La Samaritaine minutieusement restaurée dévoile ses joyaux Art nouveau et Art déco : suivez le guide
Fermée depuis 2005, La Samaritaine a ouvert ses portes au public en réunissant un magasin de mode, un hôtel de luxe, des bureaux, des logements sociaux et une crèche. Visite et découverte de cette restauration avec l'architecte en chef des monuments historiques.
Fermé en 2005 pour des raisons de sécurité liées à sa vétusté, le magasin de La Samaritaine devait rouvrir en 2020 pour son 150e anniversaire. C’était sans compter sur la Covid-19. C'est finalement le 23 juin 2021 que le public a pu, à nouveau, admirer ces joyaux de l'Art nouveau et de l'Art déco : quatre bâtiments - dont un classé aux monuments historiques - qui ont subi une lourde restructuration devant respecter et revaloriser les éléments d'époque.
Visite passionnante et riche en découvertes avec Jean-Francois Lagneau, architecte en chef des monuments historiques, avant la réouverture officielle d'une Samaritaine qui a, désormais, un pied dans le passé et un autre dans la modernité.
D'une petite échoppe en 1870 à la "Samar" version 2005
Quelques mots d'histoire : en 1870, le négociant Ernest Cognacq installe avec sa femme Marie-Louise Jaÿ son échoppe à l'emplacement de l'actuelle Samaritaine, puis ils s’étendent petit à petit dans les boutiques mitoyennes. En 1910 est inauguré un bâtiment Art nouveau aux ambitieux volumes, doté d'une structure métallique et d'ornementations travaillées. A ce bâtiment signé Frantz Jourdain vient s’ajouter en 1928 un édifice Art déco conçu par Henri Sauvage. En 1930, la "Samar" comme l’appellent les Parisiens devient le lieu où l’on vient acheter les robes à la dernière mode ou flâner et être vu.
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En 2005, pour des questions de sécurité, le grand magasin ferme ses portes : le groupe LVMH (propriétaire à 55% en 2001, puis 100 % en 2010) lance un projet de rénovation. Aux édifices Art nouveau et Art déco d’origine restaurés, a été adjointe, côté rue de Rivoli, une construction moderne de l’agence d’architecture japonaise Sanaa. Désormais le magasin - essentiellement consacré à la mode et à la beauté - accueille aussi un hôtel de luxe Cheval Blanc (pas encore ouvert), 15 000 m² de bureaux, une crèche et des logements sociaux gérés par Paris Habitat.
Une façade Art nouveau qui, hier, a fait scandale
Avant d'y pénétrer, j'admire la façade Art nouveau du bâtiment Pont-Neuf qui donne beaucoup de charme au magasin avec ses panneaux de lave émaillée aux riches couleurs et aux inscriptions nombreuses - chapeaux, chaussures, chaises, forme -… 675 mètres linéaires ont été rénovés dont 42 m2 reconstitués grâce aux archives iconographiques. Au début du XXe siècle, Frantz Jourdain utilise pour la construction une ossature métallique pour gagner de la place et de la lumière. Pour l'adoucir, des décorations en lave de Volvic émaillée sont dessinées par son fils Francis Jourdain et l’affichiste Eugène Grasset afin d’attirer le chaland.
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"A la différence des autres magasins, la façade en elle-même est déjà une enseigne à part entière", explique Jean-François Lagneau, architecte en chef des Monuments historiques. "Ce qui est original sur ce bâtiment haussmanien, c’est le côté commercial. De l'extérieur, il raconte déjà la vie qui s’y passe à l’intérieur. C’est un temple du commerce. Ernest Cognacq disait que c'était pour attirer le chaland". C’est vrai que cette façade colorée n’est pas habituelle aujourd’hui pour un grand magasin. Surtout, souligne l'architecte, "il faut savoir qu’une telle polychromie a fait déjà scandale à l’époque".
