A Marseille, le retour aux affaires de Bernard Tapie inquiète
La cité phocéenne s'interroge sur les intentions politiques de l'ancien patron de l'OM, qui a mis la main sur le quotidien régional "La Provence".
Bernard Tapie devient patron de presse. Les banques créancières du Groupe Hersant Médias (GHM), dont la dette atteindrait 215 millions d'euros, ont accepté mercredi 19 décembre l'offre de l'homme d'affaires. L'annonce a été faite officiellement aux journalistes de La Provence, indique Libération.
L'ancien ministre met ainsi la main sur ce titre de presse quotidienne régionale mais également sur Nice-Matin, Var-Matin, Corse-Matin, ainsi que plusieurs titres des Antilles. L'ancien ministre et la famille Hersant (c'est-à-dire Philippe Hersant, président de GHM, ainsi que sa sœur et son frère) avaient déposé fin novembre une offre à 50-50, moyennant un total de 50,5 millions d'euros pour reprendre GHM.
Un accord devait être signé le 7 décembre, mais l'ex-patron de l'OM avait finalement renoncé après une offre de 48 millions d'euros déposée en dernière minute par le groupe belge Rossel, qui a été finalement rejetée. Bernard Tapie a donc réactivé son offre mardi, dans une lettre dont Libération a eu copie. Mais son retour inquiète.
Sur un retour en politique
Ce retour aux affaires n'est pas vu par tous d'un bon œil, et perçu par certains comme un premier pas dans la course à la mairie de Marseille. "Il y a de grandes interrogations et beaucoup d'inquiétudes chez les journalistes. Quels sont les réels projets pour notre groupe de messieurs Tapie et Hersant ? Quelles sont les intentions politiques de monsieur Tapie ?", a souligné mercredi soir Serge Mercier, élu au comité d'entreprise de La Provence.
Pourtant, dans sa lettre, Tapie "s'engage" à "ne pas postuler à quelque mandat électoral que ce soit". Mais il ne rejette pas totalement un possible revirement. S'il ne tient pas cette promesse, "un processus de cession de la totalité de (ses) actions sera organisé (…), le produit de cette vente étant alloué à une association caritative de (son) choix". Un proche collaborateur du maire de Marseille ne croit pas à ce retour en politique. Il affirme dans l'édition de jeudi de Libération que "sa période est passée". "S'il vient, c'est surtout qu'il y a des sous à faire", dit-il.
Le deputé des Bouches-du-Rhône Patrick Menucci, président du groupe socialiste au conseil municipal de Marseille, a lui aussi dit son inquiétude de voir arriver l'homme d'affaires à la tête du journal. "On n'a pas besoin de Bernard Tapie, a-t-il confié jeudi à France Info. La Provence, c'est un journal qui était équilibré, et on connaît les pratiques de Bernard Tapie. On peut s'inquiéter aujourd'hui, quand on est marseillais." Il rappelle que l'ancien ministre "en a licencié des gens dans sa vie". "C'est quelqu'un qui n'a jamais rien apporté à Marseille, il n'a pas créé une entreprise, pas un emploi", affirme le vice-président délégué du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Sur l'indépendance de la presse régionale
Emmanuel Vire, président du Syndicat national des journalistes-CGT, regrette aussi cette solution. "La famille Hersant, après tout le mal qu'elle a fait à ses titres (…), reste dans la course et ce qui nous navre le plus, c'est que le nouveau gouvernement ne réagit pas", expliquait-il jeudi à France Info.
Surtout, il s'inquiète des conséquences de cette reprise sur l'indépendance de la presse. "On appelait à une loi pour l'indépendance des rédactions et [destinée à] revoir les systèmes anticoncentration dans la presse. D'ici deux-trois ans, l'ensemble de la presse quotidienne régionale sera aux mains de quatre groupes en France. C'est très dangereux pour la démocratie et pour le pluralisme de notre pays."
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