Racisme et gros sous : Donald Sterling, le milliardaire qui pourrit la saison de NBA
L'enregistrement d'une conversation entre le propriétaire des Los Angeles Clippers et sa petite amie est accablant. Son passé également.
La NBA se serait volontiers passée de ce scandale. Alors que commencent les playoffs du championnat, la phase finale où les meilleures équipes de basket des Etats-Unis se défient pour le titre 2014, l'affaire Donald Sterling a tout emporté sur son passage.
Vendredi 25 avril, le site TMZ (en anglais) publie un enregistrement d'une conversation téléphonique entre Sterling, le propriétaire des Los Angeles Clippers, et sa future ex-petite amie. La discussion tourne autour du compte Instagram de la jeune femme, qui s'expose avec les célébrités afro-américaines présentes dans le carré VIP lors des matchs des Clippers. Dernier en date, Magic Johnson, légende vivante du basket. "Tu peux coucher avec des Noirs, faire ce que tu veux avec eux, entend-on Sterling dire dans l'enregistrement. Mais n'en fais pas la promotion sur ton compte Instagram et ne les amène pas au match." Une phrase révélatrice de la personnalité ambiguë et controversée de l'octogénaire.
Un milliardaire haut en couleurs (mais surtout en blanc)
En 1981, lors du premier match de ses Clippers, Donald Sterling est surexcité. Chemise ouverte jusqu'au nombril, il s'époumone pour encourager son équipe, qui remporte finalement la rencontre. Les supporters se souviennent encore de son tour d'honneur, torse nu, un verre de vin à la main, à distribuer des high five à tous ses joueurs... L'agent de joueurs Arn Tellem le décrit dans Sports Illustrated : "Beaucoup de patrons de NBA sont distants et essaient de donner l'illusion qu'ils se contiennent. Donald est totalement rongé par l'angoisse pendant les matchs. Vous avez juste envie de le prendre dans vos bras."
Sterling se fait connaître pour ses soirées où tous les invités doivent venir habillés en blanc. Comme dans Gatsby le Magnifique. Une année, il organise chez lui, à l'occasion de la draft (soirée pendant laquelle les patrons sélectionnent les joueurs universitaires et étrangers qu'ils veulent faire entrer dans leur équipe), une fête pour laquelle il revêt une simple robe de chambre. Chaque réception est précédée d'annonces pour recruter des "femmes séduisantes" comme hôtesses. Cet homme marié avoue sans honte payer des relations sexuelles 500 dollars avec des "associées". Deux fois, il se retrouve au tribunal pour harcèlement sexuel. Deux fois, l'affaire se règle avec un chèque.
Dans l'affaire de l'enregistrement, cette fois, c'est la femme de Donald, Rochelle, qui attaque. Elle a porté plainte contre la maîtresse de son mari, une certaine V. Stiviano, qu'elle accuse d'avoir extorqué 1,8 million de dollars à son mari, rapporte CBS.
Roi de l'immobilier et dictateur pour ses locataires
Donald Sterling tire son immense fortune - 2 milliards de dollars, d'après une estimation du magazine Forbes - de ses investissements dans l'immobilier. Il possède littéralement le prestigieux quartier de Los Angeles Beverly Hills. Et il continue de construire partout dans la ville californienne. Lui-même occupe un magnifique immeuble art déco de sept étages construit par le patron de la MGM. Il n'occupe que les deux derniers, laisse les cinq premiers vacants. Son truc, c'est de jouer avec les ascenseurs plaqués bronze (les couloirs sont eux plaqués de marbre). "C'est un luxe que je me suis offert", confiait-il à Sports Illustrated (en anglais), en 2000.
Concernant le choix de ses locataires, il est beaucoup moins joueur. ESPN Magazine (en anglais) a publié en 2009 des extraits accablants des audiences de son procès pour discrimination raciale - procès qui s'est conclu par un accord à l'amiable record de 2,7 millions de dollars. Visitant un de ses immeubles de Beverly Hills en 2002, Sterling commente ainsi l'odeur qui y règne : "C'est parce qu'il y a beaucoup de Noirs dans l'immeuble, ils sentent mauvais, ils ne sont pas propres. Sans parler des Mexicains qui glandent et qui picolent toute la journée." Le magazine raconte ensuite la visite de l'appartement occupée par une femme noire aveugle, handicapée, victime d'un dégât des eaux. La vieille dame patauge dans 10 centimètres d'eau, et demande à être indemnisée. Réponse de Sterling : "Jamais de la vie. Virez-moi ça." Condamné, Sterling a payé... mais construit désormais ses immeubles à Koreatown, le quartier coréen de Los Angeles. "Eux, ils acceptent les conditions, payent leur loyer, et ne me coûtent jamais un centime."
Son rêve d'une équipe de "pauvres gars noirs du Sud"
En 2009, l'ex-manager général des Clippers, Elgin Baylor, fraîchement remercié, accuse Sterling de racisme. D'abord parce que le milliardaire lui a confié vouloir aligner une équipe de "pauvres gars noirs du Sud coachés par un Blanc". Les avocats de Sterling ont toujours démenti cette phrase. Autre épisode dénoncé par Baylor : une visite de Sterling dans les vestiaires de ses joueurs, alors qu'ils se douchent. Le milliardaire est entouré de jeunes femmes, qu'il invite à "admirer les belles bêtes", comme s'il s'agissait de chevaux de course. L'accusation de racisme n'a pas été retenue par la justice, mais depuis, les joueurs se moquent de lui et font semblant de vomir dans son dos quand il pénètre dans les vestiaires, note ESPN.
Pourtant, Sterling a été récompensé à de nombreuses reprises par la NAACP, la principale association de défense des minorités aux Etats-Unis. Le milliardaire s'est distingué en offrant des milliers de tickets aux enfants des quartiers difficiles de la ville. Il devait même recevoir un prix pour l'ensemble de son œuvre contre le racisme, le 15 mai. Ce n'est plus à l'ordre du jour, a fait savoir la NAACP.
Que risque maintenant Sterling ? Deux solutions : une amende décidée par les autres présidents de NBA de plusieurs millions de dollars, autrement dit une goutte d'eau dans la fortune de Sterling. Ou un vote de ses pairs pour le forcer à vendre son club. Le commissaire général de la NBA, Adam Silver, a prudemment botté en touche jusqu'à présent, mais va devoir trancher vite, vu l'indignation des stars d'hier (Michael Jordan, Magic Johnson) et d'aujourd'hui (Kobe Bryant, LeBron James), sans parler de Barack Obama. Mais l'histoire montre que les instances sportives américaines ne sont pas très sévères dans de tels cas : Marge Schott, ex-patronne des Cincinnati Reds, n'avait été suspendue que deux ans pour des propos favorables à Adolf Hitler...
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