Tapie devra rembourser si…
Avec la mise en examen du juge arbitre Pierre Estoup, la décision du tribunal arbitral favorable à l'homme d'affaires est de plus en plus menacée. Que faudrait-il pour qu'il rende les 403 millions d'euros qui lui ont été versés ?
Il le dit, il le répète, les soucis judiciaires de tous les protagonistes de l'affaire qui porte son nom ne le regardent pas. Pourtant, avec la mise en examen du juge arbitre Pierre Estoup, mercredi 29 mai, et le placement de son avocat en garde à vue, Bernard Tapie voit la décision du tribunal arbitral prise en sa faveur de plus en plus menacée. Et si ça n'est pas pour tout de suite, l'homme d'affaires, qui affirme ne posséder plus que 100 millions d'euros sur les 403 qui lui ont été versés, pourrait devoir rendre l'argent. Décryptage des étapes qui mèneraient à cette issue.
1… des faits nouveaux sont découverts
C'est exactement l'étape en cours, enclenchée par la mise en examen du juge arbitre Pierre Estoup. Elle signifie que les juges d'instruction disposent d'indices graves et concordants sur une éventuelle manipulation de la décision du tribunal arbitral en faveur de Tapie. D'abord, on sait maintenant que Pierre Estoup et Maurice Lantourme, avocat de Bernard Tapie, s'étaient déjà croisés au cours de trois autres procédures, sans signaler ce possible conflit d'intérêts, contrairement à l'obligation légale de révélation.
Ensuite, L'Express a découvert que le truculent homme d'affaires lui-même connaissait Pierre Estoup. Jusqu'à l'assurer de son "immense reconnaissance" et de son "affection" dans une dédicace, rédigée en 1998. Un message qui contredit les affirmations de Tapie. Ce dernier avait jusque-là répété, d'abord sur Europe 1 puis dans Le Parisien, n'avoir "jamais connu" le juge avant sa désignation dans ce dossier.
2… l'Etat se constitue partie civile
Afin de pouvoir obtenir un remboursement des sommes versées à Bernard Tapie après l'arbitrage, il faut que l'Etat lui-même se porte partie civile. Cela aussi est en cours, à en croire les informations du Canard enchaîné, mercredi 29 mai. L'hebdomadaire assure que le président de la République "a donné des instructions pour que l'Etat se constitue partie civile" dans ce dossier. De son côté, François Hollande a affirmé que "l'Etat défendra toujours ses intérêts".
Selon Le JDD, l'Etat attend d'abord que "le Consortium de réalisation (CDR), une société commerciale qui avait soldé le passif entre le Crédit lyonnais et Bernard Tapie à propos de la vente d'Adidas, et l'Etablissement public de financement et de restructuration [EPFR] qui le contrôle" se portent partie civile pour leur emboîter le pas. Cela lui permettra de prendre connaissance des éléments du dossier et, le cas échant, de déposer une demande de recours en révision.
3… un recours en révision est déposé devant la cour d'appel
"Concrètement, ce n'est pas à l'Etat directement de porter ce recours mais au CDR, qui obéira à son entité de tutelle, l'EPFR, lui-même dépendant du pouvoir public", détaille Le JDD. C'est la seule possibilité car le recours en annulation, l'autre option pour casser une telle décision, est épuisé. C'est d'ailleurs ce qui est reproché à Christine Lagarde : immédiatement après l'annonce de la décision arbitrale en juillet 2008, la ministre de l'Economie avait demandé par écrit aux administrateurs de l'Etat de s'exprimer en défaveur d'une telle démarche. Et ce en dépit de la contestation et les soupçons d'irrégularités qui montaient déjà. Malgré l'explosion publique du scandale en octobre de la même année, la ministre avait campé sur ses positions.
4… on patiente un peu
"En cas de saisine, la cour d’appel statuera dans un délai d'un an", explique à francetv info Thomas Clay, professeur de droit et expert en arbitrage. Si elle annule la décision du tribunal arbitral, Tapie devra rembourser l'intégralité des sommes perçues.
Cependant, "l’invalidation de l’arbitrage ne mettra pas un terme au contentieux, qui devrait être à nouveau examiné par la justice", écrit Paris Match. Le dossier Tapie-Crédit lyonnais reprendrait alors son cours à partir de l'état dans lequel il se trouvait avant la désignation du tribunal arbitral, en 2006.
Par ailleurs, l'homme d'affaires n'a pas gardé les millions au chaud sur un unique compte. Il les a investis, ce qui complique considérablement leur saisie éventuelle. Enfin, la question de la prescription se pose. En l'absence de délai précis, c'est celui qui s'applique en droit commun qui fait référence, à savoir cinq ans. "Concrètement, cela situerait la prescription au 7 juillet 2013, dans un peu plus d'un mois", avertit 20 Minutes.fr.
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