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Incidents lors de Nice-Saint-Etienne : faut-il interdire les déplacements de supporters ?

Après les incidents qui ont émaillé le match de dimanche, le président de la Ligue de football professionnel, Frédéric Thiriez, a avancé cette idée. 

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Affrontements entre les forces de l'ordre et les supporters de Saint-Etienne, à Nice, le 24 novembre 2013.  (MAXPPP)

Huit blessés, quatre interpellations, une enquête ouverte par le parquet, des communiqués de l'ASSE, de l'OGC Nice, du ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, de la ministre des Sports, Valérie Fourneyron, du maire de Nice, Christian Estrosi. Les incidents qui ont opposé fans niçois et stéphanois dans les tribunes de l'Allianz Riviera, dimanche 24 novembre, sont devenus en quelques heures une affaire d'Etat. Le président de la Ligue de football professionnel, Frédéric Thiriez, a proposé d'interdire purement et simplement les déplacements de supporters. Une solution radicale. Trop radicale ?

Des centaines de policiers mobilisés et un hélicoptère

Le déplacement de Saint-Etienne à Nice était classé à risques. A risques ? "Oui, le contentieux remonte à une trentaine d'années... et la plupart des protagonistes des incidents au stade n'étaient pas nés", remarque Jean-Guy Riou, président de l'Union des supporters stéphanois, contacté par francetv info. D'après les fans des Verts, leurs bus ont été attaqués alors qu'ils se rassemblaient pour se rendre au stade, ce que conteste le club azuréen. Certains supporters stéphanois évoquent aussi une "embuscade" dans le stade niçois. Les bagarres ont eu lieu malgré un dispositif de sécurité impressionnant, incluant un hélicoptère... 

Ce n'est pas représentatif des déplacements en général. "Pour beaucoup de déplacements de supporters de l'ASSE, il n'y aurait même pas besoin de forces de l'ordre, à Bordeaux, Auxerre ou Lens", poursuit Jean-Guy Riou. De l'avis général, la violence dans les stades a plutôt baissé depuis une trentaine d'années. Et on pénalise plus des comportements qui étaient tolérés par le passé. "Je me souviens d'un Saint-Etienne-OM en 1999 où les Marseillais avaient jeté des sièges sur la pelouse, ça avait fait beaucoup moins de bruit qu'aujourd'hui", se rappelle Olaf, du site Poteaux-Carrés.com

Le contexte niçois demeure particulier. "Quand j'étais à la tête des North Devils de Lens, j'ai fait deux fois le déplacement à Nice, se souvient Cédric Pharisien, ancien chef de groupe de supporters lensois, sur francetv info. La première année, ça s'est très bien passé, la deuxième, on n'avait tout simplement pas d'escorte ! On a attendu les policiers au lieu convenu, à l'heure dite. Personne ! Quand j'ai appelé, on m'a dit 'c'est bon, venez au stade'. Heureusement, il n'y a pas eu d'incidents, car les Lensois ne sont pas spécialement les bienvenus là-bas..." 

Interdiction de déplacement ? Au PSG, on connaît

Pourtant, dans l'imaginaire collectif, les supporters en déplacement sont des hooligans assoiffés de sang. Les supporters du PSG, régulièrement interdits de déplacement par arrêté préfectoral, le savent bien. Les préfets de départements où le PSG se déplace copient-collent le même texte. Jouez donc au jeu des sept erreurs entre celui diffusé à Nantes, à Montpellier ou à Valenciennes. "Il y a une énorme marge d'interprétation laissée aux pouvoirs publics, analyse Pierre Barthélémy, avocat de plusieurs supporters du PSG, joint par francetv info. Ces arrêtés sont contestables en justice, mais cela n'a encore jamais abouti. Le juge considère qu'interdire les gens d'aller au stade ne constitue pas la privation d'une liberté fondamentale." Dans chaque arrêté figure pourtant un incident à Porto entre anciens de la tribune Auteuil et de la tribune Boulogne, à coups de "couteaux de boucher", qui s'avère en fait être une banale bagarre de boîte de nuit, sans lien avec le match. 

Un des ultras du PSG, PsyKDav, raconte à francetv info le quotidien de l'ultra parisien en déplacement malgré l'arrêté : "Il faut louer un bus ou prendre des places dans un avion, trouver des places, parfois avec la complicité des ultras d'en face, se planquer toute la journée pour ne pas être chopé par la police. Ce serait tellement plus simple d'organiser les déplacements : on nous laisse accéder au parcage des visiteurs, on nous contrôle, on sait combien en on est, on nous fouille. Enfin, on pourrait arrêter de se planquer."

"On se croirait à l'école maternelle"

Interdire purement et simplement les déplacements ? Une mesure disproportionnée pour Thibault, du groupe En Vert et contre tous, joint par francetv info. "C'est une solution de facilité. On se croirait à l'école maternelle, avec des punitions collectives." Comme en classe, en foot, ce sont les associations de supporters qui prennent pour quelques individus qui dérapent. "A partir du moment où vous entrez dans un stade, vous êtes un criminel en puissance", regrette Olaf, du site Poteaux Carrés. "Une mesure d'interdiction des déplacements ne serait pas viable en vertu de la jurisprudence du Conseil d'Etat, conclut Me Barthélémy. Frédéric Thiriez le sait, car il est précisément avocat auprès du Conseil. Il veut juste mettre l'opinion publique de son côté."

Quelle solution alternative ? Ouvrir le dialogue, d'abord. "Je suis président de groupe de supporters et je n'ai jamais été contacté par le préfet ou par la LFP", regrette Jean-Guy Riou. C'est pourtant une demande des supporters, formulée noir sur blanc dans le Livre vert du supportérisme, rendu à Rama Yade (alors secrétaire d'Etat chargée des Sports), en 2010… A Saint-Etienne, une initiative se monte pour rassembler supporters et dirigeants, et faire entendre une voix alternative dans le débat actuel, très manichéen. "Il n'y a pas de dialogue de la part des autorités et des clubs, soit par méconnaissance, soit par manque de volonté, analyse Franck Berteau, auteur du Dictionnaire des supporters (éditions Stock). Mais en face, le mouvement ultra n'a pas levé son ambiguïté sur la violence, présentée comme un ultime recours, mais qui est latente dans leur fonctionnement. Le dialogue, ça va dans les deux sens."

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