Education : ce qu'on ne regrette pas d'avoir abandonné au XXe siècle
"Les enfants étaient mieux élevés de mon temps" : l'adage est plus que jamais populaire. Pourtant, voici des punitions et des principes d'éducation de l'école d'autrefois qu'on peut laisser au placard sans regrets.
Bonnet d'âne sur la tête, un élève en blouse se retrouve au piquet, le dos tourné à la classe. C'est l'image, en noir et blanc, de l'école en France dans les années 1950 et 1960. Une époque révolue, mais que certains semblent regretter : pour trois Français sur quatre, les enfants sont moins bien élevés qu'à leur époque, selon un sondage BVA publié samedi 28 février.
Pourtant, aujourd'hui, le tableau n'est plus si noir. A y regarder de plus près, il y a des punitions ou des principes d'éducation qu'on peut laisser au placard sans regrets.
La fessée et autres punitions violentes
A l'école élémentaire, "tout châtiment corporel est strictement interdit". C'est écrit noir sur blanc dans la circulaire de l'Education nationale du 6 juin 1991 (en PDF). Modifiée par les circulaires du 20 juillet 1992 et du 29 juin 1994, c'est elle qui définit le cadre dans lequel peut s'exercer la gestion de la discipline à l'école primaire. De fait, aujourd'hui, taper sur les doigts des élèves avec une règle ou donner la fessée, cela ne se fait plus à l'école. Ou alors il s'agit de cas de maltraitance passibles de sanctions et de poursuites.
Ce sont des pratiques d'un autre temps, comme l'illustre un appel à témoignages paru sur L'Internaute. "Nous avions une maîtresse, alors que j'avais 8 ans, qui était très sévère et donnait la fessée pour un oui et pour un non. Je n'ai malheureusement pas échappé à cette punition honteuse et cela déculotté, fesses nues, devant toute la classe (de garçons). Une fois de retour à la maison, je me suis plaint et, à ma grande stupeur, ma mère m'a donné une autre fessée, mais c'était dans les années 1950", raconte Jean, de Paris.
Dans un cadre privé, contrôler le comportement des parents est plus difficile. Pour autant, ce type de pratiques est de plus en plus condamné. Ainsi, en octobre 2013, un père a écopé d'une amende de 500 euros avec sursis pour avoir donné une fessée déculottée à son fils de 9 ans. Plus récemment, en janvier, un autre homme a été condamné à un mois de prison avec sursis pour des fessées sur ses garçons, après une plainte de la mère.
Aujourd'hui, le Conseil de l'Europe voudrait aller plus loin et les voir disparaître totalement en France. Dans une décision qui doit être rendue publique mercredi 4 mars, il juge que le droit français "ne prévoit pas d'interdiction suffisamment claire, contraignante et précise des châtiments corporels". Pour l'instant, le gouvernement estime qu'une loi sur le sujet n'est pas nécessaire.
Les humiliations devant la classe
A l'école, l'humiliation comme punition n'est plus la bienvenue non plus. Les choses sont claires : on n'envoie plus un élève au piquet et le bonnet d'âne est rangé. "Les punitions infligées doivent respecter la personne de l'élève et sa dignité : sont proscrites en conséquence toutes les formes de violence physique ou verbale, toute attitude humiliante, vexatoire ou dégradante à l'égard des élèves", indique le Bulletin officiel du ministère de l'Education nationale du 13 juillet 2000.
"Il n'y a plus de 'ouh' moqueur dans la classe quand un enfant se trompe. On ne circule plus avec un cahier accroché dans le dos car on a fait des taches en écrivant, comme je l'ai fait : tout cela n'existe plus", reconnaît Catherine Chabrun, responsable nationale à l'Icem, partisan de la pédagogie Freinet, fondée sur l'expression libre des enfants, interrogée par francetv info. Mais selon elle, certaines pratiques subsistent. "Il reste des punitions humiliantes. On ne doit plus donner de lignes à écrire [ce qui est désormais proscrit par le Code de l'éducation], pourtant, certains enseignants le font encore. Cela peut être terrible pour un élève dyslexique", ajoute-t-elle.
