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Rythmes scolaires : d'abord opposés à la réforme, ces maires hésitent désormais à l'abandonner

Selon le projet de décret que le nouveau ministre de l’Education doit présenter jeudi, les communes qui le souhaitent pourront repasser à la semaine de quatre jours dès la rentrée 2017. Mais après avoir traîné des pieds, certains élus rechignent à revenir en arrière.

Article rédigé par Carole Bélingard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
La rentrée scolaire dans une école élémentaire de Montpellier (Hérault), le 2 septembre 2014. (MAXPPP)

Vous vous étiez habitué à la semaine de 4 jours et demi ? Préparez-vous à devoir changer (encore) votre organisation. Le projet de décret du nouveau ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, prévoit le retour à la semaine de 4 jours pour les communes qui le souhaitent. Le texte sera soumis à un vote consultatif, jeudi 8 juin, au Conseil supérieur de l'éducation (CSE).

Néanmoins, les communes satisfaites des rythmes scolaires actuels pourront les conserver et rester sur une semaine de 4 jours et demi. En clair, c'est le retour du casse-tête pour les maires. Franceinfo a interrogé des élus plutôt défavorables, au départ, à cette réforme polémique mise en place durant le quinquennat de François Hollande. Ils nous expliquent comment ils envisagent la rentrée.

 Bouc-Bel-Air (Bouches-du-Rhône) : "On est dans le flou"

"Sans états d'âme, je ferai ce que veut la majorité [des parents]", assure Richard Mallié, maire Les Républicains, de Bouc-Bel-Air (Bouches-du-Rhône). La commune d'environ 14 000 habitants n'était pas, initialement, favorable à la réforme des rythmes scolaires, initiés en 2013 par Vincent Peillon. Mais l'édile s'est plié à la demande de l'Etat. "L'équipe municipale précédente n'avait rien fait. Quand on a été élu en 2014, on a dû tout mettre en place en l'espace d'un mois", explique à franceinfo Richard Mallié.

Maintenant, s'il faut revenir en arrière, la commune se mettra en ordre de marche. "On va consulter les parents d'élèves à la mi-juin sur ce qu'ils veulent pour la rentrée, poursuit-il. Mais ce qu'on a mis en place n'est pas trop mauvais, puisque lorsqu'on a fait un sondage, 85% des parents étaient ravis." A Bouc-Bel-Air, les enfants ont pu bénéficier de cours de jardinage citoyen, d'anglais, de poney, ou encore de mythologie, dans le cadre des temps d'activités périscolaires (TAP).

Ce qui est en cause, ce n'est pas la teneur des activités, c'est le fait que des enfants se lèvent cinq jours par semaine et qu'ils sont fatigués.

Richard Mallié

à franceinfo

Autre difficulté : le financement. Les activités périscolaires coûtent actuellement 180 000 euros à la ville chaque année. Pour un tiers, elles sont financées par une participation des parents, qui est de 1,50 € par après-midi et par enfant. Le deuxième tiers est assuré par la ville et le troisième par l'Etat, via un fonds de soutien des communes, à hauteur de 50 euros par enfant. Et aujourd'hui, il y a une véritable inconnue. Ce fonds de soutien va-t-il être pérennisé ? "Si l'Etat fait sauter la dotation, ce sera autant de moins pour les communes. Dans ce cas-là, on devra demander une aide supplémentaire aux parents. On est peu dans le flou pour le moment", constate Richard Mallié. Une inquiétude d'autant plus forte que l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron n’a pas fait secret d’une possible remise en cause du "fonds d’aide" à l’horizon 2019, rappelle Le Monde. Dans tous les cas, ce sera aux parents de trancher, avec le choix de garder la situation actuelle, ou de revenir à la semaine de quatre jours dès 2017 ou en 2018.

Bordeaux (Gironde) : "Aucun changement pour la rentrée"

L'instauration des rythmes scolaires n'a pas été simple à Bordeaux (Gironde). "Nous avons mis en place la réforme après plus de 60 réunions de concertation. Ce fut un très long travail. On n'a pas eu le choix d'appliquer cette réforme", rappelle, à franceinfo Emmanuelle Cuny, adjointe au maire de Bordeaux en charge de l'éducation. Mais pas question de tout chambouler à trois mois de la rentrée scolaire. "Nous laissons l'application de la réforme. Aucun changement pour la rentrée pour les 101 écoles de Bordeaux, précise-t-elle. Ce n'est pas possible de faire des changements maintenant."

