Sida : faut-il faire confiance aux autotests de dépistage ?
Ces tests salivaires seront autorisés en France à partir de 2014. Mais des études s'inquiètent déjà de leurs conséquences. L'avis de Christine Rouzioux, chef de service en virologie à l'hôpital Necker, à Paris.
Ils arriveront dans les pharmacies hexagonales en 2014. Mais seront-ils efficaces ? Les autotests de dépistage du sida ont obtenu leur visa pour le marché français il y a quelques semaines. La date précise de leur commercialisation est, pour le moment, inconnue. Disponibles sans ordonnance, ils permettront de dépister le VIH, chez soi, en quelques minutes.
Mais à deux jours de la Journée mondiale de lutte contre le sida, deux études montrent que les populations à risque négligent de plus en plus le préservatif en France, faisant davantage confiance aux tests de dépistage sanguins et aux traitements antirétroviraux. En France, 150 000 personnes sont porteurs du virus et 30 000 à 40 000 personnes vivent avec le VIH sans le savoir.
Francetv info a interrogé le professeur Christine Rouzioux, chef de service en virologie à l'hôpital Necker, à Paris.
Francetv info : Qu'est-ce que l'autotest et comment fonctionne-t-il?
Christine Rouzioux : Les autotests permettent de dépister le VIH en très peu de temps, à la maison. A l'image d'un test de grossesse, une personne peut se tester elle-même et lire le résultat en quelques minutes. L'utilisation est simple : après avoir récolté de la salive avec un coton-tige frotté contre l'intérieur de la joue, il faut attendre une vingtaine de minutes pour avoir le résultat.
En ce qui concerne le prix et la date de la commercialisation, les négociations sont en cours et sont tenues relativement secrètes. Nous ne connaissons pas encore les modalités exactes de mise sur le marché. Le prix sera probablement calqué sur celui de l'autotest américain, puisque c'est une entreprise américaine qui le fabrique. Autorisé aux Etats-Unis depuis juillet 2012, il coûte 40 dollars, soit environ 30 euros. Nous ignorons aussi ce qui sera indiqué sur la notice fournie avec le produit.
Est-il fiable?
Les tests salivaires sont très fiables [Un rapport du Conseil national du sida évoque des taux de fiabilité de 86,5 à 92,9%]. Ils permettent, à partir d'un simple échantillon de salive, de donner un résultat rapide sur la présence d'anticorps spécifiques, produits en cas d'infection par le VIH. Mais dans tous les cas, il faut faire confirmer un diagnostic positif par une prise de sang en laboratoire. Et il faut attendre trois mois entre une prise de risque et un autotest pour que celui-ci soit réellement performant.
Avant ce laps de temps, il y a le risque d'être un "faux négatif", c'est-à-dire que le test dira que vous êtes négatif alors que vous avez été infecté. Les anticorps spécifiques à l'infection ne sont détectables avec fiabilité que deux à trois mois après la transmission du virus.
En revanche, s'il n'y a eu aucune prise de risque et que le test dit que vous êtes négatif, vous êtes certain d'être négatif. A l'inverse, il existe aussi des "faux positifs". C'est pour cela qu'il est indispensable, pour confirmer, de faire une prise de sang si l'autotest est positif. Il sera évidemment nécessaire d'expliquer ces recommandations dans la notice qui accompagnera les autotests.
Peut-il permettre de freiner l'épidémie?
Il sera extrêmement difficile d'évaluer l'impact précis des autotests sur l'épidémie, mais ils permettront de déceler plus vite une infection pour une meilleure prise en charge de la maladie [le Conseil national du sida a estimé que l'introduction des autotests permettrait de découvrir 4 000 séropositivités et d'éviter 400 nouvelles infections par an en France]. Ils visent avant tout les populations à risque. L'idée, c'est d'aller vers des gens qui ne se satisfont pas des outils actuels. Il s'agit généralement de personnes qui veulent rester discrètes ou des personnes marginales, en dehors du système de soins.
La mise à disposition des autotests en France permettra, en tout cas, d'offrir un outil supplémentaire de réduction des risques de la transmission du VIH pour les personnes qui ne peuvent ou ne veulent pas recourir aux autres offres de dépistage. Ils viennent en complément des campagnes de prévention et de dépistage déjà existantes. Et ils ne doivent, en aucun cas, se substituer aux moyens de prévention et de protection.
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