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Coupe du monde de football : les primes individuelles versées aux joueuses, un petit bouleversement pour la discipline

Article rédigé par Maÿlice Lavorel, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Les joueuses américaines célèbrent leur but contre l'Angleterre, en match amical, le 7 octobre 2022. (GLYN KIRK / AFP)
Pour la première fois de son histoire, la Fifa va verser des primes directement aux joueuses lors de la prochaine Coupe du monde féminine.

Une petite révolution pour la discipline et ses actrices. La Fifa a annoncé en juin qu’une partie de la dotation de la Coupe du monde serait directement versée aux joueuses qui disputeront le tournoi en Australie et en Nouvelle-Zélande, du 20 juillet au 20 août, sous forme de primes individuelles. Une nouveauté qui éclaire sur les difficiles conditions de développement du football féminin.

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Concrètement, chacune des 736 joueuses engagées touchera au moins 30 000 dollars, la somme allouée pour les effectifs des équipes qui ne passeront pas la phase de poules. Les montants vont ensuite en augmentant, jusqu’à 270 000 dollars pour la capitaine qui soulèvera le trophée après la finale, et ses 22 coéquipières (60 000 en huitièmes, 90 000 en quart, 165 000 pour les quatrièmes, 180 000 pour les troisièmes, 195 000 pour les finalistes).

Un combat historique pour l'égalité financière

L'initiative fait écho aux débats et polémiques sur la question des primes qui ont secoué tous les grands tournois internationaux ces dernières années. "Avant, c'était la fédération qui décidait du montant des primes", rappelle Luc Arrondel, économiste spécialisé dans le sport. Chaque fédération engagée dans une grande compétition recevait une certaine somme en fonction des performances de l'équipe, qu'elle était libre de répartir comme elle l'entendait. "Il y avait des différences entre les fédérations, des négociations étaient faites au cas par cas entre les instances et les joueuses." En France, par exemple, la FFF décidait de reverser 30% de la dotation globale qu’elle percevait à l’issue des grands tournois à ses joueurs et joueuses.

Certaines sélections féminines avaient fait de ces négociations un véritable combat, comme les Américaines, allées jusqu’à la justice et un procès pour discrimination sexiste contre leur fédération. En 2022, US Soccer et les joueuses avaient annoncé un accord pour une nouvelle convention collective garantissant l’égalité salariale. Un an plus tard, l’initiative de la Fifa a notamment été saluée par l’Américaine Alex Morgan en conférence de presse. "La Fifa a fait un très bon travail pour augmenter les primes", a réagi l’attaquante de San Diego. "Nous avons encore du chemin à parcourir, mais le fait que les joueuses soient payées directement est énorme."

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Car les primes individuelles vont changer la donne financièrement pour de nombreuses joueuses. Selon un rapport de la Fifpro, le syndicat mondial des footballeurs et footballeuses, sur les conditions de qualifications à la Coupe du monde, 66% des participantes ont dû prendre des congés non-payés afin de jouer. 29% des joueuses n’ont reçu aucune rémunération ou compensation après avoir porté le maillot national. "Quels que soient les montants disponibles, les joueuses n'ont aucune garantie de toucher une part de ce qu'elles construisent sur le terrain - une part qui leur permettrait de financer leur carrière et leur vie", avait regretté le syndicat dans une lettre au nom des joueuses en octobre 2022.

Deux fois le salaire moyen mondial

Avec ce changement, les joueuses sont assurées de recevoir une compensation proportionnelle à leur performance, voire une compensation tout court. "Cela va entraîner un cercle vertueux", salue Richard Duhautois, économiste spécialiste dans le sport. "C’est pour garantir que les joueuses reçoivent une certaine somme, contrôlée, supérieure à ce que beaucoup d’entre elles touchent dans leurs championnats dans le monde entier."

Selon la Fifa, le salaire moyen des joueuses professionnelles dans le monde s’élève à 14 000 dollars (12 825 euros), soit deux fois moins que le montant minimum à toucher. Une joueuse éliminée en huitièmes de finale empochera plus que le salaire annuel moyen en D1 Arkéma, à savoir 44 000 euros selon Luc Arrondel. "Pour les gagnantes, 270 000 dollars, ça correspond à peu près au salaire annuel d’une cadre comme Amandine Henry à Lyon, par exemple", évalue également l’économiste.

Ce nouveau modèle pourrait-il être généralisé à toutes les compétitions, hommes et femmes confondus ? Techniquement, oui, estime Luc Arrondel, puisque "la Fifa reprend la main sur les primes, rien ne l’empêche de le faire aussi pour les tournois masculins." Mais les réalités économiques ne sont pas similaires. "Les internationaux sont pour beaucoup des joueurs qui évoluent dans les plus grands clubs, avec des carrières longues, ce ne sont pas les mêmes logiques et les mêmes besoins", juge Richard Duhautois. En 2018, les champions du monde français avaient d’ailleurs reversé l’intégralité de leur prime à des associations.

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