Les supporters de l'OM se défendent : "A l'entrée du Vélodrome, ils nous palpent même les couilles"
A Marseille, les supporters rechignent à commenter les incidents du match OM-OL de dimanche. Si certains condamnent les débordements, beaucoup minimisent leur ampleur. Reportage.
C'est comme si Marseille s'était vidée de ses supporters. Dans les bars de quartiers qui arborent drapeaux ou graffitis blancs et bleus à la gloire de l'Olympique de Marseille, les visages se ferment à la simple évocation du match OM-OL et des incidents qui ont émaillé, dimanche 20 septembre, la venue au stade Vélodrome de l'ancienne star marseillaise, Mathieu Valbuena, passée à "l'ennemi" lyonnais. Quant aux clubs de supporters, ils n'ont pas plus envie de parler de la rencontre et de leur rancœur à l'égard de leur ex-milieu offensif. Les quelques fans de l'OM qui acceptent de parler à francetv info préfèrent rester anonymes.
"Je n'ai insulté personne et je ne cautionne pas 'ces fatigués'", lance un membre du club de supporters des Dodgers, qui très vite coupe court à la conversation. A l'écart du centre-ville, devant le quartier général des Commando Ultra, dont la façade recouverte de tags retrace les grandes heures du kop, deux supporters lâchent quelques mots. Les banderoles injurieuses déployées dans les tribunes, les insultes criées depuis les gradins, le mannequin grimant un Mathieu Valbuena pendu au bord de la pelouse, les stadiers et les CRS pris à partie, les projectiles jetés sur la pelouse et sur les joueurs… Les deux hommes se défendent d'avoir participé à ces actions.
"Dans le temps, il y avait bien pire"
Leur groupe d'ultras n'était pas impliqué, assurent-ils. Le premier dit même n'avoir rien vu. Et de toute façon, il n'était pas au stade dimanche, jure-t-il. "Tout ça, c'est rien. Dans le temps, il y avait bien pire", relativise-t-il. "C'est grand, le virage Sud. Il n'y a pas que des ultras. Le groupe ne contrôle pas toute la tribune. Il y a aussi des supporters indépendants", plaide le second. "S'il y avait écrit 'traître' [au sujet de Valbuena] sur une banderole, c'est peut-être que c'est la vérité", lâche-t-il tout de même.
Dans leur local discret situé près du Vieux-Port, les Yankees, un autre groupe de supporters, tiennent une réunion. L'un de ses membres nous reconduit sur le pas de la porte, à l'écart du brouhaha. Dimanche, il était dans la tribune Nord, avec les autres membres de son groupe. "On n'a rien fait", jure-t-il. "On a insulté Valbuena, comme tout le monde. Mais il devait bien s'y attendre. C'est forcé, après ce qu'il a fait." Le mannequin pendu, les banderoles… Le Yankee rejette la faute sur les ultras de la tribune Sud. Il accuse même leur capo (responsable) d'y avoir pris part. "Les médias en ont trop fait. Il y a eu trois canettes" jetées, minimise-t-il, avant de prendre la défense de l'ensemble de son kop.
"On ne peut rien faire rentrer au Vélodrome. Pour faire notre tifo, on arrive cinq heures avant le match. A l'entrée, on nous fouille de partout. Ils nous palpent même les couilles et le cul", argue-t-il, joignant le geste à la parole. "On nous accuse d'avoir agressé un stadier. Mais c'est lui qui nous a provoqués ! Il nous a menacés avec un Taser ! Ça nous a foutu les boules. C'est normal de réagir et de ne pas se laisser faire !" tranche-t-il, en regardant deux minots taper dans un ballon au milieu de la ruelle déserte.
"C'est à cause de l'Euro"
Comme bon nombre de supporters marseillais, le Yankee estime que les incidents de dimanche ont été "montés en épingle" et pris comme "prétexte" par les autorités, afin de serrer un peu plus la vis sur les groupes de supporters, en prévision du championnat d'Europe de football que la France doit accueillir l'an prochain. "C'est à cause de l'Euro", accuse-t-il. "Le ministre et le président de la FFF ont peur que les débordements gâchent leur belle fête, alors à la moindre occasion, ils nous menacent." Trois supporters de l'OM, jugés en comparution immédiate par le tribunal correctionnel de Marseille, ont écopé, mardi, de peines de prison ferme pour avoir jeté des pierres, des gobelets de pastis et des fumigènes.
Comme tous, le Yankee redoute les mesures d'interdiction administrative de stade, dès le match OM-Angers de dimanche. "Mais ils vont voir ce que c'est, des vrais hooligans, quand les Grecs et les Turcs vont se rencontrer ! Et quand les supporters des pays de l'Est vont débarquer pour tout casser, ils auront beau sortir tous les CRS qu'ils voudront, ils ne pourront rien faire", conclut-il en guise d'avertissement.
"Les fumigènes, les bouteilles… C'est impardonnable"
Chez les South Winners, qui tiennent la tribune Sud avec les Commando Ultra, on est un peu plus loquace. Et là aussi, on pointe du doigt les ultras. "On ne communiquera pas. On ne préfère pas. On ne veut pas faire d'amalgame. Voyez avec les ultras, ce sont eux qui sont au cœur du débat", avertit un membre du kop en préambule. "On était dans le délire d'encourager l'OM, pas de fusiller Valbuena", raconte-t-il. "C'est allé trop loin. Les fumigènes, les bouteilles… C'est impardonnable de la part d'un supporter. On aurait aimé que les ultras prennent le micro pour appeler leurs membres au calme. Chacun doit tenir sa tribune", condamne le supporter.
"Beaucoup de choses ont fait que ça a dérapé. La rivalité historique OM-OL, le retour de Valbuena, les propos des présidents des clubs… C'est un mauvais film", déplore-t-il. Le South Winner résume les griefs des supporters marseillais contre Mathieu Valbuena : "Partir en Russie pour le pognon, revenir en France, mais pas dans son club historique, déontologiquement, ça ne se fait pas. C'est un mercenaire. C'est du foot business", tance-t-il.
"On va y avoir droit, au match à huis clos"
Le mal est fait. "Maintenant, on est les vilains petits canards aux yeux de la France entière. On va se prendre des sanctions dans la gueule, on n'y coupera pas. Dimanche, on va y avoir droit, au match à huis clos", regrette le South Winner. Pressé par la préfecture, l'OM s'est déjà engagé à installer des filets de protection devant les tribunes des virages Sud et Nord et à renforcer les fouilles à l'entrée du stade. "Le sportif doit reprendre le dessus. Dans un club, le principal, ce sont les joueurs, pas les supporters. Nous, notre rôle, c'est de les encourager. Normalement, c'est d'eux dont on doit entendre parler, pas de nous." Ce mercredi soir, ce supporter sera à Toulouse pour encourager son club de cœur. Et c'est sûr, cette fois, "l'OM va gagner".
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