Une luminosité retrouvée
C'est avec une excitation certaine que je pénètre dans ce temple de la mode. Dans ma mémoire subsistent des images un peu surannées d'un magasin sombre au charme incontestable mais dans son jus. Dès l'entrée, oubliée l'ambiance sombre, La Samaritaine est baignée d'une lumière naturelle qui filtre de la mythique verrière du bâtiment Art nouveau - pourtant située au dernier étage -, des baies vitrées d’origine - percées dans la structure Eiffel -, mais également de nouveaux puits de lumière que je vais découvrir lors de ma visite.
Dans ce bâtiment côté Pont-Neuf, qui accueille les grands noms du luxe, l'esthétique est chic et raffinée : sol en terrazzo, ferronnerie repeinte dans un gris lumineux. La peinture d'origine, recouverte au fil des ans de différentes couches, a été retrouvée : "La mode fait que l'on s'adapte à son époque et que l’on change les couleurs de peintures au fil du temps. Le procédé de stratigraphie des couches successives a permis de retrouver la teinte d'origine, celle de 1910", explique Jean-François Lagneau. Cette luminosité provient aussi de la restauration des détails Art déco et Art nouveau : "redorer à la feuille d’or les feuilles de marronniers des ferronneries participe à la luminosité de l'ensemble", révèle-t-il.
Majestueux comme dans mon souvenir, le grand escalier - qui occupe la partie centrale - offre toujours une vue d'ensemble impressionnante. Il révèle aussi une jolie surprise. Sur un des paliers, l'architecte me montre les céramiques d'un plafond : "elles ont été découvertes au cours du chantier, elles avaient été peintes en blanc. On retrouve ici la logique de la polychromie des ensembles", rajoute-t-il.
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La visite et la montée vers la verrière et sa structure Eiffel se poursuit. Ils font partie des décors chers au grand magasin de jadis. Porté par une ossature métallique, cet élément d’architecture spectaculaire, qui date de 1907, avait été modifié, même caché au fil du temps. Aujourd'hui, le toit rectangulaire vitré a retrouvé sa forme et ses couleurs d’origine choisies par Francis Jourdain. Seule concession moderne : le verre électrochrome qui se teint en fonction de la luminosité.
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Pour Jean-François Lagneau, ce dernier étage "c'est comme un jardin d'hiver avec la féerie de ces polychromies, dernier soubresaut de l'Art nouveau que l'on admire ici. Cela donne une ambiance extra". J'observe au-dessous de cette nouvelle verrière, éclatante de lumière, une grande fresque Art nouveau qui court sur toute sa longueur. Elle représente des paons sur fond jaune. "C’est un animal un peu magique qui fait rêver", ajoute l'architecte.
Ferronneries en plâtre, dalles en verre
Cet étage est l’occasion d’une autre découverte que me montre Jean-François Lagneau. "Ils utilisaient à l’époque une technique de construction rapide : ainsi certaines parties en fer forgé de la structure sont recouvertes de décors en plâtre. Démonstration à la clef, il m’explique comment reconnaître l’un de l’autre : "c’est facile, au toucher le fer est froid, tandis que le plâtre est à température ambiante".
Au sol, des dalles de verre comme celles qui se trouvaient à l’origine. Elles amenaient de la lumière jusque dans les niveaux les plus bas, à l’époque où l’électricité était rare. "En 1909, il fallait inonder de lumière ce magasin et les dalles de verre le permettaient mais au fil du temps elles ont été recouvertes de planchers et de moquettes qui les cachaient".
Si elles ne sont présentent qu’au dernier étage, ce n’est pas sans raison, comme l'explique Jean-François Lagneau : "Mon seul regret, c’est qu’aujourd’hui, il n’était pas possible de remettre du verre à tous les étages. En raison des normes d’incendie actuelles, on a dû s’adapter. Ces planchers de verre, posés sur une ossature métallique, ne tenaient pas au feu". Mais la visite, côté patrimoine, est terminée. Cet étage est dévolu à la food : disséminés aux quatre coins de la Samaritaine, douze lieux de restauration fonctionnent de l’aube à la nuit tombée.
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