ENTRETIEN. Coupe du monde 2022 : "C'est la finale rêvée", se réjouit Youri Djorkaeff avant l'affrontement entre la France et l'Argentine
Ambassadeur pour la Fifa, Youri Djorkaeff est à Doha pour vivre l'épopée de l'équipe de France en Coupe du monde, qui n'est pas sans lui rappeler celle de 1998 vécue avec la "génération 98" lors du Mondial en France. Jeudi, le "Snake" participait à un tournoi de football à cinq avec d'autres anciennes gloires du ballon rond. Après l'un de ses matchs, Djorkaeff a accepté de donner son avis sur la finale de la compétition, qui aura lieu dimanche entre l'Argentine et la France. S'il admire le parcours de l'Albiceleste, Djorkaeff semble confiant sur l'issue de cette finale pour l'équipe de France de son ancien coéquipier et ami, Didier Deschamps.
franceinfo: sport : Qu’est-ce que vous inspire une telle finale entre la France et l'Argentine ?
Youri Djorkaeff : "Ça va être un grand moment de football. Au vu de la compétition, c'est sûrement la finale rêvée, même si on attendait le Brésil en finale. L’Argentine a beaucoup souffert depuis le départ. Elle s’est beaucoup accrochée, a beaucoup joué avec son cœur et ses tripes. Je trouve qu’en demi-finale, elle s’est libérée, en faisant un gros match contre la Croatie. En termes d’individualités, il y a Messi qui est là, qui nous a enchantés. On voulait le voir en finale. Et puis il y a l’équipe de France, qui pour moi a été l’équipe la plus régulière, la plus séduisante de ce tournoi, la plus solide aussi. C'est une finale qui arrive au bon moment parce que ces deux équipes sont au top, même si l’équipe de France a souffert contre le Maroc. C’est normal de souffrir un peu. Elle a aussi souffert contre l’Angleterre et elle a battu les deux équipes. Je crois que c’est de bon augure pour cette finale."
Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans cette équipe de France ?
"La fluidité. Depuis le match contre l’Australie, même après avoir concédé le premier but, il y a eu une espèce d’alchimie entre les jeunes, les moins expérimentés, les leaders, qui s’est sentie d’entrée. Je pense que l’équipe de France a été la plus régulière de tout le tournoi. Le match contre la Tunisie a été un révélateur pour savoir qui sont les titulaires et ceux qui ne le sont pas. La défaite a peut-être fait du bien à tout le groupe. L’équipe de France est bien concentrée, elle n’a rien lâché contre le Maroc même quand elle a marqué après cinq minutes, et elle pratique un super jeu."
"Mbappé a fait des matchs intéressants contre l’Angleterre et le Maroc, en faisant un autre travail qu’en début de Coupe du monde."
Youri Djorkaeff.
Vous retrouvez la patte de Didier Deschamps ?
"C’est vrai qu’on était un peu dans le brouillard après l’Euro [2021, élimination en huitièmes de finale contre la Suisse]. Il y a eu tellement de choses dans cet Euro qui nous ont laissé un goût amer. Et Didier a vraiment réussi un super virage, un superbe travail. Je pense qu’il est en phase avec son groupe, avec ses leaders, et ça se voit, ça se sent."
Que pensez-vous de la Coupe du monde d'Olivier Giroud ?
"Olivier a toujours été une pièce maîtresse en équipe de France. À un moment donné, il a été un peu oublié, injustement selon moi. Mais il n’a jamais baissé les bras. Il sait où est sa place, je suis très content qu’il ait autant marqué et qu’il soit super à l’aise. Il est vraiment précieux, c’est le point de référence offensivement, c’est lui qui oriente le jeu, c’est lui qui va presser. Sur les coups de pied arrêtés, il est toujours bien placé."
Qu'est-ce que vous inspire le duel à venir entre Kylian Mbappé et Lionel Messi ?
"C'est un duel de Ligue 1 (rires). C’est beau quand même, on a d’un côté Messi et de l’autre Mbappé. Pour le Paris Saint-Germain, c’est extraordinaire. Ce sont deux styles différents mais ce qui est bien, c’est que même si Mbappé n’a pas marqué lors des deux derniers matchs, il a quand même fait des matchs intéressants. Si Messi ne marque pas avec l’Argentine, je ne sais pas si son équipe fait les mêmes performances. Mbappé a fait de bons matchs contre l’Angleterre et le Maroc, en faisant un autre travail qu’en début de Coupe du monde."
Est-ce que vous retrouvez dans cette équipe de France des ingrédients qui ont fait les succès de 1998 et 2018 ?
"Si on fait un comparatif entre 2018 et 2022 : 2018, on sentait que c'était poussif par moments avec du bon et du moins bon. 2022, il y a une continuité, une vraie expérience des cadres et ça se sent. Il y avait peut-être moins de cadres en 2018. Là, il y a des gars qui sont déjà champions du monde et qui donnent le cap à suivre. C’est ce que j’aime dans cette équipe-là. Le comparatif qu’on peut faire avec 1998 et 2022, c’est cette volonté d’aller de l’avant, de se replier, de faire un bloc solide. Et cette envie de gagner."
"Vous vous rendez compte, quatre finales sur les sept dernières Coupe du monde ?"
Youri Djorkaeff.
On a la sensation que cette équipe de France est capable de s'adapter à toutes les situations. Quel est votre sentiment vis-à-vis de ça ?
"Ce n’est pas n’importe quoi, elle s’adapte très rapidement. Contre les Marocains, quand les Bleus ont tenté leurs sorties balle au pied, Griezmann a fait des appels en profondeur, ce qu’il n’a pas fait contre l’Angleterre. Et dès qu’il l’a fait, ça a fait sauter le verrou marocain. On ne s’attendait pas à ce qu’il fasse ces appels qui ont déstabilisé la défense marocaine. C’est ça l’équipe de France, avec un bon équilibre et quatre joueurs devant qui fonctionnent bien ensemble, et qui peuvent marquer à tout moment."
Y a-t-il des joueurs qui vous bluffent depuis le début de la compétition ?
"Sincèrement, je ne m’attendais pas à ce que Dembélé fasse ce travail offensivement, même si hier, on a attendu jusqu’à la 69e minute pour qu’il fasse une grande accélération, une grande chevauchée. Mais Dembélé fait un travail assez incroyable. Antoine [Griezmann] est fantastique. Et puis Tchouameni, je ne m’attendais pas à ce qu’il ait ce rôle-là, si jeune, de patron."
L'équipe de France a atteint la finale de la Coupe du monde pour la quatrième fois en 24 ans. Comment expliquer cette réussite ?
"Je pense qu’on avait en 1982 et 1986 des générations fortes, mais il fallait le déclic de 1998. Et ça s’est enchaîné ensuite. Je pense que c’est grâce au travail de nos clubs, de notre formation française. On peut être fier de ça. Vous vous rendez compte, quatre finales sur les sept dernières Coupes du monde ? En 1998, on avait zéro étoile. Peut-être que le 18 décembre, on en aura une troisième. Tous, Deschamps, les joueurs, les clubs qui se sont mis au niveau avec des ambitions. Le football français a vraiment progressé."
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