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Coupe du monde 2022 : mais que raconte le sélectionneur de l'Espagne Luis Enrique sur Twitch, où il répond aux internautes en direct ?

Depuis le début de la compétition au Qatar, le coach est présent tous les soirs sur la plateforme de streaming. Un exercice inhabituel, dans lequel il fait preuve de pédagogie sur les questions tactiques et d'une décontraction qui tranche avec les codes du monde du football.
Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le sélectionneur de l'équipe d'Espagne, Luis Enrique, s'exprime en direct sur la plateforme en ligne Twitch, le 3 décembre 2022, depuis la Coupe du monde au Qatar. (LUISENRIQUE21 / TWITCH)

On dit souvent de la France qu'elle compte 60 millions de sélectionneurs. Mais il n'y a que les 47 millions d'Espagnols qui ont l'occasion d'interroger directement l'entraîneur de leur équipe nationale sur ses choix, ses états d'âme ou le menu de son petit déjeuner. Depuis le début de la Coupe du monde au Qatar, Luis Enrique passe en effet une heure, tous les soirs où l'Espagne ne joue pas, sur la plateforme de streaming Twitch (également investie par franceinfo). Il se filme en direct (en espagnol), raconte la journée de son équipe et répond aux questions des spectateurs, qui sont des centaines de milliers à le suivre.

Un exercice inédit dans l'histoire du foot, un peu improvisé de son propre aveu, dans lequel l'ancien coach de Barcelone montre sa science tactique, mais aussi son franc-parler. En attendant que Didier Deschamps s'y mette, franceinfo vous résume ce que vous ratez, avant le huitième de finale de l'Espagne face au Maroc, mardi 6 décembre.

Il donne des leçons tactiques et justifie ses choix

Devant son écran, Luis Enrique parle de beaucoup de choses, mais avant tout de football. Lors de sa session du 30 novembre par exemple, il a pris le temps d'expliquer ce qu'il attend d'un gardien ("il doit être quasiment comme un joueur de champ" quand il a la balle au piedou encore pourquoi il préfère que ses défenseurs prennent le risque de passes courtes ("Je sais que les gens pensent 'bon, quand on gagnera 1-0, tu balances [le ballon] le plus loin possible'. Mais en 20 secondes, le ballon revient").

Sa candeur pour répondre aux internautes tranche avec son attitude en conférence de presse où, comme beaucoup de sélectionneurs, il est parfois réticent à répondre aux questions sur le jeu de son équipe, surtout quand elles sont critiques. Luis Enrique entretient une relation notoirement tendue avec une partie de la presse espagnole, notamment celle de Madrid, qui le soupçonne de préférer les joueurs du FC Barcelone à ceux du Real. Ces mêmes journalistes lui ont reproché le temps passé sur Twitch, qui l'empêche de regarder en direct la première mi-temps des matchs de 20 heures. "On télécharge les matchs et on les regarde le lendemain", assure Enrique.

Il défend le football comme un jeu et un spectacle

Sélectionneur d'un pays amoureux de beau jeu, Luis Enrique défend aussi dans ses streams une certaine philosophie du football. "La première chose qu'ils devraient enseigner aux entraîneurs dans les cours d'entraîneurs, c'est que c'est un spectacle", plaide-t-il, soucieux de satisfaire le public. S'il est chargé de ramener l'Espagne au sommet, tous les moyens ne sont pas bons pour y parvenir. "Le résultat n'est pas la seule chose qui compte" et le chemin du beau jeu "est beaucoup plus gratifiant pour un joueur".

Certaines de ses réponses les plus remarquées ne concernaient d'ailleurs pas le football professionnel mais s'adressaient aux parents et aux éducateurs, au sujet de la pression excessive placée sur les jeunes footballeurs. "Etre footballeur professionnel n'est pas une chose que vous pouvez planifier", prévient-il. 

"Il est très important de laisser votre enfant s'amuser. Ne vous mêlez pas du travail de l'entraîneur, n'accablez pas l'enfant, qu'il marque des buts ou non."

Luis Enrique

sur Twitch

Une vision décontractée du football qu'il applique à toutes les questions, notamment celles, récurrentes chez son jeune public, sur la sexualité des joueurs. S'en inquiéter est "une idiotie", tranche-t-il, balayant certains principes vieux jeu sur le besoin de préserver leur énergie. "Bon, si vous faites une orgie à la veille d'un match, c'est évident que ce n'est pas la meilleure chose. (...) Mais quand les joueurs dorment à la maison, je me fiche de savoir s'ils ont des relations sexuelles ou non. Chacun fait ce qu'il veut dans son couple, avec sa femme ou avec qui il veut."

