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Corée du Nord : "Le téléphone rouge a déjà été coupé cinq fois"

Pour l'historien Pierre Rigoulot, les déclarations menaçantes de la Corée du Nord ne sont qu'un nouvel épisode d'une escalade avant tout rhétorique.

Article rédigé par Gaël Cogné - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une image des troupes nord-coréennes transmise par l'agence officielle KCNA. (KCNA / REUTERS)

"A partir de maintenant, toutes les communications militaires Nord-Sud seront coupées. (...) Dans une situation où une guerre peut éclater à tout moment, il n'est plus besoin de maintenir" ces communications.

Les déclarations d'un responsable militaire nord-coréen à l'agence officielle KCNA, mercredi 27 mars, font frémir. D'autant qu'elles s'inscrivent dans une succession de menaces à l'encontre de la Corée du Sud, du Japon, mais aussi des Etats-Unis depuis quelques semaines. Pourtant, l'escalade reste avant tout rhétorique, analyse Pierre Rigoulot, historien, directeur de la revue Histoire et liberté, et auteur des Aquariums de Pyongyang (éd. Robert Laffont).

Francetv info : La Corée du Nord a annoncé qu'elle avait placé son armée en ordre de combat et demandé à ses unités spéciales "stratégiques" de se préparer à d'éventuelles frappes contre les Etats-Unis. Que se passe-t-il entre Pyongyang et Washington ? 

Pierre Rigoulot : Il ne se passe rien de particulier. Côté américain, il y a eu des manœuvres avec les Sud-Coréens, comme chaque année. Et, comme chaque année, les Nord-Coréens menacent.

On semble l'avoir oublié, mais ils ont déjà menacé Séoul d'être noyée dans un "océan de flammes". Ils ont toujours eu ce style un peu poétique. Cette fois, ils disent que leur armée réagira "à la vitesse de la lumière".

Pas de risque de frappe nucléaire, donc ?

La plupart des experts balistiques ou en armement nucléaire estiment qu'ils n'ont pas les moyens de frapper l'Amérique continentale. Pour Hawaï, c'est peu probable.

Cette fois, ils ont rapproché les cibles en citant Guam et le sud-est de l'île d'Okinawa, au Japon. Mais les Nord-Coréens savent qu'ils seraient immédiatement vitrifiés après une attaque contre les Etats-Unis.

Pourquoi alors brandir ces menaces ? 
 
Elles ont quelque chose d'épisodique. Les mots sont plus ou moins durs. Certes, cette fois, c'est assez violent, on parle de couper le téléphone rouge qui intervient en cas de problèmes d'urgence. Mais, en même temps, il a déjà été coupé cinq fois sans dommage depuis les années 70.

Tout cela a un côté très théâtral, mais il ne faut pas oublier que la Corée du Nord est le rejeton d'une longue lignée du monde communiste. Ce camp est capable de faire monter la tension, mais il s'est toujours prudemment arrêté. On se souvient notamment de Nikita Khrouchtchev, pendant la crise des missiles, à Cuba, en 1962. Si vous voulez faire du mal, il y a une grande capitale, Séoul, qui est à seulement 50 kilomètres. Pas besoin d'atteindre les Etats-Unis.

Il y a des hauts et des bas, des périodes favorables et des périodes défavorables. Je suis certain que dans trois mois, les choses iront mieux. 

Ces menaces peuvent-elles répondre à des impératifs de politique nationale ?
 
En effet, je me demande quelle est l'utilité pour un jeune dirigeant (Kim Jong-un) de 28 ans de mener un discours aussi va-t-en guerre. Peut-être cherche-t-il à montrer qu'il est capable de diriger l'armée, de prendre la suite de son père et de son grand-père. C'est une hypothèse, mais Kim Jong-un est jeune. Il n'a pas été formé très longtemps. Son père avait été désigné comme le successeur une vingtaine d'années avant sa prise de fonction. Kim Jong-un a été propulsé un peu vite.

Deuxième hypothèse : pourquoi y a-t-il une telle insistance sur le rôle de l'armée ? On peut s'interroger sur d'éventuels conflits entre différentes factions. Peut-être faut-il montrer ses muscles, avec une volonté de faire la part belle à l'armée.

Et puis il ne faut pas oublier que le pays n'est pas en paix, et que seul un armistice a été signé entre la Corée du Nord et la Corée du Sud.
 

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