Cet article date de plus de huit ans.

L'hyper-violence des femmes djihadistes

Les femmes, de plus en plus nombreuses à chercher à rejoindre les rangs de Daech, s'y distinguent par leur détermination et leur cruauté : une forme d'hyper-violence. Rares sont celles qui sont revenues de Syrie après avoir vécu l’expérience du djihad. L’une d’entre elles a accepté de témoigner.
Article rédigé par Laëtitia Saavedra
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
  (Femmes en armes en zone contrôlée par Daech (image de propagande).)

Nous avons rencontré plusieurs personnes qui ont été les témoins directs d'atrocités de la part de ces femmes de Daech. Parmi celles-là, Sophie est l'une des rares Françaises à être partie et revenue de Syrie.

Elle souhaite conserver son identité secrète afin de protéger la vie qu’elle s’est reconstruite en France, et se fait appeler Sophie Kasiki. C’est sous ce pseudonyme qu’elle signe son livre, Dans la nuit de Daech , publié par Robert Laffont.

Educatrice de formation, convertie à l'islam, elle est partie de France l'an dernier, en compagnie de son fils de 4 ans, pour aller travailler dans un hôpital de Raqqa, la capitale de l'Etat islamique. Après 2 mois d'enfer elle est parvenue à s'enfuir.

 

  (Sophie Kasiki © Laetitia Saavedra / RF)

Mais avant de réussir à partir, elle a été enfermée pendant 24 heures dans une maison de femmes de l'Etat islamique à Raqqa. Ces maisons de femmes, appelées des maqqars, sont un point de passage obligé par lequel transitent toutes les étrangères djihadistes qui arrivent.

Elles ne peuvent en sortir qu'à une condition : être mariées.Ce qu'elle y a vu l'a considérablement choquée : des mères djihadistes enseignant la barbarie à leurs enfants dès le plus jeune âge...

Sophie Kasiki : "Le maqqar, c’est une maison qui est une espèce de crèche pour femmes, avec enfants pour certaines. Il y a des grillages, toutes les portes sont fermées, les clés sont tenues par une sorte de matrone armée. Je suppose qu’elle était française car elle parlait un français impeccable.  Il y a une salle télé avec des vidéos de propagande, où défilaient les images des égorgements, et toutes les horreurs que commet l’Etat islamique. De la sorte ces enfants sont habitués à voir des gens se faire couper la tête, et à ne pas réagir, à côté de leurs mères ou d’autres femmes qui applaudissent ou rient. Les petits que j’ai vus – de 2 à 6 ans et plus – semblaient habitués à cette violence. Et eux-mêmes se comportaient comme des petits sauvageons."

 

Il existe de multiples preuves de cette ultra-violence promue par l'Etat islamique. Notamment les SMS et les photos qui ont été retrouvées dans le portable de l’une des jeunes fille revenues de Syrie. Ce sont documents que s’est procurée Dounia Bouzar, la co-fondatrice du Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'Islam. On y découvre des scènes d’horreur, des mises en scène macabres dont la sauvagerie n’a rien à envier à celle des hommes.

Dounia Bouzar : "Comme les hommes, elles s’échangent des photos où elles tiennent à bout de bras des têtes coupées, d’autres où elles apprennent à des enfants de un an à jouer au football avec des têtes coupées. Et ce sont des gamines qui l’année dernière étaient encore au lycée en 1re ES dans des campagnes françaises !"

 

Ultime exemple de cette barbarie d’un autre âge : Haya Al Ali est une jeune syrienne originaire de Raqqa. Etudiante, elle

A été une opposante tant au régime de Bachar El Assad qu’à l’autorité imposée par Daech, qui a fait de sa ville la capitale de l’Etat islamique. Elle a 27 ans, a fui la Syrie depuis un an et demi et elle bénéficie aujourd’hui du statut de réfugiée politique en France. 

  (Haya Al Ali, réfugiée politique en France. © Laetitia Saavedra / RF)

Dans un cybercafé de Raqqa elle a rencontré une Bordelaise convertie. Cette femme venue d’Aquitaine lui a expliqué jusqu’où elle était prête à aller. Haya Al Ali raconte. "Elle m’apprend qu’elle vient de France, de Bordeaux, où elle s’était mariée et a eu une fille qui doit avoir environ douze ans. Puis elle est tombée amoureuse d’un djihadiste libyen avec qui elle a eu un petit garçon, qui a deux ans. Elle a alors pris ses enfants et s’est enfuie avec eux en Syrie pour le rejoindre. Elle m’a dit aussi qu’elle envisageait de marier sa fille de douze ans et qu’après cela, elle serait prête à se faire exploser contre l’Armée syrienne libre ou contre l’armée de Bachar El Assad." 

 

Il faut encore préciser qu’à cette violence ambiante s'ajoute la répression exercée par les brigades de femmes de la police islamique, chargées de contrôler la bonne conduite des femmes syriennes

 

Ces brigades ont été créées par Daech il y a environ 2 ans, après que des opposants à l’Etat islamique –des hommes de l'ASL, l’armée syrienne libre  – ont commis des attentats dissimulés sous des burqas. Il s'agissait alors d'opérer des contrôles d'identité sur des femmes par des femmes.

Depuis les femmes membres de ces brigades sont chargées de faire appliquer la charia. Elles pratiquent la torture et les coups de fouet sur les femmes qu’elles arrêtent et sont haïes par la population locale. 

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