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Mixité sociale au collège : trois conditions pour que cela fonctionne

La ministre de l'Education lance un plan expérimental pour réduire les inégalités sociales dans les établissements à partir du collège. 

Article rédigé par franceinfo - Estelle Walton
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Temps de lecture : 8min
La ministre de l'Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, lors de la visite d'une classe de sixième bilangue au collège Vincent-Van Gogh à Blénod-lès-Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle) le 5 octobre 2015. (MAXPPP)

Pour lutter contre la ségrégation sociale et en finir avec les "collèges ghettos", Najat Vallaud-Belkacem lance, mardi 10 novembre, un nouveau plan expérimental dans les régions. La ministre de l'Education espère élaborer des solutions à partir "des acteurs de terrain" en impliquant les collectivités locales dans la répartition des élèves. Ainsi, 17 territoires pilotes vont désormais rassembler les demandes d'inscription de plusieurs établissements voisins pour répartir les élèves en fonction de leur milieu social, tout en tenant compte des contraintes géographiques.

Un noble objectif qui risque de se heurter à la réalité du terrain, si certaines conditions ne sont pas remplies. Francetv info a interrogé syndicats, professeurs et parents pour identifier les trois critères qui déterminent le succès du rapprochement social à l'école.

1Le nombre d'élèves par classe doit être limité et les enseignants, mieux formés 

Ce nouveau plan ne pourra être efficace sans une refonte des classes du secondaire. C'est en tout cas ce qu'estime Frédérique Rolet, secrétaire général du Syndicat national des enseignants dans le second degré (SNES), qui demeure sceptique sur le succès de l'opération : "Bien sûr qu'il faut lutter contre les classes homogènes, mais il faut que ça reste gérable", explique la syndicaliste, qui estime que le bénéfice de la mixité sociale est perdu "à plus de 30 élèves par classe".

Un avis que partage Thomas Lavarenne, professeur de physique à Sevran, en région parisienne. Dans son lycée, les élèves ont déjà du mal à suivre les programmes et, "même si cela peut donner une nouvelle dynamique, des élèves de milieux favorisés ne feraient que creuser un fossé déjà difficile à gérer", regrette l'enseignant. "Ici, le niveau est assez faible, mais tout le monde est dans le même bateau", explique le professeur, et un enseignement en demi-groupe aide à répondre aux besoins des élèves.

Céline (le prénom a été changé), mère d'une jeune lycéenne scolarisée dans le 12e arrondissement de Paris, a toujours respecté la carte scolaire. Lorsque sa fille est entrée au collège, l'établissement accueillait des classes d'enfants "plutôt favorisés". En quatre ans, son quartier est devenu plus populaire et le collège est désormais en zone d'éducation prioritaire. "Avec 37 élèves par classe, le personnel encadrant est complètement dépassé", raconte la mère. "Les élèves perturbateurs ont fait craquer certains professeurs, qui ne pouvaient pas tenir leurs classes. Ma fille n'a pas eu de cours d'anglais pendant trois ans, faute d'enseignant avec les nerfs suffisamment solides."

Et le problème s'est aggravé au lycée, dans un établissement pourtant de bonne réputation. Là-bas, l'ascenseur social n'a pas fonctionné : "Elle n'arrivait pas à suivre, et ses professeurs l'ont laissée sur le pavé, en se focalisant sur les bons élèves", se désespère Céline. "Ma fille est passée de 15 à 4 de moyenne, et elle est maintenant pointée du doigt pour ses mauvaises notes."

Frédérique Rolet préconise donc une meilleure formation des enseignants, trop souvent livrés à eux-mêmes. "On nous demande d'individualiser nos cours, de faire du travail en groupe, mais nous sommes en manque d'effectifs", accuse la syndicaliste. Selon elle, "si les classes ne dépassaient pas 25 élèves, et que les enseignants recevaient une vraie formation continue sur ces questions, alors il y aurait une place pour l'émulation et l'échange entre élèves".

2 Les parents doivent être rassurés, ce qui implique de revaloriser les collèges moins réputés

Mais, pour lutter efficacement contre la ségrégation sociale, il faut s'attaquer à la source du problème. Pour le SNES, la clé serait de "réintéresser les parents vers les établissements proches de chez eux". Car "personne n'aime faire des kilomètres pour aller à l'école", observe Frédérique Rolet.

Une solution serait donc de proposer des "options plus attractives, notamment dans le domaine des langues", mais aussi d'"ouvrir les collèges aux parents" pour qu'ils se rendent compte des actions qui sont menées.

Pour les associations de parents d'élèves, revaloriser les établissements est une solution, mais il faut surtout réussir à rassurer les familles sur les chances de leurs enfants : "Quand ils entrent au collège, les élèves n'ont pas d'a priori sur leurs camarades, estime Valérie Marty, la présidente de la PEEP, "mais les parents, eux, sont inquiets, et veulent éviter le climat instable qui empêcherait leurs enfants d'apprendre dans de bonnes conditions." Les familles qui peuvent se le permettre choisissent alors de contourner la carte scolaire en inscrivant leur progéniture dans des écoles plus réputées, davantage éloignées de chez elles.

Les parents ont maintenant "une vision stratégique de l'école", déplore la secrétaire générale du SNES. "Il est donc compréhensible qu'ils évitent les établissements où le taux de réussite au bac ou au brevet est 20% en dessous de la moyenne nationale."

3La politique du logement doit être repensée, pour mélanger les enfants avant leur entrée à l'école

Syndicats de professeurs et parents d'élèves s'accordent à dire qu'une véritable politique de mixité sociale ne pourra être efficace si elle n'est pas accompagnée d'une politique de la ville. "La carte scolaire a divisé les territoires", déplore Valérie Marty, la secrétaire générale de la PEEP. "La ségrégation sociale dépend donc d'abord d'une politique de la ville qui a installé les différentes populations dans des quartiers éloignés les uns des autres." Même en allant au collège près de chez eux, les parents n'encouragent donc pas toujours une réelle mixité.

Dans une conférence du réseau Canopé, Valérie Kumm estime que, pour "réussir à rassembler les élèves" et éviter les "collèges ghettos", il faut d'abord éviter les ghettos tout court en "revitalisant les territoires ruraux, parfois très défavorisés", pour que des classes sociales plus élevées s'y installent. "Les élèves favorisés émigrent de plus en plus vers les villes, et ne reviennent pas fonder leur famille", déplore la vice-présidente du conseil régional de Picardie en charge des lycées.

Sans s'attaquer à l'exode rural, la ville de Chaunay (Aisne) a établi un nouveau système de répartition des élèves. Le lycée général et le lycée professionnel y sont désormais réunis sous une même direction et présents sur deux sites proches, couvrant ainsi logements sociaux et zones pavillonnaires. Un pari réussi qui va plus loin encore que les nouvelles expérimentations du gouvernement : "Ce changement permet de mélanger, non sans difficultés, les populations scolaires jusqu’alors très ségréguées entre les deux établissements", se réjouit Jean-Louis Valentin, le proviseur des deux lycées publics.

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