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"Habiter autrement" : 23 propositions audacieuses pour "libérer la maison"

La crise sanitaire nous a fait réaliser combien la rigidité des maisons normées était contraignante. Dans son ouvrage "Habiter autrement", l'architecte et journaliste Maryse Quinton propose, à travers 23 maisons atypiques du monde entier, une mine d'idées audacieuses qui invitent architectes et particuliers à s'affranchir des limites pour réinventer le logement.

Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La "Maison Viking" de Freaks Architecture à Fermanville (Cotentin), France 2017. (PHOTO JULES COUARTOU)

Qui n’a pas, durant les récents confinements, éprouvé les limites de son lieu de vie ? On ne parle pas seulement de ceux qui se sont heurté à l’étroitesse des appartements de villes densément peuplées. Mais de tous ceux qui ont eu affaire au manque d’adaptabilité de leur logement, où chaque espace est assigné à une fonction et une seule (dormir, manger, se laver etc.).

Réalisons-nous suffisamment l’impact de notre habitat sur nos vies ? Et à quel point les espaces immuables des maisons normées nous contraignent ? Architecte et journaliste, Maryse Quinton propose de "libérer la maison" dans son livre Habiter Autrement (La Martinière). Elle a sélectionné dans cet ouvrage 23 habitations atypiques du monde entier dont les plans sont suffisamment flexibles pour épouser l’imagination, la nécessité, ou l’humeur du jour de leurs occupants.

La Maison Hourré du collectif Encore, à Labastide-Villefranche (Pyrénées-Atlantiques), France 2017. (MICHEL BONVIN)

Des maisons qui acceptent l'imprévu

"J’avais envie de montrer comment l’architecture pouvait mettre en place les conditions pour habiter autrement, c’est-à-dire avec des usages moins déterminés, des possibilités plus ouvertes, avec des maisons qui acceptent l’imprévu, le spontané, ce qui me semble faire souvent défaut dans les maisons individuelles et plus encore dans le logement collectif", nous explique Maryse Quinton.

Selon elle, la maison devrait être idéalement "une construction de notre espace mental". Or, "trop souvent, c’est à nous de nous adapter à la maison", déplore-t-elle. "C’est la maison qui va nous imposer de dormir dans telle pièce, de chauffer telle autre et de manger à tel endroit."

Trop de gens ne s’intéressent pas à la manière dont ils aimeraient vraiment vivre et subissent leur logement sans s’en rendre compte.

Maryse Quinton

à franceinfo Culture

L'intérieur de la Maison Viking de 12 m2 à Fermanville (Cotentin, France) conçue par Freaks Architecture. (PHOTO JULES COUARTOU)

Une mine d'idées à se réapproprier

Cet ouvrage n’a rien à voir avec les beaux livres pour tables basses présentant une collection de demeures de luxe faites pour rêver. Avec ce livre, l'autrice souhaite surtout inspirer avec "un corpus d’idées sur tout un tas de thèmes que l’on peut injecter partout, y compris dans des habitations modestes et des logements collectifs. Comme le rapport à l’intimité, le rapport à l’extérieur, le chauffé-non chauffé".

Les habitats sélectionnés dans son livre font effectivement voler en éclats toutes les rigidités : rien n’est figé, ce qui incite les habitants à la réinvention permanente. Ici, le jardin s’immisce à l’intérieur de la maison, là la salle de bains s’invite dans la chambre ou carrément à l’air libre, tandis qu’ailleurs la maison change carrément de configuration selon les saisons.

C’est le cas de la maison "transformative" Big Space-Little Space imaginée par l’agence Davidson-Rafailidis dans un ancien garage à Buffalo (États-Unis). Sachant qu’il fait facilement -10° en hiver et +35° en été dans l’Etat de New York où elle est située, il a été conçu un espace de 43m² bien chauffé en hiver, placé au cœur d’un second volume de 119 m² non isolé, appréciable aux beaux jours.

"Floating Home" de i29 à Amsterdam (Pays-Bas), 2021. (PHOTO EWOUT HUIBERS)

Un immeuble tokyoïte sans façade figée

Face à la densité urbaine, le livre regorge par ailleurs de propositions audacieuses. Il y a par exemple l'alternative des maisons flottantes, comme celle de i29 qui fait partie d'un ensemble construit sur l'eau à Amsterdam (Pays-Bas). On remarque aussi la surprenante maison House & Garden tout en hauteur de Ryue Nishizawa, construite à Tokyo sur une étroite parcelle de 38 m². Enserré entre trois immeubles de 30 mètres de haut, le bâtiment érigé sur cinq niveaux n’a ni mur ni façade, remplacés par des parois de verre, des rideaux et des plantes. 

Beaucoup d’autres habitations sont tournées vers le paysage, comme à Cretas en Espagne ou a Geilo en Norvège. Outre la Maison Viking, un petit écrin réjouissant aménagé dans une cabane en béton de 12 m2 face à la mer à Fermanville (Cotentin) signée de Freaks Architecture qui ouvre la sélection, il y a la formidable Cabin ANNA (de Caspar Schols, aux Pays-Bas).

Il s'agit d'un pavillon en bois de configuration variable (plus ou moins ouvert ou fermé), entièrement démontable et remontable sur n’importe quel type de terrain (le montage se fait en cinq jours à trois personnes, le démontage ne prend que trois jours). Devant un lac, une plage, ou une vue à couper le souffle, la Cabin ANNA permet un nomadisme particulièrement désirable et inspirant.

La Maison Hourré du collectif Encore, à Labastide-Villefranche (Pyrénées-Atlantiques), France, 2017. (PHOTO MICHEL BONVIN)

Dialogue créatif entre la maison, le paysage et les habitants

Mais de toutes, c’est la Maison Hourré à Labastide-Villefranche (Pyrénées-Atlantiques), une vieille bâtisse en ruines réhabilitée par le collectif Encore de Anna Chavepayre, qui continue de nous bluffer encore et encore par sa fluidité, son ouverture, sa poésie, sa flexibilité douce. Cette maison semble offrir un champ des possibles inépuisable et un dialogue créatif de tous les instants avec ses occupants. Anna Chavepayre, qui privilégie la réhabilitation plutôt que de nouvelles constructions, défend "une architecture vivante", qui donne à ses habitants "la sensation d’être une petite partie du paysage".

Les 23 maisons dont l’autrice détaille les spécificités dans le livre sont très différentes les unes des autres. Mais elles ont en commun, grâce à l’indétermination de leurs plans, de s’inscrire dans le temps long. "Dans un monde idéal, nous devrions avoir une maison qui peut évoluer dans le temps", remarque Maryse Quinton. "A 30 ans, à 70 ans, avec enfants et lorsque les enfants sont partis, en temps normal et en temps de pandémie, elle devrait s’adapter à tous les modes de vie possibles."

Habiter autrement de Maryse Quinton (éditions de la Martinière)

La couverture de l'ouvrage "Habiter autrement" de Maryse Quinton. (EDITIONS DE LA MARTINIERE)

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