Accessibilité des lieux publics aux handicapés : le nouveau délai "n'est qu'un moyen de reporter le problème"
Alors qu'ils devaient se mettre en conformité en 2015, les établissements bénéficient de nouveaux délais pour effectuer des travaux de mise aux normes. Interrogée par francetv info, l'avocate handicapée Elisa Rojas s'indigne de ce report.
Le Parlement a donné son feu vert, mardi 21 juillet, à de nouveaux délais pour rendre accessible les bâtiments publics aux personnes handicapées. Du fait du retard accumulé par de nombreux établissements privés et publics dans les travaux de mise aux normes, ce texte leur offre de trois à neuf ans pour se mettre en conformité avec la loi, selon le type de bâtiments. Actuellement, la proportion d'établissements recevant du public accessibles aux handicapés est estimée à environ 40%.
Elisa Rojas, avocate handicapée, a fondé le collectif Non au report pour se battre contre ce texte. Elle a répondu aux questions de francetv info.
Francetv info : Quel regard portez-vous sur ce nouveau texte ?
Elisa Rojas : Ça fait de nombreux mois que nous sommes mobilisés contre cette réforme, qui est, pour nous, un recul important du droit des personnes handicapées. Même si elle fixe un calendrier clair, on sait que le nombre "d'agendas d'accessibilité programmés" reçu par le gouvernement est bien en dessous du nombre attendu (les acteurs publics qui ne sont pas conformes aux obligations d'accessibilité ont jusqu'au mois d'octobre pour déposer un agenda des travaux).
Il ne reste que très peu de temps aux bâtiments privés, ce qui veut dire que beaucoup d'équipements ne seront pas prêts dans les nouveaux délais fixés et que les dossiers déposés tardivement seront validés sans véritable examen de la part de l'administration. Cette réforme n'est qu'un moyen de reporter le problème. Je ne connais pas de dossiers qui avancent quand on les reporte systématiquement.
Quels sont les bâtiments qui ne sont pas conformes à l'obligation d'accessibilité pour les personnes handicapées ?
C'est le cas de beaucoup de petits bâtiments publics, mais pas uniquement. Plusieurs grosses administrations d'Etat n'ont pas, non plus, entrepris les travaux d'accessibilité prévus. Pour justifier le report, le gouvernement a évoqué la situation des petits établissements qui n'avaient pas les moyens de réaliser ces travaux. La réalité, c'est que le gouvernement lui-même n'a pas suivi le mouvement.
Il faut savoir que parmi les bâtiments touchés par l'inaccessibilité, il y a beaucoup de juridictions et d'établissements scolaires. Ce sont des lieux symboliques et il est essentiel que les personnes handicapées puissent y avoir accès. L'accessibilité, c'est une exigence d'égalité. Si vous ne pouvez pas avoir accès à un lieu, vous n'êtes pas à égalité avec les autres.
Quelle est la solution pour faire avancer ce dossier ?
Si les choses n'avancent pas, les personnes handicapées devront envisager d'aller devant la justice pour obliger les différents acteurs à respecter les textes.
En France, les personnes handicapées ont très peu utilisé la voix judiciaire pour faire valoir leurs droits en termes d'accessibilité, mais aux Etats-Unis, plusieurs avancées ont été obtenues par ce biais. La France affiche un très gros retard sur ce point par rapport aux autres pays européens. Plusieurs Etats qui sont des capacités économiques bien moins importantes se sont montrés plus efficaces et plus pragmatiques sur le sujet.
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