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Théories du complot : "Quand un élève vous dit que le 11-Septembre n'a pas eu lieu, il ne faut surtout pas le mépriser"

Le gouvernement a mis en place une table ronde, lundi, pour tenter de lutter contre ce phénomène chez les jeunes. Francetv info s'est entretenu avec Christophe Chartreux, un professeur qui doit y faire face au quotidien dans son collège.

Article rédigé par Kocila Makdeche - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Pour lutter contre les théories du complot qui se diffusent dans les classes, le gouvernement a organisé, mardi 9 février, une table ronde. (MAXPPP)

Le 11-Septembre, les illuminatis, les reptiliens... Pour lutter contre les théories du complot, qui peuvent influencer certains élèves, notamment via les réseaux sociaux, le ministère de l'Education nationale a mis en place, mardi 9 février, une table ronde pour savoir comment réagir face à ce phénomène.

Pour sensibiliser les plus jeunes, le gouvernement vient de lancer un compte Snapchat sur le sujet. Un site, intitulé ontemanipule.fr, a également été mis en ligne. Mais comment faire pour lutter contre ces discours ? Les enseignants sont-ils formés pour y répondre ? Francetv info a posé la question à Christophe Chartreux, un professeur de français et d'histoire-géographie au collège de Longueville-sur-Scie (Seine-Maritime) qui doit faire face à ce phénomène au quotidien.

Francetv info : Etes-vous régulièrement confronté à des discours propres à la "théorie du complot" de la part de vos élèves ?

Christophe Chartreux : Bien sûr. Plus les années passent et plus on entend ce genre de théories dans les classes. Il y a quelques jours encore, alors que j'évoquais les attentats du 11 septembre 2001, une élève m'a dit, très sûre d'elle, que ça n'avait jamais existé. Elle m'a expliqué que sur internet, "c'était prouvé", "avec des images". Pour la corriger, j'ai décidé de montrer à la classe les vraies images de l'attentat. Rappelons que, pour des collégiens, le 11-Septembre est un événement historique qu'ils n'ont pas connu.

Ces adolescents font partie d'une génération de l'image. Souvent, des élèves me lancent : "Montrez-nous que ce que vous dites est vrai." J'ai un ordinateur dans la classe, et je n'hésite pas à leur montrer des vidéos. Pour leur apprendre, il ne faut pas hésiter à utiliser leur langage.

Et cela fonctionne-t-il ?

C'est difficile de leur sortir ces idées de la tête, car il y a une logique sectaire derrière ce discours complotiste. Par définition, ces théories véhiculent l'idée que les autorités cherchent à cacher une vérité à tout prix. Je leur pose alors une question : quel est l'intérêt pour moi, professeur, de vous raconter des mensonges ? Ça les fait souvent réfléchir.

L'essentiel, c'est de ne jamais laisser un propos complotiste sans réponse. Quand un élève vous dit que le 11-Septembre n'a pas eu lieu, il ne faut surtout pas le mépriser, le moquer ou le disputer. Il faut, au contraire, lui apporter des réponses concrètes et toujours de façon pédagogique.

Avez-vous été formé pour réagir à ces situations ?

Non, et c'est sans doute la question qui sera débattue au ministère de l'Education aujourd'hui. Il y a peut-être des constantes à adopter dans les discours, qu'il faut clarifier. Mais, selon moi, c'est grâce à l'expérience et à notre connaissance de nos élèves qu'on sait comment agir. En revanche, inclure ces questions dans la formation des futurs enseignants est une bonne chose. Ainsi, ils ne sentiront pas piégés lorsqu'ils se retrouveront face aux élèves.

Un autre objectif du ministère de l'Education nationale est de former du personnel (directeurs, inspecteurs...) à la déradicalisation. Pensez-vous que ce soit aussi le rôle du professeur ?

Ce n'est pas le rôle de l'enseignant à lui tout seul, parce qu'il ne peut malheureusement pas faire grand chose. Ils peuvent cependant jouer un rôle pour prévenir les risques, comme les parents, l'éducateur sportif, et tout l'entourage de l'adolescent.

L'un des leviers d'action, selon moi, consiste à refaire de l'éducation morale et civique une discipline à part entière. Depuis quelques années, elle est devenue le parent pauvre de l'histoire-géographie. On a beaucoup trop sacrifié ces heures de cours pour finir le programme d'histoire.

Il faut en profiter pour redonner du sens aux valeurs républicaines. Quand je demande à des élèves de 4e de me citer la devise de la France, très peu en sont capables. Et face au drapeau français, ils me parlent du football neuf fois sur dix. C'est très bien, ça en fait partie, mais les mots "République" ou "Révolution française" ne leur viennent jamais à l'esprit. On reproche souvent aux adolescents radicalisés de mépriser les valeurs républicaines, mais la réalité c'est que souvent, ils ne les connaissent même pas.

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