Cet article date de plus d'un an.

Reportage Coupe du monde 2022 : "On fait tous partie de la même famille"... À Doha, l’unité des supporters arabes derrière la sélection du Maroc

Article rédigé par Denis Ménétrier, franceinfo: sport - De notre envoyé spécial à Doha
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des supporters du Maroc dans une des fanzones de Doha lors du huitième de finale de la Coupe du monde contre l'Espagne, le 6 décembre 2022. (MAHMUD HAMS / AFP)
Le parcours du Maroc, qui affrontera le Portugal en quart de finale de la Coupe du monde samedi, provoque une émulation chez les supporters de la région qui soutiennent les Lions de l’Atlas.

À West Bay, dans le quartier des affaires de Doha, deux tours s’illuminent pour faire apparaître le drapeau du Maroc. En face, dans le luxueux hôtel Wyndham Doha West Bay, les joueurs de la sélection marocaine n’ont toujours pas bouclé leurs valises. Personne ne misait sur eux, pourtant ils s’apprêtent à disputer un quart de finale de Coupe du monde, contre le Portugal, samedi 10 décembre. Comme face à l’Espagne en huitièmes de finale (0-0, 3-0 t.a.b.), les Lions de l’Atlas profiteront du soutien du stade Al-Thumama, qui sera largement acquis à leur cause.

Le parcours du Maroc a mis tout le monde d’accord entre les pays du Levant, du Maghreb et du Golfe. Après l’élimination de la Tunisie, de l’Arabie saoudite et du Qatar en phase de groupes, soutenir le Maroc est devenu une évidence pour les supporters arabes. Preuve en est l'immense ferveur pour la sélection de Walid Regragui dans les rues de Doha. "Tout le monde aime le Maroc parce que c’est un pays arabe, se félicite Tarik, un Marocain installé au Qatar depuis quatre mois. C’est aussi un pays africain et les supporters du continent soutiennent le Maroc." 

Les voisins saoudiens sont restés en nombre 

"On est honorés de voir le Maroc aller loin dans la compétition, ça nous rend fier", ajoute Aziz, depuis le cœur du souk Waqif. Fervent soutien du Portugal, le Koweïtien va devoir trancher avant le quart de finale. Lors des huitièmes de finale, il a choisi de rater le match de son idole Cristiano Ronaldo, qui affrontait la Suisse, pour assister à celui des Lions de l’Atlas face à l'Espagne : "On n’a pas le choix, on doit supporter le Maroc."

Au terme d’un match intense, les Marocains ont éliminé les Espagnols dans un stade de la Cité de l’éducation en feu. Des sifflets assourdissants ont accompagné tous les ballons touchés par les joueurs de la Roja. Dans les tribunes, de nombreux drapeaux koweïtiens, soudanais et saoudiens flottaient aux côtés des maillots du Maroc : tous soutenaient la sélection de Walid Regragui. 

Un supporter brandit le drapeau de la Jordanie à côté de fans marocains avant le huitième de finale de la Coupe du monde entre le Maroc et l'Espagne au stade Al-Thumama de Doha, le 6 décembre 2022. (Denis Ménétrier)

Les Saoudiens, voisins du Qatar, sont en effet restés en nombre pour suivre le parcours du Maroc. Comme Abdelaziz, fan du Marocain Abderrazak Hamdallah, qui évolue à Al-Ittihad, en Arabie saoudite : "Je suis fier du Maroc et je rêve que ce pays gagne la Coupe du monde, encore plus que l’Arabie saoudite." Certains de ses compatriotes, le maillot de l’Arabie saoudite sur les épaules et des drapeaux marocains autour du cou, entonnent des chants à Msheireb, dans le centre de Doha.

Les divisions politiques oubliées

Partout dans Doha, les t-shirts et faux maillots du Maroc se vendent comme des petits pains. Majid, croisé deux heures avant le coup d’envoi d’Espagne-Maroc, vient justement d’en acheter un : "Je suis un supporter de l’Espagne depuis quinze ans, mais ce soir, je vais soutenir le Maroc !" Le Palestinien vient d’arriver à Doha pour quelques jours et se félicite de ce Mondial qui permet de "faire connaître la culture arabe à travers la planète entière".

Majid, comme beaucoup d’autres, expose fièrement son drapeau palestinien. Dans tous les stades de la compétition, celui-ci est omniprésent. Mais pas question de faire de la politique entre supporters arabes, originaires de pays dont les lignes diplomatiques sont parfois éloignées, voire opposées. Qu'importe. Certains Qatariens continuent de suivre la compétition à travers le prisme du Maroc. Comme Salet, venu assister à Espagne-Maroc avec ses cousins saoudiens : "On est ensemble, l’Arabie saoudite, le Qatar, la Tunisie, le Maroc et les autres. On est une seule et même famille."

"Un douzième homme qui donne de l'énergie" 

Cette unité par le football s'est notamment manifestée au stade de la Cité de l’éducation lorsque Hamad ben Khalifa Al Thani, ex-dirigeant du Qatar et père de l’émir Tamim ben Hamad Al Thani, a fièrement agité le drapeau du Maroc lors du huitième de finale face à l’Espagne. Un geste loin d’être anodin et soigneusement filmé par les caméras des télévisions, dont celles de beIN Sports.

Depuis le début de la compétition, la chaîne qatarienne diffuse l’intégralité de la compétition en France comme dans la zone MENA (Moyen-Orient, Afrique du Nord). Elle couvre de manière large l’actualité des Lions de l’Atlas, dont le parcours inattendu est une aubaine pour Duncan Walkinshaw, directeur des programmes de la zone MENA : "Les audiences sont énormes : au Maroc, comme dans les autres pays. Le parcours du Maroc a un véritable impact."

La question est désormais de savoir combien de temps l’euphorie et l'unité dureront. Contre le Portugal, facile vainqueur de la Suisse (6-1) en huitièmes de finale, le match s'annonce ardu, surtout que les Lions de l’Atlas ont dû batailler jusqu’aux tirs au but contre l’Espagne. Mais ils pourront compter sur le supplément d’âme que représente le public acquis à leur cause dans les tribunes.

"Le fait de savoir qu’on a ce douzième homme avec nous, ça nous donne encore plus d’énergie", nous expliquait Sofiane Boufal, le milieu offensif du Maroc, après la qualification en quarts. Avant le match contre le Portugal samedi, la Coupe du monde des pays arabes peut donc se poursuivre. À West Bay, les deux tours sont toujours illuminées aux couleurs du Maroc. Pour au moins quelques heures encore.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.