"Le terrible pécheur, c'est [le pape], l'abbé Pierre, c'est un malade", répond l'association La Parole libérée au pape François

Le souverain pontife s'est exprimé vendredi sur les accusations d'agressions sexuelles visant l'abbé Pierre.
Article rédigé par franceinfo
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Le pape François, le 13 septembre 2024, dans l'avion qui le ramène d'une tournée en Asie du Sud-Est et Océanie. (GUGLIELMO MANGIAPANE / POOL / VIA AFP)

"Le terrible pécheur, c'est [le pape], l'abbé Pierre, c'est un malade", tacle François Devaux, fondateur de l'association La Parole libérée, samedi 14 septembre sur franceinfo. Il répond ainsi à distance au souverain pontife qui avait estimé que le fondateur d'Emmaüs, accusé par plusieurs femmes d'agressions sexuelles, était "un terrible pécheur". Le pape s'est exprimé vendredi dans l'avion qui le ramenait d'une tournée en Asie du Sud-Est et Océanie. Il a précisé que le Vatican avait appris les accusations d'agressions sexuelles visant l'abbé Pierre après la mort de ce dernier. "Il n'est pas digne de confiance, réagit François Devaux. On est dans l'ultime trahison de la vie et des plus faibles."

franceinfo : Croyez-vous le pape quand il dit avoir pris connaissance des faits après la mort de l'abbé Pierre ?

François Devaux : Je crois qu'il n'est pas digne de confiance. On a envoyé douze courriers au pape, dont au moins deux lui ont été remis en main propre, et il n'a jamais répondu à aucun de nos courriers. Je crois que le terrible pécheur, c'est lui, l'abbé Pierre, c'est un malade. Il ne faudrait pas tout mélanger. On est dans l'ultime trahison de la vie et des plus faibles. Il serait temps qu'on tourne les talons à cette institution.

Le pape reconnaît que faire des recherches sur ce que savait le Vatican ne lui est jamais venu à l'esprit.

On est vraiment dans le double langage. On est très, très loin de la tolérance zéro qui est prônée. Il faut savoir que le pape a refusé de rencontrer la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église (CIASE) présidée par Jean-Marc Sauvé qui a révélé que 200 000 à 300 000 victimes étaient encore en vie en France. Ça suppose plusieurs millions de victimes à travers le monde. C'est l'enquête la plus aboutie qui a été faite à travers le monde, il y a trois rapports de recherche et cette commission pluridisciplinaire a enquêté sur la causalité de ces choses-là. Les violences sexuelles au sein de son institution, c'est quand même le plus grand problème du pape, et il s'est fait l'économie de rencontrer cette commission pour comprendre d'où il venait ! Il y a des causalités qui sont bien particulières dans l'Église catholique. La majorité des victimes sont des petits garçons, par exemple. Il y a une problématique propre à l'Église catholique.

L'Église annonce ouvrir ses archives sur l'abbé Pierre 75 ans avant la date prévue. Il y a malgré tout des signaux qui sont envoyés. C'est positif, selon vous ?

Si l'Église n'avait plus peur de la transparence, ce n'est pas sur l'abbé Pierre seul qu'elle ouvrirait les archives, c'est sur tous les faits d'agressions sexuelles. La commission Sauvé a recensé des milliers d'auteurs. Ce n'est pas parce qu'il y a un symbole et des victimes qui prennent la parole qu'il faut nettoyer ça et faire pseudo-œuvre de transparence. Il y a un vrai travail de fond à engager. On parle de confession pleine et entière pour absoudre un péché, là, on en est quand même très très loin.

Pourtant, le pape appelle les victimes à s'exprimer.

Il l'a toujours fait. C'est le fameux double langage, il a toujours prôné la tolérance zéro. J'ai moi-même été au Vatican, en février 2019, au moment du grand sommet sur les violences sexuelles. Il y avait le père Hans Zollner, monseigneur Scicluna, on a rencontré tout le gratin du Vatican... Le pape était là, il n'a pas daigné se déplacer.

Le pape François annonce qu'il va rencontrer des victimes d'abus sexuels en Belgique. Cela aussi, vous le balayez ?

J'ai été en contact avec un petit millier de victimes à travers le monde. Je suis allé au Chili, on a quand même œuvré sur ce sujet-là pendant des années. Des victimes qui ont rencontré le pape, j'en connais trois, c'est les Chiliens. Les autres, je ne les connais pas, je n'en ai jamais entendu parler, et pourtant, j'ai été en contact avec des gens à travers le monde entier.

Cette rencontre est annoncée pour septembre.

C'est toujours pareil, une fois qu'on est acculé... C'est exactement ce que fait le pape : il nous dit : maintenant qu'on s'est fait gauler, il faut être transparent. C'est un peu facile et c'est très loin de la théologie et de l'enseignement de Jésus Christ, je crois.

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