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Affaire Armstrong : la roue de la fortune est-elle en train de tourner ?

Après avoir perdu ses sept Tours de France, le coureur texan risque d'avoir de sérieux ennuis judiciaires. Et ils pourraient lui coûter très cher.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'ancien coureur cycliste américain Lance Armstrong, le 28 juillet 2011 à Aspen, (Colorado, Etats-Unis). (LYNN GOLDSMITH / SIPA / REX)

SPORTS - Publié mercredi 10 octobre, le rapport de l'agence américaine antidopage (Usada) sur les pratiques dopantes de Lance Armstrong et de ses équipes entre 1998 et 2011 ont fait des dégâts. Les sept Tours de France du coureur texan pourraient lui être retirés, l'obligeant à rembourser ses primes de victoires, il se retrouve menacé de procès potentiellement très couteux... Et ça n'est que le début d'un long feuilleton juridico-financier qui pourrait s'étendre sur des années. Lance Armstrong a-t-il la surface financière pour tenir ?

Lance Armstrong touché...

L'actualité de Lance Armstrong risque fort de se dérouler au tribunal les prochaines années.

• Armstrong contre le Tour de France. Il est possible que les organisateurs du Tour de France lui demandent de rembourser ses primes de victoire, autour de 3 millions d'euros.

• Armstrong contre le Sunday Times. Le vieux contentieux entre le coureur et le journal pourrait rebondirEn 2005, le journaliste David Walsh écrit un article reprenant les révélations de L'Equipe et retranscrites ici par le site Cyclisme-dopage. L'Equipe avait fait analyser les échantillons du coureur lors du Tour 1999 en 2005, une fois l'EPO détectable. Conclusion : Armstrong était positif, à plusieurs reprises. Autre point d'achoppement, le journal a publié de larges extraits du livre à charge L.A. Confidential, les secrets de Lance Armstrong, écrit par le même David Walsh et un journaliste français, Pierre Ballester. Pour ces deux publications, Armstrong a donc assigné le Sunday Times, a gagné, et forcé le journal à lui verser 800 000 euros environ en compensation.

Dans l'édition du dimanche 14 octobre (consultable ici), il est écrit noir sur blanc que le Sunday Times "s'interroge sur la manière dont il peut récupérer son argent". Curieusement, l'aura judiciaire d'Armstrong n'a jamais franchi la Manche : L.A. Confidential est paru en France mais pas en Grande-Bretagne, et L'Equipe a gagné contre Armstrong devant les tribunaux.

La une du supplément "sports" du "Sunday Times" du 14 octobre 2012.  (THE SUNDAY TIMES)

• Armstrong contre son ex-assureur. Armstrong pourrait voir la société qui assurait l'équipe US Postal au début des années 2000 se retourner contre lui. Le coureur avait négocié auprès de la compagnie SCA Promotions qu'elle lui verse des bonus en cas de victoire dans le Tour, des bonus progressifs en cas de victoires consécutives. C'est ce qui s'est produit - sept victoires de suite entre 1999 et 2005 - mais la société a renâclé à payer, après les révélations du livre L.A. Confidential. Armstrong a finalement obtenu 7,5 millions de dollars (5,8 millions d'euros) devant la justice. Une somme que l'assureur aimerait bien récupérer, une fois Armstrong officiellement déchu de ses titres, avec des dommages et intérêts.

• Armstrong contre ses anciens équipiers ? Certains des anciens équipiers d'Armstrong ont subi des pressions, des menaces pendant ou après leur carrière. Tyler Hamilton veut coopérer avec l'agence antidopage ? Armstrong lui déclare : "Quand tu vas témoigner, je vais te déchirer. Tu as l'air d'un putain d'idiot. Je vais faire de ta vie un putain d'enfer." Un médecin de son équipe parle dans la presse ? Il est éjecté. Des coéquipiers envisagent de témoigner ? Ils sont renvoyés de l'équipe séance tenante. Autant d'exemple du "système mafieux" dénoncé par l'Usada. Des procès en diffamation sont possible, estime Michael McCann, directeur de l'Institut du droit du sport à l'université américaine du Vermont.

• Armstrong en prison ? Ajoutez à cela la possibilité de poursuivre Armstrong pour parjure - il a déclaré sous serment ne s'être jamais dopé en 2004 (rapport de l'Usada, p.146-147) - et l'addition pourrait grimper assez vite. Pour obstruction à la justice et parjure dans une affaire de dopage, le joueur de base-ball Barry Bonds a frôlé les 30 ans de prison, mais n'a été condamné qu'à des travaux d'intérêt généraux assortis d'une faible amende, note Radio Canada.

... Mais pas coulé

Lance Armstrong lors d'une compétition de triathlon, à Hawaii, le 23 octobre 2011.  (HUGH GENTRY / REUTERS)

Ce serait oublier un peu vite que le coureur américain dispose d'une formidable machine de guerre. D'après le magazine américain Forbes, Lance Armstrong engrangeait en 2009 autour de 10 millions d'euros annuels en sponsoring. Sa fortune personnelle frôle la centaine de millions. Sa fondation contre le cancer, Livestrong, constitue un bras armé extrêmement puissant.

Non content d'avoir écoulé 84 millions des fameux bracelets jaunes et d'avoir amassé 500 millions de dollars de dons depuis 1997, elle assure au coureur texan le soutien de Nike, son sponsor de toujours, associé à Armstrong dans Livestrong, et une image de philanthrope difficilement attaquable aux Etats-Unis.  

Un succès qui ne risque pas de se démentir. Une étude américaine montre que bien des personnalités ont deux faces parfaitement dissociées dans l'inconscient collectif. "Ceux qui continuent à soutenir Lance Armstrong se focalisent uniquement sur ses efforts pour récolter des fonds pour la recherche contre le cancer. Les accusations de dopage ne les intéressent pas." Nombre de fans de cyclisme voient le rapport de l'Usada comme une "vendetta" et soulignent qu'"il n'a tué personne", comme le rapporte Wired. Pour preuve : le jour où sont tombées les accusations de l'Usada, les dons en faveur de Livestrong ont été multipliés par 25, comme l'annonçait le coureur américain sur Twitter. 

Les avocats du Sunday Times, de SCA Promotions, de l'Usada et des autres plaignants éventuels contre Armstrong peuvent se préparer à une longue bataille médiatique et judiciaire : si le coureur est atteint, l'homme demeure populaire, et dispose de fonds conséquents pour faire monter au front les meilleurs avocats. 

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