Les femmes, grandes oubliées des essais cliniques
Chercheurs, testez aussi les médicaments sur les femmes ! C’est la prise de position lancée par deux chercheuses dans la revue JAMA le 8 novembre 2016. Selon ces scientifiques, les femmes seraient trop souvent exclues des essais cliniques sur les médicaments, alors même qu'elles représentent la moitié de la population. Les essais cliniques sont en effet souvent stéréotypés, et prennent peu en compte la diversité de la population. Même en laboratoire, seules 20% des expérimentations animales se font sur des femelles.
Scientifiquement, ce biais pose problème puisque les hommes et les femmes ne sont pas complétement similaires biologiquement, en particulier en ce qui concerne les hormones. Cependant, la très grande majorité des mécanismes biologiques, de la digestion au fonctionnement du cerveau, sont les mêmes. Et parfois, les différences biologiques sont en réalité des différences interpersonnelles, indépendantes du sexe. Le besoin d’inclure des femmes dans les essais cliniques est surtout une question d’équité et de rigueur scientifique.
Les deux chercheuses incitent les revues et les scientifiques à changer leurs standards, en demandant par exemple que l’absence de femmes dans la cohorte soit systématiquement justifiée. Inclure des femmes permettra, selon elles, de mettre en lumière des données épidémiologiques invisibles jusqu'alors, car biaisées par le sexe. En plus des femmes, les essais cliniques médicamenteux négligent également les personnes âgées, chez qui les effets secondaires sont souvent très différents.
Vers une médecine différente pour les hommes et les femmes ?
Si l'initiative est assurément louable, les exemples cités dans la prise de position des chercheuses et leurs arguments restent discutables. Le risque de cette position est de promouvoir une médecine différenciée en fonction des sexes.
Tout d’abord, les deux scientifiques citent l’exemple d’un essai sur le viagra féminin fait sur… des hommes ! L’information paraît aberrante, mais en réalité le but de cette étude n’était pas d’évaluer l’efficacité du médicament, mais ses potentiels effets secondaires. Ici, le but était de connaître les interactions entre cette molécule et une consommation d’alcool. La question du sexe était donc totalement négligeable.
Le deuxième exemple apporté par les scientifiques est celui du zolpidem. Les femmes seraient plus sensibles à ce somnifère. En 2014, l’agence du médicament américaine (FDA) a modifié ses recommandations vis-à-vis des femmes, réduisant les doses pour elles. A l’époque, des associations féministes étaient montées au créneau, dénonçant une médicine différenciée et discriminante.
Source principale : Reporting Sex, Gender, or Both in Clinical Research? Janine Austin Clayton, Cara Tannenbaum. JAMA, novembre 2016 doi:10.1001/jama.2016.16405
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