Cet article date de plus de six ans.

Jeunesse, talent, chance... Comment les Bleus ont réussi à décrocher leur deuxième Coupe du monde

Une défense en béton, un Mbappé en feu, un peu de chance aussi... On vous explique comment les Bleus sont parvenus à se hisser une deuxième fois sur le toit du monde, dimanche soir, contre la Croatie.

Article rédigé par Raphaël Godet, Benoît Jourdain
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7 min
Les Bleus célèbrent Didier Deschamps après leur victoire en finale de la Coupe du monde contre la Croatie, le 15 juillet 2018, à Moscou (Russie). (ALEXANDER NEMENOV / AFP)

Il va falloir faire un peu de place. Les Bleus vont désormais pouvoir accrocher une deuxième étoile de champions du monde de football sur leur maillot, après leur victoire en finale contre la Croatie (4-2), dimanche 15 juillet. Pour en arriver là, les Français n'ont pas fait que marquer plus de buts que leurs adversaires. Franceinfo vous explique comment (et pourquoi) la bande à Didier Deschamps s'est de nouveau hissée sur le toit du monde.

Elle a profité d'une génération dorée

Dans sa longue histoire, l'équipe de France n'a certainement jamais réuni autant de jeunes talents sur une pelouse. Sa victoire en finale contre la Croatie consacre une génération dorée qui a forgé son succès sur les cendres d’un Euro 2016 empreint de douleur (défaite en finale, à domicile, contre le Portugal, 1-0).

Nés pour la plupart entre 1993 et 1998, ces surdoués déjà rodés aux matches de Ligue des champions sous les maillots de Monaco, Paris, Lyon, Real Madrid, Bayern, Barcelone, etc. incarnent l'avenir des Bleus. Kylian Mbappé a 19 ans, Benjamin Pavard et Lucas Hernandez 22, Samuel Umtiti 24, Paul Pogba et Raphaël Varane 25... La moyenne d'âge des vingt-trois joueurs en Russie ne dépassait même pas 26 ans. Ils étaient attendus, ils ont répondu présents. Pendant ces sept semaines de compétition, les jeunes Bleus ont confirmé leur énorme potentiel.  

L'ossature sera sensiblement la même dans quatre ans au Qatar, pour la prochaine Coupe du monde.

Deschamps a fait les bons choix

En demi-finale, après le succès étriqué face à la Belgique, les joueurs de l’équipe de France n’ont qu’un seul nom en tête : Didier Deschamps.

Le coach mérite tout le crédit de cette victoire. C'est lui qui élabore les plans de jeu. Cette victoire, c'est la sienne. On a appliqué à la lettre ce qu'il nous a demandé : limiter les espaces, défendre bas pour mieux contre-attaquer.

Hugo Lloris

face à la presse

Certes, le sélectionneur des Bleus n’aura pas été aussi décisif que son gardien, qu’Antoine Griezmann ou Kylian Mbappé. Mais, cette deuxième étoile porte évidemment sa patte. Depuis deux ans, il a construit son groupe dans un unique objectif : la victoire au Mondial. Et il n’a pas hésité à faire confiance à la jeune génération symbolisée par l’attaquant du PSG ou encore Ousmane Dembélé. Il a définitivement fermé la porte aux glorieux anciens et aux polémiques (Karim Benzema et Franck Ribéry) et a fait confiance à Antoine Griezmann pour guider ses Bleus vers un nouveau sacre mondial.

Au moment de sa liste, il écarte Adrien Rabiot, à qui une place dans les vingt-trois est pourtant promise, esprit rebelle pouvant mettre en danger l’harmonie du groupe. Un choix fort mais validé par les entrées en jeu déterminantes de Steven N’Zonzi, notamment en finale, que Deschamps a préféré emmener en Russie.

Dans le contenu, tout n’aura pas été parfait. Surtout au premier tour dans lequel les Bleus auront été convaincants quarante-cinq minutes face au Pérou, et poussifs le reste du temps. Mais, là où les autres grosses nations ont laissé des plumes, la France assurait sa place en huitième de finale avec deux succès en deux matches. Cette fameuse culture de la gagne chère au sélectionneur.

Le Basque a su aussi revenir aux fondamentaux en intégrant à nouveau Olivier Giroud dans le onze titulaire après le match décevant en ouverture face à l’Australie. L’attaquant de Chelsea n’a pas marqué, mais, par son travail de sape, il a usé les défenses adverses. Dans les matches à élimination directe, excepté la rencontre folle face à l’Argentine, les Bleus auront maîtrisé leur sujet contre l’Uruguay et la Belgique.

Même lorsque les Bleus ont tangué en finale face à la Croatie, Didier Deschamps a su prendre les bonnes décisions. Deux exemples : il n’a pas hésité à sortir N’Golo Kanté, étincelant durant un mois et sous la menace d’un deuxième carton jaune, pour faire rentrer Steven N’Zonzi. Ou encore Paul Pogba, critiqué pendant l’Euro 2016, qui est devenu le patron du terrain. Dans cette mutation, le rôle de Deschamps a été prépondérant alors que le joueur de Manchester United sortait d’une saison compliquée sous les ordres de José Mourinho. La fameuse "chatte à DD" n’a plus lieu d’être selon Jean-Philippe Bouchard, auteur de l’ouvrage Dans la tête de Didier Deschamps : tous ses secrets d’entraîneur (éditions Solard). "Les choses ne se produisent pas par magie. A un moment, ce n’est plus de la chance, il a le plus beau palmarès du football français", dit-il à franceinfo.