Le problème reste la transmission : l'enfant humilié devient souvent un adulte qui, à son tour, humilie. Des études mettent en évidence un lien entre les coups reçus dans l'enfance et l'agressivité à l'âge adulte. "On apprend aux enfants à canaliser leur violence physique, à la transformer autrement. On peut aussi l'apprendre à un adulte. Il ne faut plus de violence verbale et physique dès l'école, qui doit montrer l'exemple", estime Catherine Chabrun. L'idée est de créer un cercle vertueux plutôt qu'un cercle vicieux. Bonne nouvelle, c'est en bonne voie.
L'absence de dialogue avec les enfants
Surtout, ce qui a changé depuis une soixantaine d'années en France, c'est la place de l'enfant. Aujourd'hui, elle s'apparente à celle de tout citoyen : l'enfant est sujet de droit dès sa naissance. En tant qu'élève, il a sa place dans sa classe et dans l'établissement. Le tournant date de 1989. Cette année-là, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté à l'unanimité la Convention relative aux droits de l'enfant, entrée en vigueur l'année suivante. Cette Convention met l'accent sur les droits à la santé et à l'éducation de l'enfant et lui donne le droit à la parole dans toute affaire le concernant.
Ce principe modifie le rapport de l'enfant à la sanction. Plutôt que de punir un élève de façon bête et méchante, on lui explique ce qu'il a fait de mal. "On prend en compte sa parole. Il y a un net progrès sur ce point", estime Catherine Blaya, présidente de l'Observatoire international de la violence à l'école, contactée par francetv info. Cette professeure en sciences de l'éducation donne un exemple : "Si un élève lance une corbeille à papier sur un coup de colère, on va lui demander de ramasser les papiers dans tout l'établissement, en lui expliquant qu'il aurait pu exprimer sa colère autrement." L'idée est de faire de l'élève "un acteur, de l'inciter à réfléchir à ses actes".
Cette pratique existe, mais n'est pas généralisée : souvent, l'enfant est simplement exclu de la classe pendant une période donnée. "Pourtant, plus on exclut un jeune en difficulté, plus on augmente le risque de le voir décrocher", souligne Catherine Blaya. C'est pourquoi, dans ses formations destinées aux futurs enseignants, elle essaye de les amener à comprendre qu'il "ne faut pas exclure à tour de bras".
"Il y a une bonne volonté", estime Catherine Blaya, en citant l'exemple d'une centaine d'enseignants de Nice (Alpes-Maritimes) qui suivent chacun un élève en difficulté bénévolement. On est bien loin de l'élève mis au coin, le cancre qui est la risée de la classe. "Tout dépend de ce qu'on veut : dresser nos enfants ou les éduquer", ajoute, non sans ironie, Catherine Blaya.
La blouse et les cours de morale... même s'ils pourraient faire leur retour
La blouse a disparu des collèges publics avec le mouvement de contestation de mai 1968. Plus d'uniforme : s'habiller comme on le souhaite à l'école était une idée défendue avec ferveur par les libertaires. Puis, petit à petit, elle est revenue dans certains établissements privés catholiques. Et le débat autour de son retour s'est installé. Entre 2007 et 2009, Xavier Darcos, ministre de l'Education nationale, plaide pour sa réintroduction.
Le collège public Pierre-de-Fermat, à Toulouse (Haute-Garonne) a lancé une consultation sur le sujet. Résultat : les deux tiers des parents y sont favorables, selon Le Parisien (article payant) du mardi 3 mars. "Ce sont les élèves eux-mêmes qui ont suggéré le port d'un uniforme comme un moyen de gommer les inégalités sociales. (...) Des collégiens se sont plaints de la pression des marques", précise le quotidien. "Les marques jouent souvent un rôle dans les cas de harcèlement", estime une représentante de parents d'élèves du collège. La question sera finalement tranchée en septembre 2015.
A la rentrée prochaine, un autre principe de l'éducation qui a disparu avec Mai 68 fera aussi son grand retour. Il s'agit des cours de morale. Avec l'avènement de la IIIe République et les lois Ferry de 1881 et 1882, la morale devient l'un des piliers de l'enseignement. Puis, dans les années 1950, elle se limite à des petites phrases recopiées. Autre temps et autres mœurs : en 2015, le principe reste, mais l'idée change. Cette fois, un enseignement moral et laïque "aura vocation à (...) lutter contre le racisme, à promouvoir la coexistence, le vivre ensemble", a insisté le 22 janvier la ministre de l'Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem. Avec pour objectif ambitieux de faire de l'enfant un citoyen éclairé, bien éduqué et mieux élevé qu'à l'époque de ses parents.
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