Aide sociale à l'enfance : pourquoi les députés lancent une enquête sur les "manquements" du dispositif actuel
L'heure des premières auditions est arrivée. Trente députés de tous bords vont lancer, mardi 14 mai, les travaux de la commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance. Au cours des prochains mois, cette instance cherchera à "faire la lumière sur les dysfonctionnements de l'aide sociale à l'enfance" et à ouvrir la voie à "une réforme d'ampleur" du secteur, selon les élus du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, à l'origine de cette initiative. Franceinfo vous explique pourquoi les députés ont décidé de se pencher sur ce sujet.
Des drames récents ont relancé le débat
Le débat sur l'hébergement des jeunes de l'aide sociale à l'enfance (ASE) a été relancé, fin janvier, après la mort de Lily, une adolescente de 15 ans retrouvée pendue dans un hôtel du Puy-de-Dôme où elle avait été placée. Avant elle, en octobre, Méline, 11 ans, avait également été retrouvée morte dans sa chambre d'un foyer associatif de l'Oise. Ces drames, loin d'être isolés, ont suscité l'indignation de militants des droits de l'enfant, qui ont dénoncé l'inaction de l'Etat et des départements, en charge de la protection de l'enfance.
"Tous les clignotants sont au rouge", ont estimé les députés socialistes, en mars, en annonçant la création de cette commission. "Les professionnels en première ligne sont trop peu nombreux, travaillent dans des conditions extrêmement précaires et les structures sont inadaptées à l'accueil de jeunes aux parcours traumatiques", ont-ils énuméré.
L'initiative du groupe socialiste a été saluée par les différents camps politiques, relève LCP. L'élue Renaissance Nicole Dubré-Chirat a ainsi pointé une occasion de se saisir du "problème de financement de l'ASE au niveau des départements", tandis que la députée RN Laure Lavalette a souligné l'insuffisance "des travaux parlementaires menés ces dernières années sur les lacunes de l'ASE".
D'anciens enfants placés font pression pour une réforme
L'enquête lancée à l'Assemblée nationale répond aux interpellations récurrentes des pouvoirs publics par d'anciens enfants de l'ASE. Sitôt la commission annoncée, certains d'entre eux ont décidé de créer le Comité de vigilance des enfants placés, qui entend notamment "veiller à la qualité des travaux" menés par les députés. "L'idée, c'est d'imposer notre voix, a expliqué l'un des fondateurs du comité, Lyes Louffok. Il faut sortir du dialogue habituel entre Etat et départements, qui oublient systématiquement l'expertise des premiers concernés qui ont vécu le système."
Revendiquant plus de 200 membres, le comité sera le premier acteur auditionné mardi, représenté par Lyes Louffok, Diodio Métro et Anne-Solène Taillardat. Ils entendent aborder les violences dans les foyers et les familles d'accueil, le manque de contrôles ou encore l'abandon de certains jeunes dès qu'ils deviennent majeurs. A l'issue des travaux parlementaires, "si le rapport ne nous convient pas", "nous proposerons un contre-rapport", prévient Lyes Louffok. "Après, évidemment, il appartiendra au gouvernement de mener toutes les réformes qu'il jugera nécessaires et nous y veillerons du début à la fin."
Des travailleurs sociaux se disent "abandonnés"
La commission d'enquête créée à l'Assemblée nationale fait aussi écho aux alertes lancées par les professionnels du secteur, notamment dans une tribune publiée par Le Monde en mars. "Nous avons besoin d'un engagement fort et rapide de la part de l'Etat en faveur des travailleurs sociaux", trop peu nombreux et mal payés, y écrivaient quelque 200 signataires, parmi lesquels des dizaines d'éducateurs spécialisés. "Laisser aujourd'hui à l'abandon le métier de travailleur social de la protection de l'enfance est une faute", dénonçaient-ils.
De nombreuses structures tournent au ralenti par manque de professionnels disponibles et le problème du manque de places s'accentue. Une enquête du Syndicat de la magistrature, à laquelle ont participé 176 des 522 juges des enfants de France, a mis en évidence "au moins 3 335 placements non exécutés en France", soit autant d'enfants contraints de rester dans leur famille, malgré le danger qu'ils encourent. "Aux placements non exécutés s'ajoutent les placements mal exécutés", complète le syndicat, évoquant des mineurs "ballottés de lieu d'accueil en lieu d'accueil et/ou hébergés dans des lieux non agréés par le département, voire dans des hôtels ou au camping, ce qui est pourtant interdit par la loi".
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