Un an après le scandale des pilules contraceptives, "les choses se sont calmées" au Planning familial
La plainte d'une jeune fille avait jeté le discrédit sur les pilules de troisième et de quatrième génération, l'année dernière. Depuis, la panique semble bel et bien retombée. Reportage dans les locaux de l'association, à Cergy.
En ce mercredi pluvieux de janvier, c'est peu dire que l'affluence au Planning familial de Cergy (Val d'Oise) est assez faible. Babette et Françoise, les deux conseillères, accueillent, dans un cadre qui se veut chaleureux et coloré, les jeunes et les moins jeunes pour les informer sur les droits des femmes, la sexualité, la contraception, l'IVG, les violences... "On est avant tout des militantes", confie Françoise. Babette, septuagénaire riante et dynamique, "déteste entendre dire 'tomber enceinte' : ça nous fait passer pour des cruches. On ne tombe pas enceinte comme on trébuche : ce n'est pas une fatalité ! On devient enceinte." Le ton est donné.
Dans la salle de réunion, dont les murs sont recouverts des affiches des différentes campagnes du Planning familial, quatre jeunes filles attendent. En silence. Sur sa chaise, Alice*, petite brune de 16 ans, paraît intimidée. C'est la première fois qu'elle vient ici. Elles participent à l'une des réunions d'information sur la contraception organisées plusieurs par semaine par le Planning familial. Babette, dans un grand sourire, prend la parole. Avec force et conviction. Militante de la première heure, elle rappelle les combats passés des féministes avant de demander aux jeunes filles la raison de leur présence.
L'air embarrassé, Alice se lance. Elle a eu un rapport sexuel avec un garçon, il y a douze jours, et ne dispose d'aucun moyen de contraception. "Il a mis un préservatif ?", demande Babette. "Non." "Alors l'urgence est de faire un test de grossesse et que le docteur te prescrive un moyen de contraception." Pierrette prend les choses en main. L'adolescente part faire le test aux toilettes. Quelques minutes d'angoisse plus tard, elle revient, soulagée. Le test est négatif. Elle se verra prescrire la pilule, le soir même, par le médecin de l'association. Ses parents ne seront pas au courant. Elle la prendra en cachette.
Ici, "on se sent en confiance", confie Maeva*, 19 ans et de grands yeux bleus. "On n'est pas jugées. Juste aidées." Avant toute prescription par le médecin, les conseillères présentent tous les moyens de contraception et expliquent leur fonctionnement. Elles exposent les inconvénients et les avantages de chacun.
L’année dernière, le scandale des pilules dites de troisième et quatrième génération avait éclaté après la plainte d'une jeune Bordelaise contre les laboratoires Bayer. Un peu plus tard, c'est Diane 35, un antiacnéique prescrit comme contraceptif, qui avait été mis en cause. En quelques semaines, les dangers de la pilule s'étaient affichés au grand jour. "La demande de tests de grossesse et de pilules du lendemain a explosé au moment de la polémique", se souvient Françoise, 55 ans, conseillère au Planning familial de Cergy. Cette controverse avait jeté le discrédit sur ces deux types de comprimés, utilisés par plus de deux millions et demi de femmes en France, avec le risque que certaines arrêtent tout moyen de contraception.
"Nous avons fait en sorte de rassurer"
"Au Planning familial, la polémique nous a finalement peu concernés, estime, lui, le médecin d'association. Nous ne prescrivions déjà que des pilules de première et deuxième génération. Elles sont bien moins chères et remboursées par la sécurité sociale." Et le docteur d'ajouter : "En revanche, Diane 35 convenait à de nombreuses jeunes filles et je n'hésiterai pas à la prescrire dès qu'elle sera à nouveau disponible."
Au moment de la polémique, il y a un an, les appels et les questions ont été nombreux. Pauline*, 19 ans, brune et élancée, s'est inquiétée. Elle est venue avec sa mère pour obtenir des informations auprès du Planning familial. "Lorsque j'ai vu que ma pilule n'était pas concernée par les mises en garde, j'ai cessé de m'inquiéter." "Je pense que l'on en a trop fait autour du sujet", juge-t-elle a posteriori.
"Nous avons fait en sorte de rassurer. Ce sont les jeunes filles qui ont été les premières victimes de cette campagne de diabolisation. Beaucoup ont arrêté la pilule en plein milieu de leur plaquette", indique Françoise. Aujourd'hui, la panique est passée. "Une certaine peur des hormones persiste, même si les choses se sont calmées. Nos interventions auprès des jeunes filles portent désormais plus sur leurs droits et leurs choix. Car certains gynécologues, par exemple, ne veulent pas poser de stérilet."
"Le plus grand risque reste d'être enceinte"
A l'époque, les professionnels de santé et les associations se sont inquiétés aussi des conséquences de la forte médiatisation des dangers liés à la pilule, avec un risque de voir le nombre d'avortements exploser. Finalement, il est resté stable avec 17 000 IVG en moyenne par mois en 2013.
Par contre, les choix entre modes de contraception ont bel et bien évolué. Alors qu'elles représentaient 45% des ventes de pilules contraceptives en 2012, les pilules de troisième et quatrième génération sont tombées à 22% en 2013, contre 78% pour les pilules de première et deuxième génération, d'après le bilan de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) rendu public mercredi 5 février. Et c'est le stérilet qui a bénéficié de la "crise" : en 2013, ses ventes ont augmenté de 47% par rapport à 2012.
Pour Véronique Séhier, responsable de la commission contraception et co-présidente du Planning familial, la polémique aura au moins permis "de sortir du 'tout pilule' et de faire connaître les autres moyens de contraception". Un enthousiasme que ne partage pas totalement Elisabeth Paganelli, secrétaire générale du syndicat des gynécologues (Syngof), qui rappelle que les stérilets "peuvent provoquer de nombreux effets indésirables. Des filles consultent en se plaignant de saignements continus, de maux de ventre".
Dans la salle de réunion du Planning de Cergy, les jeunes filles parlent toujours aussi peu. Ce silence n'est tranché que par le dynamisme de Babette. Les participantes à la réunion d'information ne posent pas de question. Elles attendent surtout qu'on leur prescrive la pilule. Si elles ont toutes entendu parler de la polémique, les jeunes filles présentes ne s'inquiètent pas pour autant de ses dangers. Plusieurs avouent même fumer en même temps, malgré les mises en garde. Pour Léa*, 19 ans, "danger ou pas, le plus gros risque reste d'être enceinte". "Je connais les autres moyens de contraception mais la pilule, c'est le plus simple. Je ne veux pas d'un stérilet ni d'un implant, parce que la pose me fait peur. Et le patch ce n'est vraiment pas discret !", déplore Massilia*, 21 ans, étudiante en droit, la plus âgée des quatre jeunes filles qui assistent à la réunion. Pas un problème pour Babette qui répète avec insistance que "la meilleure contraception, c'est celle que l'on choisit".
* Les prénoms ont été modifiées.
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