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EyeEm, l'application qui fait trembler Instagram

Lancé il y a trois ans, le challenger européen d'Instagram pourrait bien devenir un acteur majeur de la photographie sur mobile en proposant prochainement à ses utilisateurs de monétiser leurs clichés.

Article rédigé par Elodie Drouard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Paris est la première ville au monde en terme d'utilisateurs de l'application de photographie mobile EyeEm. (EYEEM)

Tout semblait sourire à Instagram, racheté en pleine ascension par Facebook au printemps 2012 pour un milliard de dollars (766 millions d'euros). Mais quelques mois plus tard, en annonçant une importante modification de ses conditions générales d'utilisation (CGU), l’application de partage de photos la plus populaire trébuche. Une clause prévoyait d'autoriser Facebook à utiliser les photos publiées sur Instagram dans le cadre de ses campagnes publicitaires. Les utilisateurs s'insurgent, et malgré un rétropédalage quasi-immédiat, Instagram accuse le coup. En janvier 2013, le constat est désastreux : le site The Register (en anglais) affirme que l'application mobile a perdu plus de la moitié de ses utilisateurs actifs. 

Chez EyeEm (prononcer "I am"), à Berlin, on se frotte les mains. Dans la capitale allemande (qui confirme chaque jour son statut de Silicon Valley du Vieux Continent - en anglais), le challenger européen d'Instagram enregistre un pic d'inscriptions à l'annonce des modifications des CGU de son concurrent. Selon le site Gigaom, la start-up allemande aurait, en quelques jours, multiplié ses inscriptions par dix. Un succès exponentiel non démenti depuis.

Lancé en août 2011 (moins d'un an après Instagram), EyeEm compte aujourd’hui plus de 10 millions d’utilisateurs répartis dans plus de 190 pays. Une goutte d’eau comparée au géant Instagram, qui en revendique quinze fois plus. Et pourtant, son succès pourrait bien faire de l’ombre à la firme californienne. Car EyeEm possède plus d’un atout pour séduire l’amateur de photographie mobile. Des avantages qui n’ont pas échappé aux Français : notre pays est l’un de ceux où l'application décolle le plus vite, devant l’Allemagne, sa terre natale, et derrière les Etats-Unis, tandis que Paris est la première ville au monde en terme d’utilisateurs journaliers de l’application. Dernière innovation en date, un partenariat avec l'agence de photos Getty Images, qui devrait permettre à ses utilisateurs de monétiser leurs clichés d'ici la fin de l'année. Décryptage des points forts de l'appli que certains, comme Tech Crunch (en anglais), ont baptisé "l'Instagram européen".

Deux captures de l'interface des profils personnels sur EyeEm. A droite, le compte de Florian Meissner, un des quatre fondateurs d'EyeEm. (DR)

Un système de tags ingénieux

EyeEm l’a bien compris. Parmi la multitude de photos prises chaque seconde dans le monde (trois fois plus de photographies seraient aujourd’hui prises avec un téléphone mobile qu’avec un appareil photo traditionnel, rappelait récemment Canon lors de la dernière édition du salon Photokina), seules celles qui sont partagées et que l’on peut retrouver en ligne existent publiquement. 

Pour un iconographe, trouver une photo d’illustration est devenu un enfer sur des sites comme Flickr ou Instagram où des millions de photos sont disponibles. Anna Dickson, éditrice photo du site d’actualité américain The Huffington Post en sait quelque choseSelon elle, il est évident que parmi les milliards de photos partagées en ligne, seules celles qui sont parfaitement référencées ont une chance d'être repérées et publiées.

Afin d'optimiser la visibilité de vos clichés partagés, la firme a donc mis au point un système de tags ultraperformant. "Le problème d’Instagram, c’est que les photos d’actualité se retrouvent dans le même fil d’actualité que la nourriture, les chats ou n’importe quoi d’autre", constate, dans un entretien à Techcrunch (en anglais), Florian Meissner, un des quatre fondateurs d’EyeEm. Aussi, lorsqu’un utilisateur de l'appli allemande prend une photo, un algorithme lui assigne automatiquement des métadonnées, comme la date et le lieu de la prise de vue, mais également des mots-clés, et la classe dans des dossiers. Une photo est donc facilement trouvable sur l’application sans avoir forcément besoin de lui ajouter des dizaines de hashtags, note Forbes (en anglais)

Aujourd’hui, le stock de photos EyeEm dépasse les 40 millions de clichés. Une base de recherche sérieuse quand l’agence française Sipa en propose en ligne deux fois moins. Les photos sont ainsi classées par album, en fonction de la géolocalisation ou des tags ajoutés. Si vous êtes fan de photos de brunchs dominicaux ou d'architecture, vous avez la possibilité de vous abonner à ces mots-clés afin de ne plus rien manquer.

