Vente de médicaments en grande surface : les pharmaciens sont-ils intouchables ?
Un rapport de l'Inspection générale des finances veut mettre fin au monopole des pharmaciens sur certains médicaments. Une proposition ancienne qui s'est toujours heurtée à une forte résistance.
Ce n'est pas la première fois que l'on s'attaque au monopole des pharmaciens sur la vente de médicaments, mais à chaque fois, ils tiennent bon. Cette fois, c'est l'Inspection générale des finances (IGF) qui vise la vente de certains médicaments, dans un rapport dévoilé en partie par Les Echos, lundi 28 juillet. Selon le quotidien, le texte de l'IGF "souligne que les prix des médicaments non-remboursables ont augmenté deux fois plus vite que le coût de la vie depuis quinze ans".
L'institution désigne deux types de médicaments qui pourraient être vendus en grandes surfaces. D'une part, ceux dont la prescription est facultative et qui peuvent être remboursés (comme le Doliprane, le Spasfon, l'Aspégic...). Leur prix de vente est fixé par l'Etat, mais "le prix d'achat auprès du laboratoire peut être négocié par le pharmacien en fonction des volumes commandés", précisent Les Echos. D'autre part, les médicaments qui ne sont pas remboursés et dont le prix est laissé à la discrétion du pharmacien (c'est notamment le cas du Nurofen, de l'Humex, du Fervex...). L'objectif principal de la fin du monopole de délivrance de certains médicaments est de faire baisser les prix.
Une proposition ancienne
C'est une vieille revendication de Michel-Edouard Leclerc. Depuis plusieurs années, le PDG du groupe de grande distribution milite (parfois à coup de campagnes de pub) pour l'autorisation de la vente de médicaments non remboursables en supermarchés, sous l'autorité d'un pharmacien diplômé. En 2008, le rapport Attali remis à Nicolas Sarkozy préconise de s'attaquer au monopole des pharmaciens, mais il restera lettre morte. L'UFC-Que Choisir enfonce le coûteau dans la plaie en 2012. L'association de défense des consommateurs dénonce la "concurrence anesthésiée par l’opacité des prix". Après avoir étudié 600 pharmacies en France, l'UFC-Que Choisir constate des écarts de prix très importants : de 1,30 euros à 4,95 euros pour une aspirine vitaminée. L'association recommande alors l'"ouverture de la distribution de l’automédication aux grandes surfaces et parapharmacies, sous la surveillance impérative d’un pharmacien diplômé".
L'Autorité de la concurrence rend, à peu de choses près, le même avis, en décembre 2013. L'instance soutient "la vente des médicaments d'automédication et de certains produits 'frontières' (comme par exemple les tests de grossesse ou les produits d'entretien pour lentilles de contact) en parapharmacie ou en grandes surfaces, en plus des pharmacies". Elle préconise, elle aussi la présence d'un pharmacien. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, s'y oppose fermement. Depuis juillet 2013, la vente de certains médicaments est autorisée sur net, mais strictement encadrée : 4 000 références proposées par des sites sécurisés, adossés à des pharmacies physiques. Un cadre strict destiné à ne pas mettre en danger les patients mais aussi à ne pas mécontenter les pharmaciens.
"Poule aux œufs d'or"
Les pharmaciens seraient-ils intouchables ? Pour Mathieu Escot, chargé de mission "santé" à l'UFC-Que choisir, on observe une "résistance très forte des pharmaciens car c'est une activité très lucrative pour eux". "Grosso modo, la marge brute des pharmaciens, sur ces médicaments non remboursés est d'environ 34% alors qu'elle est de 21% sur les médicaments remboursables", assure-t-il à francetv info. "Risquer de perdre la poule aux œufs d'or est forcément une perspective qui ne plait pas aux pharmaciens".
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