Scandale ou problème industriel : ce que l'on sait de la pénurie des vaccins DTP
Une pétition circule sur les réseaux sociaux, depuis le 13 mai, contre un nouveau vaccin imposé pour les enfants de moins de 6 ans.
Un vrai parcours du combattant. Emilie, une jeune maman habitante des Deux-Sèvres se heurte depuis des semaines à la même situation : les vaccins prescrits par son médecin pour son bébé de deux mois sont introuvables, rapporte la Nouvelle République, le 9 mai. La situation n'est pas propre à ce département. Depuis des mois, tout le territoire français est concerné par une pénurie de vaccins pédiatriques, notamment le DTP contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite - obligatoire -, qui prémunit aussi de la coqueluche.
Face à cette situation, les autorités recommandent aux parents d'avoir recours à un autre vaccin, plus coûteux et qui protège en plus contre l'hépatite B. Mais des voix crient au scandale, voire au complot. A l'initiative du professeur Henri Joyeux, une pétition a été lancée, le 13 mai, à l'attention du ministère de la Santé. Cette pétition circule sur les réseaux sociaux et avait récolté plus de 200 000 signatures, jeudi 21 mai. Francetv info revient sur ce que nous savons de cette pénurie et de ce vaccin proposé aux parents.
Pourquoi y a-t-il pénurie ?
Deux grands laboratoires se partagent le marché de ces vaccins : GlaxoSmithKline (GSK) et Sanofi Pasteur MSD. Les deux multinationales partagent les mêmes explications. "Nous sommes désormais face à un fort accroissement de la demande mondiale concernant la vaccination contre la coqueluche, une augmentation de l'ordre de 50% en un an", affirme Philippe Juvin, pharmacien responsable de Sanofi Pasteur, interrogé par Slate.
Mais comment justifier le manque d'anticipation ? "Certains pays, émergents ou non, ont fait évoluer leur calendrier vaccinal en ajoutant des doses de rappel de vaccins coquelucheux à différents âges de la vie", répond Philippe Juvin. Conséquence : "Les capacités actuelles de production mondiale des différents industriels ne permettent pas de répondre complètement à l'évolution rapide de cette demande", affirme la direction médicale de GSK France à Slate. S'ajoutent à cette pression croissante, "des problèmes d'ajustement de contrôle de qualité", précise Sanofi. Quant à un retour sur le marché de ce vaccin, aucun laboratoire n'est en mesure de donner une date précise. Contacté par francetv info, GSK confirme "qu’il est encore difficile à ce stade de prévoir avec certitude une date de retour à une situation normale" mais assure travailler "activement à la résolution" de la situation. Seule certitude, la pénurie est à prévoir sur toute l'année 2015.
Qu'est-ce qui est proposé aux parents ?
Face à cette situation, un vaccin hexavalent, c'est-à-dire qui protège contre six maladies, est proposé aux parents. Il protège contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, la poliomyélite mais aussi certaines formes de méningite et l'hépatite B.
Ce vaccin "est actuellement disponible et peut être utilisé sans risque pour les enfants. Il répond aux recommandations des autorités françaises", assure le docteur Odile Launay, vice-présidente du Comité technique des vaccinations (CTV) à RTL. Ce vaccin hexavalent est présent dans toutes les pharmacies.
Pourquoi est-il contesté ?
Le vaccin contre l'hépatite B a longtemps été accusé de provoquer des scléroses en plaques, même si l'Organisation mondiale de la santé n'a établi aucun lien entre la vaccination et cette maladie, rappelle Science et avenir. Résultat : 10% des parents rejettent ce vaccin.
Par ailleurs, certains, dont la députée européenne Europe Ecologie-Les Verts Michèle Rivasi, accusent les laboratoires pharmaceutiques de pénurie organisée, le vaccin hexavalent coûtant plus cher. "Les laboratoires s'organisent pour que les parents n'aient plus le choix. (...) Pour la Sécurité sociale, ça coûte beaucoup plus cher car on passe de 6,50 euros le vaccin DTP à plus de 40 euros. Donc à qui profite le crime ? Aux laboratoires pharmaceutiques", s'insurge l'élue.
Que recommandent les autorités ?
Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) prend acte d'une pénurie des vaccins à prévoir sur l'ensemble de l'année 2015. Or, le HCSP rappelle que le maintien de la vaccination des nourrissons, notamment contre la coqueluche, est "une priorité absolue", car la maladie peut s'avérer mortelle pour les moins de six mois. Par conséquent, le HCSP recommande le recours au vaccin hexavalent, actuellement en stock.
Pour les parents qui ne souhaitent pas que leurs enfants reçoivent le vaccin contre l'hépatite B, le HCSP les réoriente vers les centres de Protection maternelle et infantile (PMI). Certains possèdent encore le vaccin tant convoité. "Un nombre limité de doses de vaccins pentavalents restera disponible. Afin de contrôler l’utilisation de ces doses qui doivent être réservées à des populations prioritaires (dont celles qui refusent le vaccin hépatite B), le HCSP recommande que les vaccins pentavalents ne soient plus disponibles en officine et qu’un circuit soit mis en place (par exemple via les grossistes répartiteurs) pour permettre l’accès au vaccin des populations prioritaires", détaille le Haut conseil de la santé publique.
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