Petits poissons comestibles transformés en farine : "Un problème de sécurité alimentaire", dénonce une ONG
Des poissons réduits en farines sont utilisés pour l'élevage d'autres poissons, de porcs ou de poulets. Une transformation qui représente un danger pour les écosytèmes et la sécurité alimentaire, souligne l'ONG Bloom mardi.
L'ONG française Bloom dénonce la transformation de plus en plus importante des petits poissons (sardines, anchois) en farine pour nourrir les poissons d'élevage mais aussi les poulets et les porcs, dans un rapport publié mardi 14 février. Sa présidente, Claire Nouvian, a expliqué sur franceinfo pourquoi cette récolte est dangereuse pour l'écosystème et pose des "problèmes de sécurité alimentaire".
franceinfo : Pourquoi récolte-t-on autant aujourd'hui ces petits poissons sauvages ?
Claire Nouvian : la pêche au niveau mondial a un problème chronique qui s'appelle la surcapacité de pêche. Il y a trop de bateaux puissants qui pêchent de façon trop efficace un nombre de poissons qui ne fait que décliner et donc on voit les captures mondiales chuter depuis la fin des années 1980-1990. Les industriels de la pêche ont déplacé leurs efforts de pêche vers les poissons plus petits pour les réduire en farine, et pour aller vers une aquaculture maîtrisée, mais à un prix très élevé pour les écosystèmes et dans une logique infernale vers une chute ultime.
Quels sont les problèmes que pose la pêche industrielle de petits poissons sauvages ?
Ces poissons qu'on appelle poissons de fourrage servent d'échelon alimentaire de base à l'ensemble des écosystèmes océaniques, c'est-à-dire les mammifères marins, les oiseaux marins, les grands poissons prédateurs... Donc là, on les leur retire. C'est le premier échelon majeur de l'échelle alimentaire océanique. Ensuite, ces poissons de fourrage ne sont pas des espèces que nous aimons consommer. Par conséquent, on les réduit en farine pour produire les poissons avec de gros filets blancs qu'on aime voir dans nos assiettes. Le problème, c'est qu'on a envoyé nos bateaux de pêche, nos flottes industrielles, vers les pays qui ont encore des eaux poissonneuses, en général les pays en développement. Or les populations des pays en développement, consomment ces poissons de fourrage : elles mangent les sardines, les anchois, etc.
Cela pose de vrais problèmes de sécurité alimentaires en allant retirer de la bouche les protéines qui servent à des gens qui en ont beaucoup plus besoin que nous.
Claire Nouvian, de l'ONG Bloomfranceinfo
Quelle est la proportion entre la production sauvage et les la production de poissons d'élevage ?
Au niveau mondial, c'est à peu près moitié-moitié. L'aquaculture a explosé de façon exponentielle depuis la chute des captures sauvages donc depuis la fin des années 1980. Aujourd'hui, tout ce qu'on consomme de saumons, quasiment, est issu de l'aquaculture. D'autre part, 90% des espèces qui sont réduites en farine dans le monde sont parfaitement comestibles par les humains. Donc, non seulement, ces poissons [réduits en farine, ndlr] sont donnés a des poissons prédateurs, mais on les donnes aussi à des espèces herbivores, qui n'ont donc jamais mangé de protéines animales. On les donne à des cochons, à des volailles. Il est évident que cet apport de protéines dans le régime des porcs est absolument superflu, et devrait même être interdit par l'Union européenne.
Comment consommer aujourd'hui ? Doit-on arrêter de manger des poissons d'élevage ?
Il faut consommer beaucoup moins de poissons d'élevage et sauvages. Choisir de consommer de façon rare de très bons produits. Limiter notre consommation en porc industriel et en volaille aussi, parce qu'il y a des impacts écosystémiques dans la chaîne en amont. Et on peut décider de choisir et d'encourager, via les pouvoirs publics, des solutions qui existent. Pour nourrir l'aquaculture, on peut créer des fermes d'insectes. Il y a des mouches qui pondent des larves énormes qui peuvent servir à nourrir les poissons prédateurs. On peut imaginer des cercles vertueux, y compris dans les schémas industriels. On peut même régler le problème des déchets parce qu'on va utiliser le sang des abattoirs et les invendus alimentaires pour faire des pâtes qu'on utilise pour nourrir les mouches.
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