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X-51A WaveRider : Paris-New York en moins d'une heure ?

L'armée américaine a tenté de faire voler mardi de faire voler un appareil hypersonique, capable de voler à 7 000 km/h pendant quelques minutes. L'expérience a cependant échoué.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Cette illustration de l'armée américaine montre le X-51A WaveRider, accroché à l'aile du B-52 qui doit l'emmener à 15 kilomètres d'altitude. (US AIRFORCE / AFP)

SCIENCES - "Je suis à l'aéroport de New York, là… J’arrive à Roissy dans moins d'une heure." Si cette discussion paraît improbable aujourd'hui, on pourra peut-être l'entendre d'ici une cinquantaine d'années. Mardi 14 août, pendant quelques minutes, la Nasa, l'US Air Force et la Defense Advanced Research Projects Agency américaine ont tenté de faire voler un appareil à 7 000 km/h, le X-51A.

Un vol expérimental qui a cependant échoué, puisque 16 secondes seulement après le lancement, l'avion n'était plus capable de maintenir son cap, le moteur s'est enflammé, et l'engin s'est finalement écrasé dans l'océan.

Ce projet militaire vise à produire des missiles à très haute vitesse. Mais certains imaginent déjà des vols commerciaux ultrarapides. Les constructeurs Boeing et Pratt & Whitney ont en effet participé à l'aventure. Cette nouvelle génération d'avions va-t-elle faire rétrécir la planète ? FTVi fait le point sur cette nouvelle technologie et ses possibles applications.

Le X-51A, la gloire avant le plongeon

Première surprise : les ailes de l'engin sont extrêmement courtes. Long d’environ huit mètres, le X-51 a d'ailleurs un faux-air de fusée au nez aplati. Et, seconde surprise, il n'y a pas de pilote dans l'avion. Avant son départ, le 14 août, un porte-parole de la base américaine de lancement, Kenji Thuloweit, a détaillé à l’AFP les trois étapes du test :

• départ depuis la base d’Edwards, en Californie. Accroché sous l’aile d’un bombardier B-52, le X-51 est lâché à 15 000 mètres d'altitude, dans un corridor dédié aux tests aéronautiques ;

• un moteur, d’habitude réservé aux missiles, propulse ensuite l’appareil à plus de 5 000 km/h ;

• à partir de là, le X-51 montre ce dont il est capable. Un statoréacteur prend le relais, lui permettant de fendre les cieux à Mach 6 (six fois la vitesse du son), à 21 000 mètres d'altitude. A ce niveau, la chaleur est extrême. L’engin est recouvert de tuiles isolantes, semblables à celles qui couvrent les orbiteurs de la Nasa. Après cinq petites minutes de vol, l'appareil s'abîme en mer, où il est abandonné.

Le constructeur Pratt & Whitey a conçu le moteur de l’avion. Une vidéo explique les différentes phases qui permettent de propulser l’aéronef.

Le statoréacteur, arme secrète de l'armée américaine

Contacté par FTVi, Jean-Michel Bück, ancien président de l'Académie de l'air et de l'espace, livre le secret du X-51A : son statoréacteur. "Ce sont des moteurs à réaction qui ont pour particularité de n’avoir aucune pièce mobile." 

Pour fonctionner, le système doit atteindre une certaine vitesse. Ensuite, "l’air arrive par une entrée avant d'être comprimé. Lorsque la pression est au plus haut, on injecte du carburant, ce qui dégage de l’énergie", explique Jean-Michel Bück. "En sortant, cette énergie est dégagée par une tuyère qui pousse très, très fort. Ça permet d’atteindre des vitesses incroyables, puisqu'il n’y a plus de turbine et donc plus de limite mécanique." Ce "tube d'air" permet à l'appareil de glisser dans le ciel, simplement bercé par l'onde qu'il a lui-même créée. Ce qui lui vaut le surnom de WaveRider ("qui glisse sur la vague"). 

Si "les Américains se sont remis à travailler sur les statoréacteurs, c’est parce qu’ils souhaitent avoir des missiles très rapides", explique Jean-Marie Bück. Le blog Big Browser rappelle que le Pentagone a testé une bombe volante hypersonique (d'une vitesse supérieure à Mach 5), en novembre 2011. Plus tôt, en août 2011, il avait lancé un planeur volant à 27 000 km/h. La tentative s’était soldée par un échec.  

Plutôt qu’une utilisation commerciale, les militaires visent donc à développer des missiles de croisière à grande vitesse. La technologie pourrait aussi bénéficier aux avions de reconnaissance, aux frappes à longue portée ou au transport à longue distance et grande vitesse. 

Une technologie née en France il y a 50 ans

Dans les années 60, des ingénieurs français avaient déjà fourni plusieurs prototypes équipés de statoréacteurs. Parmi la demi-douzaine de pilotes à les avoir testés figure André Turcat, aujourd’hui âgé de 90 ans. Avec le Griffon, ce pionnier a battu le record du monde de vitesse sur 100 kilomètres en 1959, en atteignant Mach 2,19.

Contacté par FTVi, il se souvient d’une "poussée considérable, unique, à l’allumage du statoréacteur" en relais du turboréacteur. "Lorsqu’on atteignait 18 000 mètres de haut, il fallait retourner l’avion sur le dos et tirer fort sur le manche pour se retrouver en piqué. Ensuite, on pouvait couper le statoréacteur pour revenir en turbo, avec un ralentissement soudain."

Mais sur un vol d’une demi-heure en ligne droite, le Griffon avalait 1 500 litres de carburant. "Il est parfois arrivé d’en manquer pour rentrer à Istres. Du coup, on se posait à Orange, où les pilotes de chasseurs venaient voir cet appareil étrange avec un énorme bidon." A l’époque, le gouvernement privilégie finalement les travaux de la société Dassault. Les recherches sont abandonnées.

"Imaginer un vol commercial relève aujourd'hui du fantasme"

Ces nouveaux travaux piquent la curiosité des acteurs de l'aviation civile. Interrogé par la BBC (en anglais), le vice-président du groupe industriel aéronautique et spatial EADS, Peter Robbie, explique qu'un voyage "de Tokyo à Paris en seulement 2h30 peut séduire les hommes d'affaires et les politiques". "Je pense qu'autour de 2050, il pourrait y avoir un avion commercial viable", ajoute-t-il. Déjà, durant l'été 2011, le constructeur européen avait dévoilé un projet d'avion commercial capable d'ateindre Mach 4.

Mais Pierre Sparaco, journaliste et membre de l'Académie de l'air et de l'espace, préfère garder les pieds sur terre. Contacté par FTVi, il se dit "pour le moins perplexe" face à ces annonces. "La poussée spectaculaire de l'avion est obtenue au prix d’une consommation de carburant irréaliste pour toute application civile", note-t-il. Avec des ressources en pétrole coûteuses et limitées, l'avenir de ces vols commerciaux ultrarapides semble donc compromis. "La tendance générale du transport aérien va à l’encontre de ce type d’appareils. A moins d'une découverte qui permette de diminuer la consommation de carburant par 10 ou 20, imaginer un vol commercial relève aujourd'hui du fantasme."

L'autre grande difficulté réside dans la fiabilité de ces appareils. "Il est quasiment impossible d'en réguler la puissance. Ce sont des engins dangereux. Il faut prévoir une autodestruction au cas où ils ne seraient plus contrôlés", prévient Sparaco. En attendant, il n'est pas pas interdit de rêver.

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