Infographies JO 2024 : Teddy Riner est-il le meilleur athlète olympique de l'histoire des sports de combat ?

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Le judoka Teddy Riner après sa victoire aux Jeux olympiques de Paris, le 2 août 2024. (MUSTAFA CIFTCI / ANADOLU / AFP)
Après ses deux nouveaux sacres olympiques, en individuel et par équipes, le judoka français a encore montré qu'il figure en bonne place au Panthéon des combattants olympiques. Et même sans doute tout en haut.

En vue de l'entrée en lice de Teddy Riner, vendredi 2 août, franceinfo s'interrogeait sur la place du judoka parmi les géants des sports de combat aux Jeux olympiques. A l'issue de deux nouvelles journées de légende, vendredi et dimanche (par équipes), lors de laquelle le Tricolore a obtenu ses quatrième et cinquième titres olympiques (dont un troisième en individuel), la question semble désormais avoir une réponse définitive. "S'il devient à nouveau champion olympique, il n'y a plus de 'oui mais' sur l'identité du plus grand combattant de l'histoire", nous confiait avant le début des Jeux Frédéric Lecanu, ancien champion de France et multimédaillé européen. A noter que le taux de victoire de Teddy Riner reste autour de 96% (96,15%) après ces deux titres historiques. Franceinfo vous repropose cet article, avec les infographies mises à jour. Par ailleurs, nous avions oublié d'y faire figurer deux lutteurs : le Cubain Mijain Lopez et la Japonaise Kaori Icho, qui comptent respectivement cinq et quatre titres olympiques. 


Qui est le plus grand nageur de l'histoire des Jeux ? Au doigt mouillé, vous devriez tomber sur un tiercé Michael Phelps, Mark Spitz et Ian Thorpe. Le plus grand athlète ? Usain Bolt, Carl Lewis, Jesse Owens, probablement dans cet ordre. Alors que Teddy Riner va fouler les tatamis pour tenter d'aller chercher une nouvelle fois le Graal en judo, vendredi 2 août, on a essayé d'échafauder un classement des plus grands combattants de l'histoire des Jeux. Spoiler : notre Teddy national est très bien placé, au milieu d'une forêt de judokas. Le sport figure au programme olympique depuis 1964, plus d'un demi-siècle après la lutte et la boxe, mais avant le taekwondo, intégré en 1988.

Indicateur incontestable de l'excellence d'un judoka : le palmarès olympique. Les JO se déroulent tous les quatre ans, ce qui n'est pas le cas des championnats du monde (une fois tous les deux ans à l'époque de David Douillet, chaque année pendant le règne de Teddy Riner). Avec cinq titres olympiques, le Guadeloupéen apparaît donc en excellente compagnie, aux dessus de légendes de son sport comme Tadahiro Nomura et aux côtés du lutteur cubain Mijain Lopez qui a régné sur sa catégorie de 2008 à 2021, enchaînant une série inédite de quatre titres consécutifs.

En judo, Teddy Riner a dépassé Tadahiro Nomura, qui était jusqu'aux Jeux de Paris le seul triple champion olympique en individuel, remarque Frédéric Lecanu, ancien champion de France et multimédaillé européen. C'est "tout le challenge pour Teddy, dont le troisième titre a été acquis par équipes, à Tokyo", résume-t-il. En effet, une telle épreuve n'existait pas durant les Jeux auxquels a participé le Japonais (et une compétition olympique par équipes n'a jamais vu le jour en lutte et en boxe).

Frédéric Lecanu souligne en outre que la performance de Tadahiro Nomura mériterait de rester dans l'histoire, même si le Français l'effaçait du palmarès, lors de ces Jeux de Paris. "Il se trouvait dans une catégorie, les moins de 60 kg, qui l'astreignait à des régimes terribles", rappelle-t-il.

Autre indice de l'excellence de Teddy Riner : le taux de victoires. Il s'élève à 96% (267 sur 278 affrontements), selon le site spécialisé JudoInside, qui ne prend en compte ici que les combats des grands rendez-vous internationaux. Seule une poignée de sportifs est classée au-dessus. Yasuhiro Yamashita est ainsi crédité d'un taux de 100% par JudoInside, un chiffre légèrement trompeur néanmoins, car la légende japonaise a été battue à plusieurs reprises lors de compétitions nationales.