Quelques exemples de catégories de photos sur l'application EyeEm. (DR)

Des concours pour stimuler la communauté

Plus ludique et interactive que sa grande sœur, EyeEm propose régulièrement à ses utilisateurs de participer en ligne à des concours photo sur un thème imposé. Les deux millions d’utilisateurs actifs par mois constituent une communauté de passionnés, prêts à répondre à n’importe quelle sollicitation. Une aubaine pour les sites médias comme le Huffington Post, dont l’iconographie provient aujourd’hui pour moitié d’amateurs et non plus d’agences photos traditionnelles. Ainsi, l'opération What does peace look like to you?, organisée en partenariat avec le pure player, a enregistré plus de 13 000 participations en 12 jours.

"What does freedom mean to you ?" ("Que représente la liberté pour vous ?"), une opération organisée à l'occasion du 25e anniversaire de la chute du mur de Berlin. Les photos gagnantes seront projetées pendant les commémorations dans la capitale allemande. (DR)
 

Des marques comme Airbnb, Foursquare ou Uber proposent régulièrement des thèmes pour ces concours photo d’une nouvelle ère. A la clé pour les vainqueurs, un prix qui se transforme souvent en une mise en avant du cliché gagnant sur le site annonceur, constate The Business Insider (en anglais). Un fonctionnement qui satisfait les deux parties.

Pour le Huffington Post, il s'agit de bénéficier gratuitement de photos qui serviront à illustrer des articles sur le site, et pour le photographe amateur, une publication sur un site à forte audience. Quant à EyeEm, c’est une façon de rester connecté avec sa communauté en obtenant du contenu spécifique.

Un partenariat avec Getty Images pour vendre ses photos

C’est tout l’enjeu d’EyeEm. Ecarter la publicité de son business model et se rémunérer sur les ventes de photos de sa communauté tout en permettant à cette dernière d'en bénéficier. Pas de panique, contrairement à Instagram, seules les photos qui feront l'objet d'une autorisation par les internautes seront proposées à la vente sur Getty Images, comme le rappelle Forbes (en anglais). De même, Florian Meissmer confirme, dans une interview donnée à Gigaom (en anglais), que "les photographes conserveront tous les droits sur leurs clichés"

Si les "détails" de cette monétisation restent flous (quelle sera la rémunération des photographes sachant qu'EyeEm empochera la moitié des revenus, précise Venture Village - en anglais), le EyeEm Market a d’ores et déjà séduit. Plus de 100 000 photos sont prêtes à être commercialisées, confirme Forbes (en anglais). Il devrait être lancé avant la fin de l’année, offrant ainsi une alternative située à mi-chemin entre Flickr et ses Creative Commons et une agence de photo traditionnelle, comme l’AFP ou Reuters. De quoi faire trembler les agences de photo d’illustration comme l'allemand Fotolia, qui propose également ce genre de service, avec une communauté toutefois plus restreinte. Avec son Market, EyeEm a l’ambition de devenir la nouvelle génération des agences de photos d’illustration.

Son arme d’invasion massive en préparation : un algorithme capable de déterminer si une photo est réussie ou pas. Mis au point par le fondateur de la start-up indienne Sight.io, récemment rachetée par la firme berlinoise, précise Tech Crunch, cet algorithme étudierait les caractéristiques de chaque photo selon 500 000 facteurs ! Basé sur une analyse de milliers de photos, cet outil surpuissant permettrait d’automatiser la mise en vente des meilleurs clichés selon des critères esthétiques bien sûr, mais aussi, pourquoi pas, selon les types de clichés recherchés, explique Venture Village (en anglais).

Des fonctionnalités plus pratiques

Moins révolutionnaires mais tout aussi pratiques, des filtres et des cadres plus nombreux et mieux pensés, des cadrages variés qui s'affranchissent enfin du format carré pas toujours adapté et la possibilité de zoomer dans les images sont des petits plus que tout utilisateur d'Instagram appréciera. 

Et si Instagram dispose d'une version bêta de son application sur Windows Phone, EyeEm n'est plus disponible sur ce type de mobile. Autre bémol, vous risquez de vous sentir un peu seul au début, mais il ne tient qu'à vous de convaincre vos amis de venir vous rejoindre. Et consolez-vous en vous rappelant que c’est un sentiment partagé par tous les pionniers du numérique, et que l’avenir de la photo mobile devrait bel et bien passer par EyeEm.

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