MBappé a explosé

S’il ne fallait en retenir qu’un, ça serait sûrement lui. Kylian Mbappé a éclaboussé ce Mondial de son talent. L’attaquant du PSG termine meilleur jeune de la compétition, co-meilleur buteur des Bleus avec Antoine Griezmann (quatre réalisations) et a désormais sa place aux côtés du roi Pelé dans le livre des statistiques : à 19 ans et 6 mois, il devient le deuxième plus jeune buteur en finale de Coupe du monde.

Sur l’aile droite, le natif de Bondy (Seine-Saint-Denis) a fait parler sa vitesse, son sens du dribble et son sens du but. Dans un schéma de jeu qui aura parfois été stéréotypé, il a su mettre un grain de folie. Quand Olivier Giroud usait sa carcasse sur les défenses adverses, quand Antoine Griezmann harcelait, orientait et était décisif principalement sur coups de pied arrêtés, l’ancien Monégasque était le dernier étage de la fusée bleue. Flashé à 37 km/h (il sera finalement chronométré à 32 km/h) face à l’Argentine, il a mis le monde à ses pieds en un mois.

Mais pas question de s’enflammer. Après le triomphe, il a une nouvelle fois fait preuve de sa déconcertante maturité : "Je ne veux pas simplement être de passage dans le foot : être champion du monde, c'est un message. Je veux faire encore mieux, mais champion du monde, c'est déjà bien."

La joie de l'attaquant Kylian MBappé après la victoire des Bleus en finale de la Coupe du monde contre la Croatie, dimanche 15 juillet 2018. (ODD ANDERSEN / AFP)

Les Bleus ont eu (un peu) de la chance

La fameuse "chatte à Dédé" ? Oui, un peu. Didier Deschamps est souvent décrit comme un sélectionneur chanceux. Et c'est assez vrai, rien que sur la durée du Mondial. Pêle-mêle : le but de Kylian Mbappé après la frappe contrée d'Olivier Giroud face au Pérou en poule, la bourde du gardien uruguayen face à Antoine Griezmann en quarts de finale, les Bleus qui affrontent la Celeste sans sa star, Edinson Cavani, blessée... Et puis il y a l'Allemagne qui se fait sortir dès le premier tour, puis l'Espagne dès les 8es par la Russie (c'était ça en moins), sans oublier la Belgique qui s'est chargée d'écarter le Brésil. Sans oublier que l'Italie ou les Pays-Bas n'étaient même pas qualifiés.

Au-delà de la chance, Thibaud Leplat met en avant un autre aspect du jeu français : l'opprtunisme. "Pendant toute la compétition, sauf contre l'Argentine, la France aura été une équipe très opportuniste", explique à franceinfo le journaliste et auteur du livre Football à la française (éditions Solar).

Elle refuse le jeu mais elle le fait bien, en assurant les phases tactiques, notamment les coups de pieds arrêtés.

Thibaud Leplat

à franceinfo

Et ils ont une défense d'(en)fer

Pour arriver jusqu'en finale, les Bleus ont pu compter sur une défense de fer. Sur l'ensemble de la compétition (soit sept matches), ils ont encaissé six buts : un contre l'Australie en poule (sur penalty), trois contre l'Argentine en huitième de finale, et deux contre la Croatie, en finale. 

Critiqué avant le début de la Coupe du monde, le gardien Hugo Lloris a finalement été irréprochable, si ce n'est sa boulette en finale qui permet aux Croates de revenir (un peu) au score. La charnière centrale Umititi/Varane a globalement montré de la maîtrise et de la sérénité. Quant aux latéraux, ils se sont montrés solides... au point (même) de marquer des buts. C'est Benjamin Pavard qui égalise (2-2) contre l'Argentine d'une frappe que la France n'est pas prête d'oublier. En quart de finale, c'est une tête de Raphaël Varane qui permet aux Bleus d'ouvrir le score contre la Celeste. Et en demi-finale, c'est encore une tête, cette fois-ci de Samuel Umtiti, qui écarte la Belgique du chemin des Français. 

On a vu onze chiens sur le terrain, voire encore plus avec ceux qui sont entrés aussi. Quand on est dans cet état d'esprit, on est difficile à battre.

Samuel Umtiti

à la presse

Une défense qui sait débloquer des rencontres, ce n'est pas sans rappeler celle des Bleus en 1998. A l'époque déjà, le quintette Barthez-Thuram-Blanc-Desailly-Lizarazu avait porté les Bleus sur le toit du monde grâce à une arrière-garde blindée. Le but en or de Laurent Blanc contre le Paraguay en huitième, le doublé de Lilian Thuram contre la Croatie en demie... Vous connaissez la suite. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.