De son côté, le lutteur russe Alexander Karelin semble pouvoir se targuer d'un fabuleux 99,7% de victoires, soit 887 sur 889 combats, d'après le site officiel des Jeux olympiques. Pour le site BoxRec, les boxeurs Félix Savon et Laszlo Papp atteignent, comme Teddy Riner, la barre des 96%. Il faut cependant considérer toutes ces données avec prudence. Il est en effet difficile d'avoir des chiffres 100% fiables, car pas toujours complètement disponibles pour les champions les plus anciens, et selon des critères de calcul parfois différents. 

Frédéric Lecanu, devenu consultant pour Eurosport, se méfie du reste des comparaisons entre les époques. "Ça reviendrait à comparer Platini, Zidane et Mbappé." Mais il propose une grille de lecture bien connue des judokas pour mesurer l'excellence de Teddy Riner par rapport à ses augustes devanciers : ce que les Japonais appellent le shin-gi-tai. En résumé, l'esprit, la technique et le corps. "Teddy Riner excelle dans les trois aspects, souligne-t-il. Pour l'aspect corporel, la nature l'a doté de dimensions naturelles hors du commun, avec un gabarit qui lui permet une allonge exceptionnelle."

"Quand il est affûté comme pour les Jeux (autour de 135 kg, alors qu'il peut monter jusqu'à 160 hors compétition), Teddy Riner dispose d'un rapport poids-puissance quasiment imbattable. Il fait du judo comme un poids léger, avec une vitesse d'exécution remarquable."

Frédéric Lecanu, consultant et ancien champion de France de judo

à franceinfo

Côté technique, Frédéric Lecanu salue un judo "classique", mais maîtrisé à la perfection. Niveau créativité, un David Douillet, qui était un vrai stratège, proposait des schémas plus originaux. Cependant, il faut aussi nuancer avec les techniques d'arbitrage qui ont considérablement changé en vingt ans. "Avant, on devait surtout faire tomber son adversaire, maintenant, faire tomber des pénalités sur l'adversaire fait aussi partie de la stratégie", souligne Frédéric Lecanu, qui peut se targuer d'avoir battu Teddy Riner deux fois en 2006, au début de la carrière du prodige

Un esprit sain dans un corps de char d'assaut

Reste le shin, l'esprit. Là encore, pour Frédéric Lecanu, aucun écueil en vue. "Depuis 2008, Teddy Riner est sur le podium à chaque compétition olympique. Il fait preuve d'une résilience hors du commun, quand d'autres seraient rassasiés", pointe le consultant. "Il fait partie du cercle très fermé des athlètes qui ont décroché le titre olympique après avoir été porte-drapeau [avec Marie-Jo Pérec, David Douillet et Clarisse Agbégnénou], et pourtant, c'est un surcroît de sollicitation énorme ! Et vous verrez que lui ne subira pas l'effet 'parc d'attraction' qui va toucher certains athlètes français pour ces Jeux à la maison." 

Cerise sur le gâteau, la longévité exceptionnelle de Teddy Riner chez les seniors, dans un sport fortement générateur de blessures, lui assure un siège à la table des plus grands. Derrière le controversé taekwondoïste Steven Lopez (suspendu plusieurs mois pour dopage, puis banni en raison d'accusations d'agressions sexuelles) et l'inoxydable Alexander Karelin, le champion français frôle les deux décennies de présence au plus haut niveau. Un parcours comparable à celui de la judokate japonaise Ryoko Tani, légende des moins de 48 kg, ou du boxeur cubain Teofilo Stevenson, qui a refusé un pont d'or pour affronter Mohamed Ali (et ainsi devenir professionnel, ce qui lui aurait fermé la porte des Jeux olympiques). Sa réponse aux promoteurs, rappelée par le site spécialisé The Ring , est entrée dans la légende : "Qu'est-ce qu'un million de dollars comparé à l'amour de huit millions de Cubains ?"

Frédéric Lecanu établit aussi un rapprochement entre Riner et le judoka Japonais Yasuhiro Yamashita, dont la carrière fut aussi brève que remarquable. Entre 1977 et 1985, le champion poids lourds est demeuré invaincu pendant 210 matchs, un record qu'a approché le Tricolore (154 succès de rang, soit dix ans d'invincibilité qui ont pris fin en février 2020). 

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