Cet article date de plus de dix ans.

Rythmes scolaires : "J'ai appris à composer, mon fils s'est adapté"

Pamiers est une des 4 000 communes françaises à avoir adopté la réforme dès la rentrée 2013. Elle est loin d'être isolée en Ariège : plus de 98% des écoles ont fait ce choix. Un an après, quel bilan en tirer ? Francetv info s'est rendu sur place.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Deux élèves, le 4 septembre 2014, à l'école des Canonges, à Pamiers (Ariège), où la réforme des rythmes scolaires est appliquée depuis 2013. (VIOLAINE JAUSSENT / FRANCETV INFO)

"Moi je suis content d'aller à l'école le mercredi matin, pour voir mes copains et parce que j'aime bien l'école." "Moi, j'aimerais dormir." "Oui, mais toi, tu es feignant." Entre les enfants aussi, le débat sur la réforme des rythmes scolaires est vif. Chacun a une vision bien personnelle. "Ceux qui veulent aller à l'école le mercredi matin peuvent y aller, et ceux qui ne veulent pas y aller n'y vont pas", tranche une blonde fluette aux grands yeux bleus, en classe de CM1/CM2.

En réalité, l'application de la réforme n'est pas aussi simple. Lorsque la mairie de Pamiers (Ariège), où ces enfants sont scolarisés, entend les annonces de Vincent Peillon sur la réforme, le 17 mai 2012, elle décide d'adopter la réforme dès la rentrée 2013, comme 4 000 communes françaises, sur les 24 000 qui disposent d'écoles primaires. La ville y voit, en quelque sorte, une reconnaissance des activités qu'elle organise déjà.

La loi permet en effet aux communes, depuis plusieurs années déjà, de créer un Accueil de loisirs associé à l'école (ALAE), une structure éducative pour accueillir les enfants pendant le temps périscolaire. Le maire de Pamiers, André Trigano, élu en 1995 sous l'étiquette UDF, a saisi cette possibilité en 1998. Quatorze ans plus tard, son équipe a pu s'appuyer sur cette structure pour proposer aux écoles primaires trois heures d'ateliers périscolaires par semaine, suggérées par la réforme.

Une longue phase de concertation

Pour autant, la mise en place des nouveaux rythmes ne s'est pas faite en un clin d'œil. Cette ville d'environ 16 000 habitants - près de 34 000 avec son aire urbaine - a dû recruter 15 animateurs, en grande partie grâce aux emplois d'avenir. Ils sont 35 aujourd'hui, auxquels s'ajoutent 15 aides maternelles.

Une activité manuelle, le 4 septembre 2014, à l'école des Canonges, à Pamiers (Ariège). (VIOLAINE JAUSSENT / FRANCETV INFO)

Dans les écoles, directrices et enseignants ont multiplié les réunions. "Entre décembre 2012 et septembre 2013, nous avons eu une longue phase de concertation avec toutes les parties concernées, afin d'arriver à un dispositif consensuel", relate Françoise Pancaldi, maire adjointe chargée de l'enfance et de la jeunesse. "Ce qu'on faisait déjà de façon intuitive, on a dû le faire en respectant un cadre."

La pause méridienne allongée

Le mercredi matin a été choisi comme demi-journée supplémentaire. Comme dans d'autres communes, même un an après l'entrée en vigueur de la réforme, cela pose encore des problèmes d'organisation aux familles. A 12h10, il faut venir chercher ses enfants, ou les laisser l'après-midi au centre de loisirs. Chacun a dû se réadapter : faire appel à une grand-mère, prendre parfois un jour de congés...

A Pamiers, la pause méridienne a également été allongée : elle passe de 2 heures à 2 heures 15 ou 2 heures 30 (selon les écoles). En France, peu de communes ont fait ce choix, mais ici, cela sonnait comme une évidence pour les élus en charge du projet. La décision est liée à l'emplacement de la cantine. Les enfants des écoles élémentaires mangent au centre de loisirs de Las Parets, à 15 minutes de route du centre-ville. Ils s'y rendent en bus, en fonction des horaires de leur école. Il y a une rotation : ils ne déjeunent pas en même temps.

