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Comment les Britanniques nous mettent K.-O. aux JO

En dix jours, le Royaume-Uni a glané plus de médailles d'or que la France lors des trois dernières éditions des Jeux olympiques... Quel est son secret ?

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le nageur Michael Jamieson, second du 200 m brasse, fête sa médaille d'argent au bord du bassin olympique, le 1er août.  (ALEXANDER VILF / RIA NOVOSTI / AFP)

JO 2012 - Le Royaume-Uni a remporté 48 médailles, dont 22 d'or, après dix jours de Jeux olympiques. C'est d'ores et déjà un total inaccessible pour la France, même si Christophe Lemaitre, Renaud Lavillenie et les sports collectifs faisaient des merveilles. L'équipe britannique, en troisième position au classement général, fait déjà mieux qu'à Pékin et lorgne maintenant vers son record... des Jeux de 1908, comme le montre cette infographie du Guardian. Comment expliquer ces résultats exceptionnels ? 

Jeux à la maison = jusqu'à 54% de médailles en plus

Certes, les Jeux ont plombé les commerçants londoniens et vont coûter un rein au contribuable britannique. Mais par ailleurs, organiser les JO assure toujours un excellent total de médailles au pays organisateur. D'après la Tuck School of Business, le Royaume-Uni devrait finir avec 62 médailles dont 25 d'or, contre 47 en tout à Pékin. Une autre étude, menée par Goldman Sachs, estime que le pays organisateur glane, en moyenne, 54% de distinctions de plus, ce qui donnerait 72 médailles aux sujets de sa Gracieuse Majesté. "J'entends dire que la Grande-Bretagne va remporter 70, 90 médailles. Je n'ai jamais pensé que c'était possible", s'est inquiété le ministre des Jeux olympiques (si, ça existe) cité par le site spécialisé Inside the games. Selon un sondage, 50% des Britanniques s'attendent à ce que leur délégation termine à la troisième place du classement des médailles, derrière les intouchables Chine et Etats-Unis, mais devant des cadors comme la Russie.

L'important, ça n'est plus de participer

La performance stratosphérique des Britanniques n'arrive pas de nulle part. Depuis le cataclysme des Jeux d'Atlanta, en 1996 (une malheureuse médaille d'or et quinze pauvres breloques au total), le comité olympique national a nettement relevé la barre des minima et a lancé une politique pour désacraliser l'événement. "L'équipe britannique a fait de la sélection aux Jeux olympiques un non-évènement, pour enlever de la tête des athlètes l'idée que recevoir le maillot britannique aux Jeux valait une médaille d'or", peut-on lire dans le livre The Secret Olympian. Et ça marche : le Royaume-Uni n'envoie plus de touristes aux Jeux olympiques... La natation française a appliqué une politique similaire, également après 1996, et là aussi avec succès. 

Les rameuses Sophie Hosking et Katherine Copeland après leur médaille d'or en aviron, le 4 août.  (DAMIEN MEYER / AFP)

Le système scolaire britannique est mis à contribution, notamment les universités où les athlètes disposent de structures de dernière génération. Par exemple, l'université de Bath, dans l'ouest du pays, s'enorgueillit sur son site d'être le camp de base de l'équipe britannique de pentathlon moderne, de plusieurs nageurs médaillés (l'université dispose d'une piscine olympique), de la première judoka britannique médaillée depuis des lustres ou d'une partie de l'équipe d'aviron, elle aussi médaillée. D'après une étude de BUCS, l'organisme qui chapeaute le sport universitaire au Royaume-Uni, 65% des médaillés d'or depuis les Jeux de Barcelone en 1992 sont passés par l'université.

Plus riche, plus scientifique, plus sélective

Le New York Times a calculé, dans un article récent, combien de médailles pouvait obtenir un pays pauvre, en se concentrant sur certains sports peu concurrentiels et à faible coût. C'est exactement le raisonnement qu'ont tenu les stratèges britanniques il y a une dizaine d'années. Ainsi, ils ont mis toutes les chances de leur côté pour briller en cyclisme sur piste : grâce à un financement assuré par la loterie nationale, le cyclisme d'élite britannique dispose d'un budget bien supérieur à celui des pistards français, note le site spécialisé The Inner Ring (en anglais). Sans parler du fait que les Britanniques disposent d'un vélodrome couvert de niveau mondial, contrairement à la France. Résultat : les athlètes d'outre-Manche ont remporté raflé presque tous les titres de la discipline. 

Le Royaume-Uni a mis en place un programme de soutien massif aux 1200 sportifs susceptibles de pouvoir décrocher une médaille. "Nous nous concentrons uniquement sur ces athlètes pour cibler notre investissement", explique la plaquette du programme UK Sport (PDF en anglais). Cette stratégie s'accompagne d'une candidature à un maximum d'événements sportifs pour améliorer sans cesse les infrastructures, comme le vélodrome olympique de Manchester, conséquence d'une candidature ratée pour l'accueil de précédents Jeux olympiques. 

Depuis, la délégation britannique diffuse un programme prévisionnel des médailles espérées : ainsi, en athlétisme, ils espèrent entre 5 et 8 médailles (ils ont déjà 3 médailles d'or, une d'argent et une de bronze) et en cyclisme sur piste entre 6 et 10 (déjà 9 d'obtenues). Ces sports sont ceux où les investissement les plus importants ont été effectués.

Jason Kenny lève les bras après avoir franchi la ligne d'arrivée de la poursuite individuelle en tête, le 6 août.  (ODD ANDERSEN / AFP)

La méthode britannique va faire des petits

Ça cogite déjà côté australien pour copier la stratégie de la Grande-Bretagne. Les Aussies réalisent leur pire JO depuis des décennies, avec deux malheureuses médailles d'or après la semaine de natation, traditionnellement leur force. Il n'y a guère que la sprinteuse Sally Pearson, favorite sur 100 m haies, qui a sauvé l'honneur. "Nous réfléchissons à une stratégie pour mieux investir notre argent. Nous allons y réfléchir après les Jeux. Il faut quatre ans, parfois huit, pour mettre en place une stratégie", note Nick Green, sur Yahoo UK.

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