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Alain Resnais : monstre sacré du cinéma français

Le grand cinéaste français Alain Resnais s'est éteint samedi à Paris, entouré de sa famille. Il laisse derrière lui une filmographie impressionnante, qui aura réinventé le cinéma français pendant plus de sept décennies. Musique, littérature, théâtre : chacun de ses films est un savant mélange entre cinéma et art. Le refus d'une "recette toute faite" qui était devenue sa signature. 
Article rédigé par Alix Hardy
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (Serge Haouzi - Patrice Lapoirie Maxppp)

"Rien ne ressemble moins à un film d'Alain Resnais qu'un autre film d'Alain Resnais ". Cette citation de Pierre Arditi est en passe de devenir un mantra. Prononcée par l'acteur lors d'un entretien au quotidien belge Le Soir , elle s'était ensuite échouée sur la page wikipédia d'Alain Resnais, pour ressurgir dimanche matin sur BFM TV dans la bouche d'un Pierre Arditi affecté par le décès de son ami et réalisateur de longue date Alain Resnais, décédé samedi soir à Paris à l'âge de 91 ans. 

Mais si les médias font la part belle à cette phrase, c'est bien parce qu'elle résume en quelques mots la philosophie du cinéma de Resnais. Alain Resnais ne "signait " pas ses films, il prenait un malin plaisir à décontenancer le spectateur qui ne savait jamais à quoi s'attendre. 

Né en 1922 à Vannes, Alain Resnais pensait déjà 'cinéma' alors qu'il était encore adolescent - il avait entrepris d'adapter les aventures de Fantômas à l'aide de sa petite caméra Kodak. Après un passage à l'IDHEC (Insitut des hautes études cinématographiques) et dix ans dans les documentaires, il fut primé pour un documentaire sur la déportation dans la Seconde guerre mondiale, Nuit et Brouillard, et oscarisé pour Van Gogh

La jalousie de Godard

Il entama alors une carrière cinématographique où il fut littéralement projeté sur le devant de la scène par Hiroshima, mon amour , un film mêlant amour, bombe atomique et épuration des maîtresses de soldats allemands (thématique chère à Marguerite Duras, auteur du scénario). Cet ovni fut le premier film à ne pas respecter la narration linéaire, ce qui fit même dire à Godard, dans les Cahiers du Cinéma, qu'il était "jaloux " que le film lui ait "échappé ". Pour Steven Soderbergh, le film était toujours, en 2013, "la dernière révolution du langage cinématographique ".

Le petit chimiste du cinéma

Alain Resnais était lancé, et il ne s'arrêta jamais. Il enchaîna plus d'une vingtaine de films - tous disparates dans le registre comme dans la réalisation.

Ses films sont toujours remplis de différentes formes d'art. On y retrouve la littérature (Hiroshima mon amour ), le théâtre (dans Smoking/No smoking ), la bande dessinée (I want to go home ), la comédie musicale (On connait la chanson ), l'opérette (Pas sur la bouche ). 

Non content d'avoir exploré tous les registres, Resnais prit un malin plaisir à déconstruire la narration classique. Comme un gosse, doté du kit du petit chimiste, il échangeait les personnages, faisait jouer dix rôles par deux acteurs (Smoking/No smoking ) ou un rôle pour plusieurs acteurs (Vous n'avez encore rien vu ), mélangeant les époques et les instants sans avertissement. Dans Vous n'avez encore rien vu , il convie ses acteurs fétiche à sa propre veillée funèbre. 

La clique de Resnais

En 1980, coup de foudre : Resnais rencontre Sabine Azéma, Pierre Arditi et André Dussolier, qui vont constituer le noyau dur de ses expérimentations. Ils se sont trouvés, ils ne se lâchent plus : jusqu'à son dernier film, Aimer, boire et chanter , pas encore sorti et déjà primé à Berlin, ils feront partie du casting. Sabine Azéma devient sa muse et sa compagne. 

Sur la vingtaine de films de Resnais, presque tous rencontreront leur public, et beaucoup seront primés. Sur sa cheminée s'alignaient probablement bon nombre de statuettes en tout genre : le cinéaste avait remporté trois César du meilleur film, trois prix Delluc, et une reconnaissace à l'international avec des prix en provenance des Oscars, de Berlin, Venise, des BAFTA et de Cannes. 

Infatiguable, Resnais a un film encore non paru à son actif, et avait déjà entamé un autre projet. On n'avait encore rien vu. Il s'est éteint de manière aussi surprenante qu'il avait filmé, pile entre la cérémonie des César et celle des Oscars. 

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