Lecture et jeux sur l'herbe

Pourquoi aller si loin pour manger ? "C'est une volonté municipale. Dans ce centre, la nourriture est issue de l'agriculture biologique, et les repas sont servis à l'assiette. Les enfants ont de l'espace dedans et surtout dehors, on n'est plus dans la ville, mais dans un coin de campagne", explique Magali Terrail, coordinatrice du service enfance et jeunesse.

Des enfants attendent le bus au centre de loisirs de Las Parets, à Pamiers (Ariège), le 4 septembre 2014. (VIOLAINE JAUSSENT / FRANCETV INFO)

De fait, jeudi 4 septembre, après leur déjeuner, les CP/CE1 de l'école des Canonges s'allongent sur des matelas pour se reposer et écouter Julie, jeune animatrice qui leur fait la lecture dans une salle. Pendant ce temps, les CM1/CM2 sont à l'extérieur, assis sur l'herbe, en cercle. Encadrés par Xavier, animateur depuis huit ans à Pamiers, ils discutent puis jouent au jeu du "téléphone arabe". De l'autre côté des bâtiments, d'autres classes attendent patiemment le bus.

"Les enfants sont moins stressés"

"Agrandir la pause méridienne a donné du souffle aux enfants. Ils sont moins stressés. Avant, ils étaient bousculés", constate Catherine Fabry, directrice de l'école élémentaire Cazalé, située dans un quartier populaire. "En 2013, les parents qui venaient chercher leurs enfants pour déjeuner avaient du mal à les ramener à 14h30. Ils avaient l'habitude de les déposer à 14 heures. Puis les choses sont rentrées dans l'ordre, petit à petit", poursuit-elle. Cette situation concerne un tiers des élèves.

Les autres enfants mangent à la cantine tous les jours. Projet jardin, dessins, jeux collectifs... Certains bénéficient ainsi d'activités que leurs parents, nombreux à être au chômage dans ce quartier, ne pourraient leur offrir en dehors de l'école. Le coût, qui dépend du quotient familial, se situe entre 5 et 15 euros par mois et par enfant.

"Un an d'adaptation était nécessaire"

Basket, bricolage, cartes, lecture, balle au prisonnier... A l'école élémentaire des Canonges, située dans un quartier pavillonnaire, des activités sont proposées entre 16h30 et 18h30, pendant le Temps d'activités périscolaires (TAP) introduit par la réforme, puis dans le temps de l'ALAE, les deux se chevauchant. Elles sont classiques, mais les enfants les réclament. Ils ont besoin de se défouler à ce moment-là. 

Des jeux pendant le temps d'activités périscolaires, le 4 septembre 2014 à l'école des Canonges à Pamiers (Ariège). (VIOLAINE JAUSSENT / FRANCETV INFO)

C'est le cas de Jérémy, 7 ans. Sa mère, Valérie, psychologue, vient le chercher à 17h30, mais pourrait venir plus tôt, car elle exerce en libéral. "J'ai appris à composer avec les activités de fin de journée et le mercredi matin à l'école, mais un an d'adaptation était nécessaire. Mon fils aussi s'est adapté, cela me rassure. Il est toujours fatigué, mais on le gère différemment. Il se couche plus tôt", explique-t-elle.

Des élèves plus fatigués en fin de semaine

La fatigue, c'est un des points noirs de la réforme pour d'autres parents, et pour Karine Ferrigno, directrice de l'école des Canonges. "Avec la semaine de 4 jours, les enfants étaient fatigués à la fin de chaque journée. Avec le mercredi matin en plus, ils le sont moins, mais ils sont très fatigués le vendredi après-midi", observe-t-elle.

Faire école le samedi matin serait-il plus satisfaisant ? Les deux directrices sont conscientes des autres problèmes que pose cette solution : les familles recomposées verraient moins leurs enfants, ceux qui ont des enfants au collège seraient en décalage, les professionnels du tourisme y perdraient...

"Avec la réforme des rythmes scolaires, on touche à la sphère familiale. On a donc du mal à uniformiser, à trouver le rythme qui convient à tous. Je ne sais pas quel serait le rythme idéal", avoue Karine Ferrigno. "Je pense qu'il faut savoir si on se pose la question pour les enfants, les parents, les enseignants, ou les professionnels du tourisme." Une autre manière de parler du sujet, sans doute plus adulte.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.