Il plaisante sur le petit ami de sa fille, attaquant de la sélection

Le plus souvent seul face aux commentaires de milliers de suiveurs (parfois, il invite certains de ses assistants), Luis Enrique choisit les questions auxquelles il répond. Mais le format l'amène parfois sur un terrain intime. La relation entre sa fille aînée et un joueur de la sélection, Ferran Torres, est un sujet récurrent de blagues. Qui est son joueur préféré de l'équipe ? "Le mien est Ferran. Si je ne dis pas ça, ma fille va me couper la tête", plaisante-t-il. Mais si jamais, un jour, l'attaquant du Barça célèbre un but en mimant une tétine, façon pour les joueurs d'annoncer qu'ils vont être parents, le sélectionneur s'amuse et prévient : "Je l'enverrai dans les tribunes et il ne remettra plus jamais les pieds dans un stade de football de sa vie."

Sa famille est à l'origine de sa présence sur Twitch, a d'ailleurs expliqué Luis Enrique : c'est en voyant son fils passer du temps sur la plateforme que l'idée de s'y mettre a émergé. "Ça a commencé comme une blague. Et puis c'est devenu réel." Le sélectionneur s'est aussi ouvert sur le deuil de sa fille cadette, morte d'un cancer en 2019, et profite de ses streams pour relayer des appels aux dons à destination d'institutions médicales.

Transparaît aussi dans ses commentaires son affection pour ses joueurs, lui qui a rajeuni son effectif : six des 26 sélectionnés ont entre 18 et 20 ans, et deux d'entre eux sont titulaires à tous les matchs. Depuis le début de la compétition, Luis Enrique a gagné le surnom de "Padrique", jeu de mot sur la figure paternelle qu'il représente pour les spectateurs comme pour ces jeunes joueurs, issus de la même génération Twitch. Ces derniers portent d'ailleurs un regard positif sur ses prestations en ligne : "Chaque fois que nous en avons l'occasion, nous le regardons et nous rions beaucoup", assure le milieu Pedri, 20 ans, au média espagnol Okdiario (en espagnol).

Il donne son avis sur tout et n'importe quoi

De directs en directs, le sélectionneur espagnol a déjà passé plus de 13 heures sur Twitch depuis son arrivée au Qatar. A de nombreuses reprises, la discussion s'est donc éloignée des sujets attendus. "J'aime la tortilla sans oignons" et "je déteste le fromage", a ainsi révélé Luis Enrique, pas effrayé à l'idée de trancher avec la tradition culinaire de son pays. Les discussions culinaires sont devenues une obsession de certains commentateurs, en particulier l'habitude du sélectionneur de manger "six œufs" par jour, pour leurs qualités nutritives.

De fil en aiguille, l'entraîneur disserte sur sa passion du cyclisme, débat des mérites de la sieste avec le préparateur physique de la sélection, qui finit par conseiller aux internautes les livres de l'Italien Italo Calvino. Poussé par les internautes, Luis Enrique s'est même amusé à s'imaginer en chef du gouvernement : "Ça pourrait être une option. Et si je ne tiens pas 50% de mes promesses dans la première année, je démissionnerai. Ce devrait être l'objectif de notre classe politique. (...) Je ne parle pas d'un parti ou d'un autre".

Il complimente Mbappé mais se persuade des chances de l'Espagne

Malgré toutes ses divagations, Luis Enrique parle quand même, parfois, de la Coupe du monde, et notamment de ses rivaux. Interrogé mercredi sur les candidats au titre de meilleur buteur, il a ainsi salué Kylian Mbappé comme "un buteur de haut niveau", avant même son doublé contre la Pologne, citant également Lionel Messi, Robert Lewandowski et, bien sûr, les attaquants espagnols.

Mais le sélectionneur espagnol affiche surtout une grande confiance dans son équipe. Aucune sélection ne joue un meilleur football, a-t-il affirmé "catégoriquement" le 28 novembre, après le nul contre l'Allemagne, reconnaissant cependant la "force de frappe" de la France et du Brésil. Une analyse qui se rapproche tout de même de la méthode Coué : "N'ayons peur de personne", insiste le coach. Lundi, il a encore affiché sa confiance à l'idée de croiser la France en demi-finale : "On a déjà joué contre eux en Ligue des nations et on a fait un bon match", a estimé Luis Enrique (la France l'avait emporté 2-1, en octobre 2021). "J'espère qu'on les rejouera, ce serait un bon signe". Mais avant cela, il faudra déjà que l'Espagne batte le Maroc, mardi, pour prolonger son séjour au Qatar et sur Twitch.

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