L'Homo sapiens serait 100 000 ans plus vieux que ce que l'on croyait et son berceau n'est peut-être pas l'Afrique de l'est
Une équipe internationale a découvert des restes fossiles de l'"Homo sapiens" vieux de 300 000 ans, soit 100 000 ans de plus que ce que l'on pensait, à Jebel Irhoud au Maroc.
C'est une découverte qui bouleverse nos certitudes sur l'origine et l'évolution humaine. L'Homo sapiens remonterait finalement à plus de 300 000 ans, selon une étude publiée dans la revue scientifique Nature, jeudi 8 juin.
Entre 2004 et 2016, une équipe internationale de chercheurs a trouvé et analysé plus de 16 nouveaux restes fossiles d'Homo sapiens sur le site archéologique de Jebel Irhoud, au Maroc, dont ceux de trois adultes, d'un adolescent et d'un enfant. Ce sont donc les plus anciennes traces de notre propre espèce connues à ce jour.
L'âge et la localisation, deux conclusions majeures
Jusqu'à présent, on pensait que l'Homo sapiens, qui a donné naissance à l'homme moderne, remontait à environ 200 000 ans. Cette découverte repousse donc les origines de notre espèce d'environ 100 000 ans. Autre nouveauté : ce gisement est situé en Afrique de l'ouest. Jusqu'à présent, on pensait que le berceau de l'humanité moderne était localisé en Afrique de l'est. "Au lieu d'avoir un lieu d'origine dans une région restreinte d'Afrique, ce que l'on envisage plutôt c'est un rôle de l'ensemble du continent africain dans l'émergence de notre espèce", indique Jean-Jacques Hublin, de l'Institut Max Planck d'anthropologie évolutionnaire à Leipzig en Allemagne et du Collège de France à Paris, qui a co-dirigé l'équipe.
Reconstruction composite du visage de Homo sapiens par franceinfo
"Cet homme moderne qui nous ressemble beaucoup a probablement émergé avec des contributions de différentes populations africaines qui ont chacune acquis des mutations très favorables, qui ont fait de l'homme moderne ce qu'il est, avant qu'il ne sorte d'Afrique pour la première fois, il y a environ 120 000 ans", poursuit le paléoanthropologue.
C'est une découverte qui change vraiment les manuels de paléontologie humaine parce qu'elle remet en cause un consensus sur l'origine de notre propre espèce.
Jean-Jacques Hublin, paléoanthropologueà franceinfo
Il a fallu analyser les niveaux archéologiques où les restes ont été trouvés pour pouvoir les dater. Les chercheurs ont utilisé deux méthodes : "Une méthode fondée sur l'analyse physique de restes de silex brûlés qui donne des résultats très précis, détaille Jean-Jacques Hublin. Et puis, une autre méthode utilisée directement sur une dent humaine d'une mandibule d'enfant qui vient de Jebel Irhoud et qui donne un âge tout à fait comparable."
L'homme moderne n'est pas si différent
Cet homme de Jebel Irhoud ressemble beaucoup à l'homme d'aujourd'hui. Il a la même face et la même dentition. En revanche, souligne Jean-Jacques Hublin, "la boîte crânienne reste assez allongée, assez basse, c'est un cerveau assez grand mais qui a encore des parties qui sont différentes de celles que l'on trouve chez l'homme actuel. C'est un cerveau qui est beaucoup moins globulaire dans sa forme. La grande histoire de l'évolution de notre espèce, c'est une restructuration de notre cerveau, une augmentation de son efficacité au cours des derniers 300 000 ans." On sait que cet homme vivait dans des milieux de savane, qu'il chassait -surtout des gazelles- et fabriquaient des outils en pierre taillée.
Certaines de ces découvertes les plus récentes sont tout à fait remarquables parce qu'elles documentent des parties de l'anatomie qui étaient totalement inconnues.
Jean-Jacques Hublin, paléoanthropologueà franceinfo
Avec la découverte de ces 16 nouveaux restes fossiles, cela porte à 22 le nombre total de reste trouvés à Jebel Irhoud ce qui en fait "le site le plus riche pour toute l'Afrique pour cette période de temps."
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