Scandale de pédophilie : à Lyon, un prêtre mis en cause dans une affaire avec un mineur en remplace un autre
Le père Jérôme Billioud a succédé à l'abbé Eric Pépino à la tête de la paroisse de l'Immaculée Conception. Le cardinal Philippe Barbarin, archevêque du diocèse, était informé du passé trouble du religieux.
Dans le diocèse de Lyon, au cœur d'un scandale de pédophilie, un prêtre accusé d'avoir eu des relations sexuelles avec un adolescent mineur a été remplacé à la tête de sa paroisse par un autre prêtre sur qui pèsent également des accusations d'attouchements sexuels sur mineur. A l'automne 2015, une fois les démêlés judiciaires de son prédécesseur soldés, le père Jérôme Billioud a succédé, à l'église de l'Immaculée Conception, au père Eric Pépino, suspendu de ses fonctions par les autorités catholiques en 2014.
L'archevêque lyonnais, Philippe Barbarin, était pourtant informé des agissements du nouvel abbé. Ces faits fragilisent un peu plus la défense du primat des Gaules, qui assure n'avoir "jamais" couvert des actes de pédophilie commis par des prêtres placés sous son autorité.
Ecarté malgré son non-lieu dans une autre affaire
Les faits remontent à mai 2014. Un adolescent parisien de 15 ans, en fugue, entre en contact avec le père Eric Pépino sur un site au nom explicite : MaleMotion. Leurs conversations débouchent sur une rencontre physique au domicile du prêtre.
La brigade de protection des familles de la gendarmerie nationale découvre la relation. Le religieux est aussitôt mis en examen pour "corruption de mineur" et "atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans par un majeur mis en contact avec la victime par réseau de communications électroniques". Et comme il est de coutume dans l'Eglise catholique française, lorsqu'un prêtre est impliqué dans ce genre d'affaire, l'archevêque Philippe Barbarin décide aussitôt de démettre l'abbé de ses fonctions, comme le relate Le Progrès.
Selon les sources judiciaires de La Tribune de Lyon, qui citent le procès-verbal d’audition, le père Pépino a reconnu au cours de sa garde à vue "un acte sexuel consenti", mais il assure alors ne pas savoir quel âge avait le jeune homme. En juillet 2015, le juge d'instruction lyonnais rend finalement une ordonnance de non-lieu. Car la rencontre a eu lieu sur un site réservé aux adultes et l'adolescent mineur avait menti sur son âge, trompant l'homme d'église, rapporte France 3 Rhône-Alpes.
Le père Pépino ne comparaîtra pas. Figure de l'Eglise catholique lyonnaise, fer de lance de la lutte contre le mariage des couples homosexuels, traditionaliste qui a célébré en compagnie de son successeur une messe à la mémoire de Louis XVI à laquelle assistaient des royalistes et nationalistes de l'Action française, l'homme s'est retiré dans le Beaujolais où vit sa famille, depuis que le scandale a éclaté.
Un prêtre nommé malgré un soupçon vieux de cinq ans
Le dimanche 4 octobre 2015, les catholiques de la paroisse de l'Immaculée Conception, dans le 3e arrondissement de Lyon, sont invités à célébrer la messe d'installation de leur nouveau curé : le père Jérôme Billioud. L'archevêché a choisi l'abbé de l'ensemble paroissial de La Croix-Rousse pour prendre la relève du père Eric Pépino dans cette autre prestigieuse paroisse lyonnaise à la réputation désormais ternie.
Lorsque l'abbé Billioud est nommé, l'archevêque de Lyon a connaissance depuis cinq ans des actes qui sont reprochés au prêtre et qui remontent à 1993. Le cardinal Barbarin l'a d'ailleurs reconnu, mardi 15 mars, au cours d'une conférence de presse organisée en marge d'une réunion des évêques de France, à Lourdes.
Le cardinal Barbarin a en effet rencontré en 2009 un homme qui accuse l'abbé Billioud d'agression sexuelle. Ce plaignant qui se présente sous le prénom de "Pierre", et dont Le Figaro a publié le témoignage lundi 14 mars, affirme avoir été victime d'attouchements de la part du curé à deux reprises "entre la fin des années 1980 et le début des années 1990". D'abord à Biarritz, quand il était mineur, au retour d'un pèlerinage. Puis à Lourdes, à sa majorité.
En 2009, près de vingt ans après les faits, "Pierre" a déposé plainte. Le cardinal Barbarin dit l'y avoir encouragé. Selon le témoignage de "Pierre", l'archevêque a reconnu lors de leur rencontre à la gare de Lyon à Paris "la véracité" des faits dénoncés, et lui aurait de surcroît confié que l'abbé Billioud avait déjà "eu maille à partir avec la justice" pour exhibitionnisme, au début des années 2000.
"Une situation trouble par rapport à la sexualité"
Le 14 février dernier, "Pierre" a envoyé un long courrier au procureur de la République de Lyon. Dans cette lettre, qui a valeur de plainte, "Pierre" rappelle avoir déposé sa première plainte en 2009 auprès de la police de Cergy-Pontoise (Val-d'Oise) contre un abbé du diocèse de Lyon. Le cardinal Barbarin assure que cette première plainte a été "classée sans suite par la justice" en raison de la prescription des faits.
L'archevêque dit avoir appelé le prêtre mis en cause et avoir discuté avec lui de ce qu'il s'était passé. Philippe Barbarin évoque "une situation trouble par rapport à [la] sexualité" du père Billioud, "des points très troubles de la vie d'un prêtre, mais qui n'ont plus rien à voir avec de la pédophilie". Il reconnaît n'avoir pas eu l'assurance, lors de cette discussion, que de tels faits ne se reproduiraient pas. Contacté par Le Figaro, le père Billioud dit, lui, "n'avoir aucun souvenir".
L'abbé n'a toutefois pas été écarté de la vie paroissiale. Mais face à l'ampleur de la polémique, Philippe Barbarin a fini par demander, mardi 15 mars, que le père Jérôme Billioud "n'exerce plus son ministère, dans le monde entier, jusqu'à ce que la justice se fasse". Dans la paroisse de l'Immaculée Conception, l'histoire se répète étrangement.
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