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Gardasil : faut-il continuer à se faire vacciner ?

Article rédigé par Tatiana Lissitzky
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le Gardasil se présente comme le premier vaccin contre le cancer du col de l'utérus. (FLORENCE DURAND / SIPA)

Prescrit à un tiers des adolescentes, le Gardasil, présenté comme le premier vaccin contre le cancer du col de l'utérus, fait l'objet d'une plainte pour de graves effets secondaires.

Va-t-on vers un nouveau scandale de santé publique ? Une jeune femme de 18 ans a décidé d'attaquer, vendredi 22 novembre, le laboratoire Sanofi Pasteur MSD ainsi que l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) pour de graves effets secondaires liés, selon elle, au Gardasil, ce vaccin contre le cancer du col de l'utérus. C'est la première plainte déposée en France contre ce vaccin, controversé depuis son autorisation en 2006 et qui fait débat parmi les professionnels de santé. Faut-il vraiment s'en inquiéter ? Francetv info fait le point.

Le vaccin est-il efficace ?

Pour le docteur Jean Marty, président du Syndicat national des gynécologues-obstétriciens de France (Syngof), contacté par francetv info, il faut "absolument" continuer à vacciner les jeunes filles. Selon ce médecin, "les phases expérimentales ont apporté les preuves suffisantes de l'efficacité du Gardasil, même si, actuellement, nous n'avons pas de preuves chiffrées". Le vaccin est relativement récent et il est trop tôt pour croiser les chiffres, assure le praticien. Il estime néanmoins que "rapidement, l'impact positif de ce vaccin sera établi".

A l'inverse, Philippe de Chazournes, médecin à Saint-Denis de La Réunion et président de l'association de médecins Med’Océan, refuse catégoriquement de vacciner ses patientes. A francetv info, il explique : "Il n'y a pas une seule personne qui pourrait affirmer que le Gardasil est efficace, il ne protège que de certains papillomavirus pouvant être à l'origine de cancers, pas de l'ensemble des virus." Le docteur Chazournes s’interrogeait déjà en 2011, dans une lettre ouverte au ministre de la Santé, Xavier Bertrand : "L'efficacité du vaccin Gardasil est-elle démontrée ? Le vaccin Gardasil est-il véritablement sans danger ? La balance bénéfice/risque est-elle suffisante pour maintenir son remboursement ?" Il dénonce en outre le prix du vaccin : trois injections à près de 123 euros la dose.

Plus nuancé, Bruno Toussaint, médecin et directeur éditorial de la revue Prescrire, spécialisée notamment dans la veille sur les médicaments, conseille aux jeunes filles et à leurs parents de bien réfléchir et de peser le pour et le contre du vaccin. "On peut espérer que le vaccin diminue le risque de cancer, mais rien n'est prouvé. On sait en revanche que s'il est efficace, il n'empêchera pas tous les cancers du col de l'utérus. C'est très différent des vaccins contre la poliomyélite ou contre le tétanos, qui sont des vaccins efficaces à 99,99%", explique-t-il à francetv info.

Les risques sont-ils plus importants que les bénéfices ?

"Il n'est pas exclu que le vaccin soit responsable des effets secondaires chez ces jeunes filles", estime Philippe de Chazournes, mais "comme souvent dans le domaine du médicament, le lien de cause à effet est très difficile à prouver".

Des inquiétudes, après des effets indésirables chez certaines jeunes filles, ont aussi émergé aux Etats-Unis, en Espagne, en Autriche ou encore au Japon, comme le relate cet article de Slate. En France, la réponse de l'Agence du médicament ne varie pas. Rien à signaler. Selon un rapport de l'ANSM publié fin 2011, "1 672 cas d'effets indésirables ont été notifiés, dont 352 cas graves (21%) depuis la commercialisation jusqu'au 20 septembre 2011. (…) Le taux de notification (tous effets confondus) est donc de 38 pour 100 000 doses de vaccin distribuées, le taux de notification des effets graves est de 8 pour 100 000 doses de vaccin". Et le rapport de conclure que "ce bilan est proche des données publiées dans d'autres pays et ne fait pas apparaître de signal particulier".

Le directeur éditorial de Prescrire ne trouve rien d'inquiétant au taux d'effets indésirables, qui se situe dans la moyenne des vaccins récents. "Il y a plus de deux millions de jeunes filles vaccinées et aucun signal alarmant", rapporte Bruno ToussaintPrescrire surveille "ce qu'il y a à surveiller. Mais pour l'instant, d'après les données, il n'y a pas plus de maladies qui se déclarent avec le vaccin que sans. Ces accidents sont très rares."

"La balance bénéfice-risque est positive",assure pour sa part le docteur Jean Marty. "Dans tout acte, il y a des accidents dont on ne connaît pas la cause. Si une personne tombe dans les escaliers, on ne détruit pas pour autant l'escalier. Ce n'est pas parce qu'une personne a eu un accident que toute la population doit être concernée", met en garde le gynécologue. Il affirme que le frottis ne suffit pas contre le cancer : "Parfois on passe à travers, et les femmes ne se font pas toutes dépister car elles n'ont pas toutes le même accès au dépistage. Le vaccin est donc un très bon moyen de prévention."

Quels sont les autres moyens de prévention ?

Tout le monde s'accorde sur ce point : le frottis est la meilleure prévention contre le cancer du col de l'utérus. "Et le vaccin n'empêche pas d'aller faire un dépistage, c'est même indispensable", rappelle Jean Marty. 

Le cancer du col de l'utérus provoque près de 1 000 décès par an en France. "Pourtant, il est possible grâce au dépistage (frottis), de détecter des lésions précancéreuses et de prévenir l'apparition d'un cancer et de le soigner. Le dépistage est recommandé pour les femmes âgées de 25 à 65 ans", écrit l'Institut national du cancer.

"Le danger avec le vaccin vient du fait que les jeunes femmes vaccinées ne voudront peut-être plus aller faire ces frottis et seront peut-être moins vigilantes sur le port du préservatif, par exemple", s’inquiète Philippe de Chazournes. "La seule et unique mesure de prévention est le dépistage régulier, tous les trois ans, par un frottis. Depuis les années 1980, le nombre de nouveaux cas et la mortalité liée au cancer du col de l’utérus est en baisse continue. Si le cancer est pris à temps, le taux de mortalité est quasi nul", insiste le médecin. 

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