurs ont administré la protéine à des souris. Ils ont observé des conséquences directes sur la prise alimentaire. Soit leur faim était stimulée, soit elle était coupée. "Il reste à déterminer les facteurs qui expliquent pourquoi la protéine bascule sur un effet de satiété ou au contraire sur un effet de faim", confie le directeur de l'Inserm.

3 Peut-elle aider à lutter contre les troubles alimentaires ?

L'équipe de recherche rouennaise souhaite maintenant développer des tests qui permettraient de détecter ces anticorps et de reconnaître la protéine. L'idée est ensuite de pouvoir agir sur cette protéine et de corriger ses effets. "On réfléchit à des perspectives thérapeutiques à travers des probiotiques, ou des antibiotiques, mais on hésite encore". 

Les chercheurs estiment que l'axe intestin-cerveau est central dans le soin des troubles alimentaires. "Traiter les troubles alimentaires seulement par le versant psychiatrique, c'est dépassé. Il faut s'intéresser davantage au corps et au microbiote [ensemble des bactéries présentes dans l'organisme]. La prise en charge doit être globale, à la fois par la psychothérapie, les médicaments et aussi en prenant en compte l'organisme", affirme le professeur Déchelotte. Il estime qu'à l'heure actuelle, on obtient seulement 50% de guérison dans les troubles alimentaires. Or, selon lui ces troubles sont aujourd'hui en progression. Pierre Déchelotte assure que la marge de progression est importante. "Nous recherchons maintenant des partenaires industriels", assure le professeur Déchelotte. 

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