A la Fondation Giacometti, toujours fermée, "on reste sur le pied de guerre", nous confie sa directrice, Catherine Grenier
La Fondation Giacometti, à Paris, n'a pas pu ouvrir sa nouvelle exposition. Malgré les difficultés, sa directrice Catherine Grenier essaie de tirer tout ce qu'il y a de positif de cette période difficile.
A cause de la poursuite des restrictions liées à la crise sanitaire, la Fondation Giacometti n'a pas pu ouvrir sa nouvelle exposition, consacrée à l'amitié entre Alberto Giacometti et Samuel Beckett. Contre vents et marées, la directrice du petit musée parisien, Catherine Grenier, veut rester positive et mettre à profit les expérimentations de cette période difficile, même si, comme beaucoup, elle ne comprend pas très bien que les musées restent fermés et regrette une sous-estimation du rôle de la culture.
Au mois de mai, après le premier confinement, la Fondation Giacometti avait été un des premiers musées parisiens à rouvrir ses portes. Alors qu'un nouveau déconfinement des lieux culturels était espéré pour le 7 janvier, elle devait ouvrir le week-end dernier, les 9 et 10 janvier, sa nouvelle exposition sur les liens entre Alberto Giacometti et Samuel Beckett, figures artistiques de Montparnasse au milieu du XXe siècle. Une jolie exposition prévue jusqu'au 28 mars (on y revient bientôt) qui raconte la proximité entre les deux œuvres et le compagnonnage de deux solitudes.
La prolongation de la fermeture des musées a empêché le vernissage public de l'exposition mais les responsables de la Fondation ont tenu à maintenir la visite de presse prévue de longue date pour le 8 janvier. "Nous sommes enchantés que cette exposition soit vue par quelques personnes et que les efforts déployés par Hugo Daniel (le commissaire de l'exposition, ndlr) et toute l'équipe qui a travaillé avec lui soit d'une certaine façon récompensés", dit Catherine Grenier, la directrice de la Fondation Giacometti. Comme pour tous les lieux culturels, c'est une période de déprime pour les musées. Et pourtant, elle veut tirer tout ce qu'il y a de positif dans cette expérience inédite et difficile.
"On considère que l'exposition est ouverte"
"On ne rouvre pas mais on reste sur le pied de guerre", proclame Catherine Grenier. "On attend, bien sûr, le moment où on va rouvrir, mais on considère que l'exposition est ouverte : on va faire des tas de productions ici, qui seront relayées sur internet." Au programme, une lecture de textes de Samuel Beckett par le comédien Denis Lavant, en partenariat avec le théâtre de l'Athénée, dans le décor d'En attendant Godot, reconstitué pour l'exposition avec une copie du fameux arbre crée par Giacometti pour la pièce de Beckett. Et puis une performance sonore imaginée par le compositeur Pedro Garcia-Velasquez à partir de la pièce Words and Music de l'écrivain. Une visite virtuelle de l'exposition devrait bientôt être disponible en ligne.
Car la période a été l'occasion de développer les contenus sur internet et sur les réseaux sociaux. "On a de plus en plus de monde, plus on en propose et plus on a de gens, on poursuivra ces propositions quand la période covid sera finie parce que ça élargit beaucoup notre public. Lors de l'exposition précédente, on a eu une lecture filmée de Wajdi Mouawad, diffusée sur les réseaux sociaux, sur notre site et sur celui du Théâtre de la Colline, qui a très bien marché."
Et puis l'été dernier, entre deux confinements, a été une période "très chouette", avec la conquête d'un nouveau public, se réjouit Catherine Grenier. D'habitude, l'Institut Giacometti reçoit "énormément de touristes", absents cette année. Pourtant, le petit musée a eu autant de fréquentation que l'année précédente grâce à "une politique tarifaire très volontariste" : l'entrée était gratuite pour les gens du quartier et pour les jeunes, ce qui lui a gagné un public jeune et local. Et puis l'Institut Giacometti a accueilli de nombreux enfants des centres de loisirs. "Les Parisiens ont remplacé les touristes. C'était une très bonne chose, on s'est installés comme un musée de proximité."
"Le rôle de la culture est sous-estimé"
Evidemment, sur le plan financier, la situation n'est pas bonne. "On n'est pas subventionnés par l'Etat. On a des mécènes qui ont été fidèles, ça c'est formidable." Mais l'Institut compte aussi sur ses recettes, qui ont été nulles pendant des mois cette année. "Il faut qu'on soit très malins sur le plan budgétaire pour générer de nouvelles recettes mais en ce moment ce n'est pas possible, au contraire : tout ce qu'on fait sur internet, ça nous coûte et c'est gratuit. On voit ça comme un investissement mais il ne faudrait pas que ça dure trop longtemps."
Et puis Catherine Grenier ne comprend pas bien pourquoi les galeries d'art on rouvert et pas les musées. La Fondation Giacometti, c'est un petit musée, comparable en taille à une grande galerie, la jauge est contrôlée, toutes les mesures sanitaires ont été prises.
"J'étais très calme, résignée, tout le monde était logé à la même enseigne. La culture ne rouvrait pas, on ne comprenait pas totalement, mais bon... Mais depuis qu'on a rouvert les galeries d'art commerciales, je trouve qu'il y a un critère de choix qui n'est pas bon. Je pense que les conditions d'accueil sont absolument identiques. Les gens aujourd'hui ne souffrent pas que du Covid, ils souffrent aussi de la dépression, du manque de relations. Et la culture, qu'est-ce que c'est d'autre que la relation ? Je pense que le rôle essentiel de la culture est sous-estimé par nos sociétés, pas par notre gouvernement seulement, c'est beaucoup plus large que ça. La crise n'est qu'un révélateur."
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