Ces villes qui ne veulent pas accueillir le Tour de France
Tous les maires rêvent de voir la Grande Boucle passer dans leur commune. Tous ? Non. Quelques villes, et pas des moindres, renâclent ou posent leurs conditions.
Chaque année, 200 villes se battent pour accueillir le Tour de France. Seule une trentaine sont retenues pour accueillir les 200 coureurs, la caravane publicitaire, les quelques milliers de suiveurs et les dizaines de milliers de spectateurs. Recevoir la Grande Boucle, le rêve de tout élu ? Presque. Certains ont dit non au grand barnum du vélo, pour des raisons différentes.
De l'électricité, des barrières et quelques faux frais
Le Tour de France fait peur. Tout particulièrement son cahier des charges, réputé drastique. Au point de constituer le cauchemar de tout adjoint à la voirie ? Cyrille Tricart, le directeur des relations avec les collectivités chez Amaury Sport Organisation (ASO), s'interroge : "Le cahier des charges tient dans un classeur et le document récapitulatif fait 40 pages. En schématisant, tout ce qu'on demande, c'est de l'eau, de l'électricité et des barrières. Notre but n'est pas d'assommer les collectivités." Une fois le parcours annoncé, des réunions se tiennent en préfecture entre ASO, le département et les élus pour définir le parcours et les éventuels travaux pour améliorer la route. "Christian Prudhomme, le patron du Tour, dit souvent que, grâce au Tour de France, des routes sont refaites alors qu'elles ne l'auraient jamais été", confie Baptiste Maurin, Monsieur Tour de France auprès de l'Association des départements de France.
Sur le papier, c'est simple. Dans les faits, de nombreuses villes qui accueillent les arrivées effectuent des travaux sur les îlots centraux, les dos d'âne et les ronds-points, comme à Nancy en 2014. De quoi faire tripler la facture. En effet, on ne peut pas faire arriver le Tour n'importe où. Pour l'arrivée d'une étape de plaine, il faut une route d'au moins 6,5 mètres de large pour laisser passer un peloton lancé à 70 km/h. Pour une ville comme Beaune, 25 000 habitants et un centre-ville médiéval, accueillir une arrivée signifierait voir les coureurs franchir la ligne dans une des zones commerciales qui jouxtent la ville. "Ce n'est pas vraiment ce qu'on aurait envie de montrer, explique Jean-Benoît Vuittenez, l'adjoint aux sports de la ville. Beaune n'est pas configurée pour le Tour de France."
Le problème se pose aussi dans des villes moyennes, comme Guéret ou Saint-Etienne. Et même à Bordeaux, neuvième ville la plus peuplée de France. L'arrivée de l'étape, en 2010, s'est déroulée sur les quais de la Garonne refaits à neuf. La carte postale était parfaite. Mais la route un rien étroite. "C'était juste en termes de largeur, reconnaît Arielle Piazza, l'adjointe aux sports. On s'est fait un peu peur."
"Le Tour nous coûterait plus qu'il ne nous rapporterait"
Beaune a fait son choix depuis longtemps. "Le Tour de France coûterait plus qu'il ne rapporterait à la ville, poursuit Jean-Benoît Vuittenoz, qui craint la facture d'éventuels travaux. Quand des villes voisines comme Autun ont accueilli le Tour, énormément d'équipes sont venues dormir à Beaune, car nous avons la capacité hôtelière. Les retombées, nous les avons déjà eues." Rares sont les villes qui ont suffisamment de chambres pour accueillir les 4 500 suiveurs que draine le Tour (coureurs, journalistes et organisateurs compris). Ainsi, dans les Pyrénées, mis à part Pau, seule ville à disposer d'un adjoint au maire chargé spécifiquement de la Grande Boucle, l'hébergement s'avère compliqué. "Pour les étapes qui s'achèvent dans l'est des Pyrénées, l'hébergement peut aller jusqu'à Toulouse", confie Cyrille Tricart.
S'il est faux de dire que le Tour est une mauvaise affaire, ce n'est pas forcément le jackpot vanté par ses organisateurs, qui parlent d'un retour sur investissement équivalent à six fois la mise. Deux études menées à Pau et à Metz montrent que les retombées directes équivalent à une fois et demie la mise de départ.
Le Tour ne fait plus rêver les mairies ? A Bordeaux, recordman de réceptions de la Grande Boucle derrière Paris, on veut faire tourner. En 2015, place au Tour de France... à la voile, au marathon nocturne et à l'inauguration du nouveau stade des Girondins, en 2016, à l'Euro de foot et, en 2018, à la Coupe du monde de handball. "C'est très diversifié et on y tient beaucoup, insiste Arielle Piazza, qui déposera un dossier uniquement pour 2017. Si nous avions le Tour cette année-là, on pourrait imaginer une arrivée près du nouveau stade, pour montrer le Bordeaux de demain." Et ainsi éviter de se faire des frayeurs.
"ASO abuse, beaucoup le pensent"
A Grenoble, le passage de la Grande Boucle, à l'été 2014, a laissé des traces. La nouvelle équipe municipale s'est retrouvée avec une ardoise bien supérieure au simple ticket d'entrée : 200 000 euros, entre les heures supplémentaires des services de la ville et la location de matériel. Tout ça pour un départ, la partie de la course qui n'est généralement pas retransmise à la télévision... A cause de sa situation géographique idéale, Grenoble est abonnée aux départs pour lancer les coureurs sur les cols mythiques des Alpes. Olivier Bertrand, l'adjoint au maire chargé des spectacles, veut alléger la facture : "Le Tour de France est dans une position hégémonique par rapport aux collectivités. Certains départements se mettent à plat ventre pour accueillir la course. ASO abuse : beaucoup le pensent. Nous, on l'assume et on le dit. Avec la baisse des dotations aux collectivités, ça m'étonnerait qu'il y ait toujours autant de villes candidates dans les prochaines années."
S'il souhaite accueillir à nouveau la Grande Boucle, Olivier Bertrand veut négocier le tarif à la baisse, ou mieux le répartir sur le département. Sans résultat pour le moment, mais il ne perd pas espoir. A Grenoble, devenue une métropole depuis le 1er janvier, le coût d'un prochain passage du Tour sera réparti entre les 49 communes de l'intercommunalité. Reste à enterrer la hache de guerre avec ASO. Ce qui n'est pas gagné, confie l'élu. "Pour cette année, ASO n'a pas réservé une seule chambre d'hôtel à Grenoble, mais dans les villes voisines. Une mesure de rétorsion ?"
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