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À Dunkerque, le "Gigantisme" à l'honneur dans une nouvelle triennale d'art contemporain

Cette nouvelle triennale d'art contemporain et design s'installe dans la cité nordiste jusqu'en janvier 2020.

Article rédigé par franceinfo Culture - Odile Morain avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4 min
  (DENIS CHARLET / AFP)

Cette nouvelle triennale d'art contemporain et design va explorer jusqu'au 5 janvier 2020 les relations entre création, économie, art et industrie. Du complexe portuaire aux friches en passant par la gare ou le musée, des œuvres monumentales interpellent le visiteur.

Plus de 200 œuvres issues de collections publiques et privées sont présentées pour cet événement culturel inédit. "Gigantisme – Art et Industrie" met en valeur le territoire de la Ville de Dunkerque. 

Triennale du Gigantisme à Dunkerque
Triennale du Gigantisme à Dunkerque Triennale du Gigantisme à Dunkerque

Baptisé Gigantisme et s'étalant sur huit mois, ce nouveau rendez-vous européen entend "dresser des ponts" entre les disciplines, grâce à un parcours riche. "Ce qui nous intéresse, c’est de révéler le potentiel de Dunkerque", explique Keren Detton, la directrice du FRAC Grand Large à Dunkerque. "Nous voulons mettre en avant son port, son histoire industrielle et culturelle avec l’histoire du FRAC [ndlr : Fonds régional d'art contemporain] et du LAAC [Lieu d'art et d'action contemporaine] ; mais nous voulons également lui donner une dimension européenne."

Créer in situ 

Sculptures, toiles, installations monumentales, films, performances : les deux centres d'art associés transforment toute la ville en lieu de création "in situ".

Nous leur avons demandé de créer des œuvres à l'échelle des industries qui nous entourent mais aussi des différents paysages réinterprétés et rêvés par ces artistes.

Keren Detton

Directrice du Grand Large à Dunkerque

Des balises échouées de la Gréco-arménienne Hera Büjüktsciyan jalonnent un parcours entre le FRAC et le LAAC. L'œuvre s'intitule "On Threads and Frequencies". Elle fait référence à l'histoire des télécommunications entre la France et l'Angleterre, les câblages sous-marins, mais elle utilise des objets mis au rebut : ces vieilles balises pour donner une dimension poétique.

Oeuvre de Hera Büjüktsciyan (P. Rousselle / France Télévisions)

Les jeunes créateurs y côtoient de nombreux grands noms comme Daniel Burren, Simon Hantaï, Hans Hartung ou Man Ray. Certains plasticiens "utilisent les outils, machines et matériaux de l'industrie pour en faire des œuvres d'art", quand d'autres "jouent avec les codes de la société de consommation, de la production de masse" ou "font appel aux logos et signes disséminés dans nos villes", observe Keren Detton.

Technicolor

Entre pétroliers abandonnés, tas de minerais et hangars, l'artiste Tania Mouraud a par exemple investi plusieurs cuves du "môle 5" avec d'imposants motifs noirs et longilignes, dessinant sous un œil attentif une citation de Shakespeare en
"hommage aux morts en mer".

Sur la façade du Kursaal, la street-artiste américaine Maya Hayuk présente une fresque monumentale, Future Past Sunrise. La peinture emprunte ses motifs et ses trames abstraites audacieuses au mouvement psychédélique ou à la culture populaire.

Peinture murale de  Maya Hayuk au Kursaal (P. Rousselle / France Télévisions)

La couleur des bâtiments, les cabines de plage, la géométrie de tout ce paysage est incroyable

Maya Hayuk

street artiste

Plus loin, Hugues Rochette et Nathalie Brevet ont empilé six conteneurs pour y faire couler des cascades et circuler l'eau du port dans un "cycle incessant" évoquant les flux maritimes. "C'est un empilement assez fragile, comme s'ils avaient été repêchés, ils vont recracher l'eau comme si c'était inépuisable", explique Hugues Rochette. 

Dans les jardins du LAAC, 800 "coquelicots" faits de béton et ferraille, par Steve Abraham et Nicolas Messager, accueillent le visiteur avec poésie.

"Les coquelicots" d'Abraham et Nicolas Messager (P. Rousselle / France Télévisions)

La révolution du design

Space is a house, parcours installé au FRAC, se penche sur "l'évolution du design entre 1947 et 1989, appliquant le gigantisme à la sphère privée", note la co-commissaire Géraldine Gourbe. Il montre "comment d'un intérieur en noir et blanc, sans papier peint ni réfrigérateur", la maison "revêt subitement les couleurs en technicolor du cinéma".

Soudures, assemblages, accumulations : l'exposition emmène à la découverte des "nouveaux réalistes" inspirés par Yves Klein, puis du "courant minimaliste" et des "designers qui s'en inspirent", créant "du mobilier en série" aux formes géométriques et sensuelles, à grand renfort de plastique, plexiglas ou vinyle. "Cathédrale" de béton, la gigantesque Halle AP2, ancien chantier naval, offre, elle, au spectateur des œuvres "démesurées".

César, Arman, Venet, Niki de Saint Phalle : grands noms, grandes œuvres

Au LAAC, une exposition dévoile les visions d'artistes d'une société moderne "à l'américaine". Des monochromes rutilants de Bernard Venet évoquent l'industrie automobile, des pièces métalliques ou moteurs deviennent sculptures, imaginées par César ou Arman.

Oeuvre de Bernard Venet (P. Rousselle / France Télévisions)

Des créateurs comme Niki de Saint Phalle ou Guy Rottier imaginent des villes utopiques, aux logements repensés et pavillons volants, d'autres évoquent les horreurs de la guerre ou les risques liés à l'uniformisation de la société.

L'art d'après-guerre

Pour cette première édition, la triennale, "propose aussi d'examiner, sous un angle nouveau", l'histoire de l'art de l'après-guerre, en mettant en avant la création française, dans une ville qui fut ravagée par les bombardements et rebâtie dans la deuxième moitié du XXe siècle. Car en Europe et particulièrement à Dunkerque, "1947 fut une année pivot", début d'une reconstruction dans "l'effervescence collective", qui fit naître "un paysage nouveau en un temps record", marqué par le gigantisme des structures, "la mise en circulation des énergies" et marchandises, "la puissance industrielle", et la possibilité pour les ingénieurs, plasticiens ou architectes de s'associer et de "changer d'échelle", analysent les commissaires d'exposition dans une note d'intention.

Au-dessus d'un paysage fantasmagorique bigarré, d'une immense colonne de polyuréthane fondu, l'installation lumineuse de Delphine Reist "scanne" toute la halle depuis le plafond à l'aide d'un vieux bras mécanique, note Keren Detton, renvoyant à "l'esprit" de la triennale : "faire dialoguer ces lieux de mémoire, vigies du territoire", avec les créateurs d'aujourd'hui.

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