Architecture : faut-il reconstruire Notre-Dame à l'identique et avec le même matériel ?
Le président Macron souhaite que Notre-Dame, ravagée par un terrible incendie lundi soir, soit reconstruite en cinq ans. Est-ce possible ? Avant de répondre, il convient de se poser d'autres questions. D'abord, doit-on reconstruire la cathédrale à l'identique ? Ensuite, faut-il reconstruire avec les mêmes technologies et les mêmes matériaux ?
Cinq ans ? "C'est tenable mais il faut faire un bon choix technologique", a estimé mercredi 17 avril sur France Inter l'architecte Jean-Michel Wilmotte, qui a dessiné entre autres la cathédrale orthodoxe russe de Paris et dirigé la restauration du collège des Bernardins. "Il faut faire Notre-Dame à l'identique mais avec une technologie d'aujourd'hui", a-t-il estimé.
Dès mardi, le syndicat filière bois (SFB) qui regroupe les exploitants forestiers, s'est engagé à réserver ses "plus beaux chênes" pour le chantier. Mais "si on veut utiliser un système traditionnel avec des gens qui proposent des forêts entières, ça sera bien plus que cinq ans", souligne Jean-Michel Wilmotte.
Remplacer les matériaux d'origine par des matériaux modernes
Alors, par quoi remplacer les matériaux d'origine ? Par les matériaux "de notre époque", répond Jean-Michel Wilmotte, selon lequel "on n'est pas obligés de réutiliser le chêne".
D'autres édifices subissant des incendies ont choisi de remplacer les charpentes de bois par du béton, comme la cathédrale de Reims, afin d'éviter les incendies. Jean-Michel Wilmotte préconise une structure métallique, en acier, "deux fois moins lourde" que celle en bois et résistante au feu. "On n'est pas non plus obligés de réutiliser le plomb qui est un matériau très lourd". On peut choisir de mettre une couverture en titane, légère (trois fois moins lourde que le plomb) et résistante.
Selon Jean-Michel Wilmotte, une chose est sûre : pour honorer le souhait du président, "il faut absolument utiliser des matériaux de synthèse".
Comment reconstruire la flèche ?
La reconstruction de la flèche fait aussi débat : doit-on la reconstruire ? Si oui, doit-on la reconstruire à l'identique que celle imaginée par Eugène Viollet-le-Duc au 19e siècle ? Et peut-on se doter d'une flèche utilisant des matériaux contemporains ?
Pour trancher ces questions, un concours international d'architectes va être lancé, a annoncé mercredi le Premier ministre Edouard Philippe. Jean-Michel Wilmotte, lui, verrait bien la prochaine flèche en verre, en écho visuel à la Pyramide du Louvre.
Pénurie d'artisans
Reconstruire ce monument avec les techniques d'hier se heurterait d'ailleurs à un écueil majeur : le manque d'artisans. "Trouver suffisamment d'artisans capables de travailler la pierre, le bois, le plomb, le verre (...) est un défi pour le secteur dans toute l'Europe", remarque Francis Maude, directeur du cabinet d'architectes Donald Insall Associates, basé à Londres.
"D'autres très grands projets sont confrontés aux mêmes difficultés, comme le Palais de Westminster, sur lequel nous travaillons ici à Londres", souligne-t-il. Cette pénurie pourrait être selon lui "l'élément clé qui déterminera le rythme et peut-être certaines des décisions qui seront prises au cours du processus de restauration" de Notre-Dame.
Pour autant, le délai rapide de cinq ans préconisé est déjà critiqué. "Prendre comme principe qu'il faut aller très vite pour un bâtiment qui frise le millénaire est une erreur. Il ne faut surtout pas réduire le temps des études qui conditionnent la pertinence des travaux", estime Denis Dessus, président de l'Ordre des architectes.
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