A Bordeaux, les activités sont concentrées dans un bloc de deux heures, et non réparties tout au long de la semaine, afin de permettre aux enfants de sortir de l'établissement scolaire. Elles sont encadrées par des associations. "Les animateurs sont souvent des CDD, des emplois précaires... Donc, si ça doit s'arrêter, cela doit se faire en amont", explique Emmanuelle Cuny. Pour l'élue, il n'est pas possible d'imposer un changement de rythme aux familles et aux agents dans ce délai. "Aujourd'hui, il y a beaucoup de mamans qui ont repris le travail le mercredi, parce que les enfants sont à l'école", développe-t-elle. 

Nous sommes le 1er juin et les inscriptions pour les activités l'an prochain sont déjà faites.

Emmanuelle Cuny

à franceinfo

Néanmoins, là encore, le poids financier des activités pèse lourd. "La réforme des rythmes scolaires pour la ville, c'est 2,9 millions d'euros. L'Etat donne 800 000 euros. Mais il faut maintenant attendre le décret pour voir si l'Etat compte arrêter l'aide aux villes", détaille Emmanuelle Cuny. Dans tous les cas, la ville promet une concertation autour d'un retour éventuel à quatre jours. "Mais la décision finale reviendra à l'Education nationale", rappelle l'adjointe au maire de Bordeaux. En effet, pour revenir à quatre jours par semaine, le projet de décret prévoit un feu vert de l'inspecteur d'académie.

Chalo-Saint-Mars (Essonne) : "Techniquement, ce n'est pas possible"

Elle faisait partie des maires farouchement opposés à la réforme des rythmes scolaires. "Ce n'est pas notre travail d'apporter de la pédagogie, c'est le travail de l'Education nationale", lance la maire sans étiquette de Chalo-Saint-Mars, une commune de l'Essonne d'un millier d'habitants. Mais quatre ans après la fronde, Christine Bourreau se rend à l'évidence. Impossible d'abandonner la réforme dès la rentrée 2017. "Techniquement, ce n'est pas possible, argue l'élue. D'abord, il y a la question des transports. Or, on est dans un regroupement scolaire [ce n'est pas la  commune qui organise le ramassage scolaire]. Et le département a déjà passé des contrats avec les transporteurs."

Et avant de prendre une décision pour la rentrée de 2018, la commune veut d'abord prendre le pouls des parents.

Beaucoup de parents dans la commune aimeraient repasser à une semaine de quatre jours.

Christine Bourreau

à franceinfo

Même si l'élue reconnaît que la commune a "pu offrir des activités aux enfants des deux écoles élémentaires un peu particulières, comme l'art floral, le théâtre", grâce à l'implication "des gens du village".

Néanmoins, "les enfants sont très fatigués. Au final, ils restent à l'école tard, note l'édile. Et puis, l'intérêt pédagogique n'est pas exceptionnel. S'il n'y a pas d'intérêt pour l'enfant, on ne va pas rester sur quelque chose qui n'intéresse personne." Sans compter, là aussi, le coût de ces activités : 10 000 euros environ, avec une aide de l'Etat à hauteur de 7 000 euros.

 Janvry (Essonne) : "On a vu les bénéfices des activités"

Cette commune de 600 habitants de l'Essonne n'a pas tardé à réagir. "Nous avons déjà délibéré. On passe à quatre jours dès la rentrée. Le conseil d'école a approuvé le délibéré. L'inspecteur d'académie doit maintenant donner son accord", assure à franceinfo Christian Schoettl, maire UDI de Janvry. Ce dernier était en pointe dans la contestation de la réforme, jugée "mal faite". Il avait même déposé un recours devant le Conseil d'Etat pour faire annuler le décret d'application.

"Quand le Conseil d'Etat m'a donné tort, on a mis en place des activités comme l'enseignement précoce des langues avec des vacataires, et du sport notamment avec les centres équestres", rapporte l'élu. Si la commune revient à quatre jours, en revanche, elle conservera les activités. "On a vu les bénéfices des activités notamment par rapport à l'enseignement précoce des langues. Donc, on va les conserver au lieu de la garderie et ce seront des activités gratuites", glisse-t-il.

Pour lui, c'est la preuve son opposition à la réforme "n'était pas une question d'argent". Et pour financer les activités, Christian Schoettl n'attend rien de l'Etat. "Pour les 60 enfants, les activités nous coûtent entre 10 000 et 15 000 euros. On n'a aucune aide. On n'en a jamais demandée parce que c'est tellement complexe pour remplir les dossiers. Il faut une armée mexicaine, c'est vraiment dissuasif", constate-t-il. Le maire préfère garder "sa liberté".

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